En Argentine, juste après la crise financière de 2001, entre 8 000 et 10 000 postes de travail ont été sauvés par les ouvrières et ouvriers qui ont remis en marche leur structure de production. Confrontés à des licenciements massifs, à la faillite ou à la délocalisation de leur entreprise, les travailleurs et travailleuses se sont organisés de manière autonome et ont expérimentés la récupération de leur entreprise sous forme coopérative comme réponse à la crise, une alternative valide en elle-même, au-delà de la défense de la source de travail. Cette récupération est un exercice périlleux : elle passe par des conflits longs avec la direction et souvent par l’occupation de l’entreprise et/ou la résistance contre des décisions de justice et des tentatives d’expulsion. Malgré une loi en faveur des entreprises récupérées en 2011, la justice ne leur accorde pas toujours une loi d’expropriation, ce qui pousse certaines d’entre elles à devoir stopper leur activité productive.
Pourtant, dix ans après les premières créations d’entreprises récupérées par les travailleurs (ERT), le bilan est plutôt positif. La quatrième enquête de la faculté de philosophie et de lettres de Buenos Aires révèle que les entreprises récupérées argentines tiennent bon. Le pays en compte aujourd’hui plus de 300 e, comprenant plus de 13 000 travailleurs répartis (par ordre décroissant) dans la métallurgie, l’alimentation, l’industrie graphique, la construction, mais aussi dans les services (santé, éducation, communication, hôtellerie, etc.).
Ces entreprises se heurtent toujours à des difficultés : la capacité productive reste moindre qu’avant la récupération, elles manquent de capital et de matières premières et ont souvent des difficultés à s’insérer sur le marché. Mais ces entreprises restent vivaces : 77% d’entre elles déclarent avoir embauché depuis leur création. Elles constituent - dans ce sens - une alternative crédible face au chômage. Ces embauches assurent d’autant plus une pérennisation de l’emploi que les entreprises récupérées ne veulent généralement pas licencier. Elles valorisent également une égalité salariale et une participation de tous les coopérateurs aux décisions internes. Depuis quelques années, l’Etat argentin les soutient financièrement. La récupération d’entreprises est devenue une composante de la réalité économique et sociale du pays,preuve que l’économie sociale et autogestionnaire peut être une réponse aux crises économiques et financières.