Nucléaire, nanotechnologies, OGM, téléphonie mobile… : les décisions liées au domaine techno-scientifique sont prises en dehors de la consultation de la société civile et très souvent, elles sont influencées par les industriels.
Pour cause : l’idée dominante est que ces débats sont réservés à des experts, la société civile est dès lors peu ou pas consultée. Mais les débats d’experts sont bien souvent organisés pour refléter l’opinion de ceux qui trouvent un intérêt à mettre une nouvelle technologie sur le marché.
Pourtant, la société civile européenne est « mûre » pour discuter d’égale à égale avec ces experts, les entraînant souvent sur des terrains « plus systémiques ». Elle les incite à sortir la tête des laboratoires et des chiffres de rentabilité pour s’intéresser aux multiples retombées sociales de ces technologies. Pour être pleinement opérationnelle dans son rôle de contre-pouvoir d’expertise, la société civile a besoin de s’appuyer sur des « veilles citoyennes d’informations », animées par des personnes soucieuses de l’intérêt du bien public, sans connivence avec les industriels.
Qu’est-ce qu’une veille citoyenne ?
Une veille citoyenne est une structure, composée de scientifiques professionnels indépendants et/ou de citoyens développant une attitude critique, ayant pour but d’aider le public à réagir selon l’intérêt général (et donc, a priori, celui de la planète) à des propositions technologiques.
Avec ou sans salariés, et non soumise à des lobbies financiers ou d’entreprises, la mission principale des veilles citoyennes est de produire et diffuser des informations analysées et contextualisées, dont le grand public ne dispose généralement pas (ou bien, disponibles sans analyses). Au-delà de la simple circulation de cette information, l’objectif est de mettre en débat et, parfois, de se positionner sur un thème donné.
Bien sûr, des journaux de vulgarisation scientifique existent. Mais quelle garantie offrent-ils sur leur faculté à anticiper les conséquences des choix technologiques sur la société et l’environnement ? Et quelle est la garantie de leur indépendance ?
Les veilles citoyennes informent avant et après la décision
Ces veilles d’informations doivent se situer en amont des processus de décision : leur rôle est d’éclairer les citoyens sur les conséquences d’un choix technologique. Ce choix sera pris en fonction du rapport coûts/bénéfices pour la société. Néanmoins, pour établir ce rapport coûts/bénéfices, il faut au préalable s’assurer que les coûts et les bénéfices sont de même nature. En effet, si les bénéfices sont d’ordre individuel et que les coûts sont supportés par une espèce (un groupe), ce rapport n’est pas calculable. Il est donc important de calculer ces rapports en établissant plusieurs échelles de mesures et des équivalences entre les données.
Les veilles d’informations doivent donc fonctionner avant les prises de décisions, et même avant les éventuelles conférences de citoyens.
Mais elles doivent aussi fonctionner après, pour rendre compte des impacts de ces choix technologiques et être un signal d’alarme en cas de besoin. Ce qui permettrait de déclencher la réorientation de ces choix.
Le rôle de l’Union européenne vis-à-vis des veilles citoyennes
En théorie, l’Union européenne cherche à favoriser la participation citoyenne et donc, celle de la société civile. Son programme « sciences en société » a notamment soutenu, certes timidement, le développement de boutiques de sciences (« Science shops »). Dans ce même esprit, l’Union pourrait soutenir de manière officielle l’émergence de regroupements citoyens préoccupés par un thème techno-scientifique donné, en lui fournissant à la fois les moyens de travailler et une place dans l’organigramme des prises de décisions : celle du « fournisseur d’information de contre-expertise citoyenne », consulté par les politiques avant leurs décisions.
Un exemple en France : Inf’OGM, veille citoyenne d’informations critiques sur les OGM
Depuis 1999, l’association Inf’OGM fournit un service francophone d’informations sur les Organismes Génétiquement Modifiés (OGM) – et depuis 2013 sur les semences –, indépendant des lobbies et des partis politiques.
Inf’OGM suit l’actualité internationale, compare les informations, recherche des sources fiables, traduit, afin de produire une information régulière, vérifiée, concise et référencée, sur tous les enjeux des OGM, dans un langage compréhensible par tous.
Afin d’actualiser quotidiennement son information, Inf’OGM est en contact étroit avec les réseaux locaux et internationaux d’acteurs (élus, associations, juristes, chercheurs).
Inf’OGM est ainsi devenue une référence pour de nombreux acteurs sur le dossier des OGM, en fournissant des informations scientifiques, certes, mais aussi économiques, juridiques, ainsi que sur les conséquences sociales, sanitaires et environnementales de l’utilisation des Plantes Génétiquement Modifiées (PGM) en milieu ouvert, et des semences industrielles. Inf’OGM a notamment été auditionnée par une mission parlementaire, a provoqué des questions à l’Assemblée nationale, a participé en amont aux amendements à la loi OGM de 2008, intervient auprès d’élus locaux… D’autres veilles citoyennes sur des thèmes technologiques se sont développées en France, avec des moyens bien en-deçà de leurs ambitions, mais qui néanmoins réalisent un travail « d’intérêt public », sur des thèmes comme l’énergie nucléaire, la téléphonie mobile, les nanotechnologies, les pesticides, les déchets…