Low tech : face au tout numérique, se réapproprier les technologies

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Face au capitalisme de surveillance : quelles alternatives aux géants du numérique ?

Internet était à l’origine un projet en réseau acentré, démocratique et potentiellement incontrôlable. Mais peu à peu, en orientant l’usage et les pratiques d’Internet, les géants du numérique, connus sous l’acronyme GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft), ont réussi le tour de force de recentraliser les échanges qui y ont lieu pour les contrôler et en tirer des profits : pour trop d’entre nous, Internet se résume à quelques services en ligne proposés par ces entreprises. Face à cette recentralisation d’Internet et aux dangers qu’elle implique (surveillance, atteinte à la vie privée, dépendance au fournisseur du service), quelques irréductibles ont cherché à montrer qu’un autre Internet peut exister. En France, cela a mené à la naissance du projet « Dégooglisons Internet ».

Il s’agit d’un ensemble de services mis en place par l’association Framasoft, qui a impulsé la campagne « Dégooglisons Internet » dont le but est de « faire face aux dangers menaçant nos vies numériques en proposant des services libres, éthiques, décentralisés et solidaires. » Voici quelques exemples des services alternatifs.

Dans la famille réseaux sociaux, vous trouverez Mastodon, une alternative libre à Twitter ; Diaspora, un bon substitut à Facebook ; PixelFed, conçu sur l’idée d’Instagram ; ou encore PeerTube, la plateforme de mise en ligne de vidéos qui défie YouTube. Pour nos outils collaboratifs, privilégions les services libres de Framasoft : Framapad (traitements de texte collaboratifs) ; Framadate (pour planifier un rendez-vous ou prendre des décisions rapidement, etc.) ; ou encore Framateam, un chat en ligne pour communiquer avec ses ami·es ou ses collègues. En ce qui concerne l’hébergement et le partage des fichiers : utilisons Framadrop pour les petits fichiers et, plutôt que Google Drive ou Dropbox, créons un compte Framadrive ou trouvons un fournisseur sur le site de Nextcloud. Plutôt que Skype, nous pouvons accéder librement à des conférences téléphoniques sur Jitsi ou Framatalk.

Les exemples ci-dessus sont les plus populaires parmi les outils proposés par Framasoft, la liste complète est consultable sur : https://degooglisons-internet.org/fr/list/

Au-delà des services, les infrastructures sur lesquelles nous nous appuyons ne sont pas neutres, ainsi que nous le rappelle le CHATONS, le Collectif des hébergeurs alternatifs, transparents, ouverts, neutres et solidaires (rappelons qu’un hébergeur est une « entité hébergeant des données fournies par des tiers et proposant des services par lesquels transitent ou sont stockées ces données »). Ce collectif, né de l’inspiration qu’a insufflé le projet « Dégooglisons Internet », vise à « mailler les initiatives de services basés sur des solutions de logiciels libres et proposés aux utilisateurs [...], avec un maximum de confiance vis-à-vis du respect de leur vie privée, sans publicité ni clause abusive ou obscure. » De plus, l’association Framasoft est par volonté restée une petite structure, le CHATONS est aussi un moyen de répartir la charge de travail et financière, les coûts des serveurs et de la bande passante augmentant avec la popularité grandissante de ces services alternatifs, ce dont on peut se réjouir !

En ce qui concerne les moteurs de recherche, on peut choisir Qwant. Et comme navigateur Internet, Mozilla Firefox plutôt que Google Chrome ou Internet Explorer. Plus largement, la question des systèmes d’exploitations libres – comme alternative à Microsoft – est liée. Framasoft et le CHATONS privilégient et militent pour l’utilisation des systèmes GNU/Linux tels Debian, Ubuntu ou Linuxmint. Un changement de système d’exploitation sur un ordinateur représente cependant un changement d’habitude bien plus sérieux que simplement remplacer les services en ligne.

Parmi les services mentionnés, une grande partie fonctionne selon le protocole ouvert « ActivityPub », qui permet un fonctionnement décentralisé où un nombre indéfini de serveurs peuvent s’interconnecter. La galaxie de services ainsi apparue est appelée Fediverse, un mot-valise qui vient de l’anglais, une combinaison entre « fédération » et « univers ». Techniquement parlant, c’est un ensemble de serveurs indépendants, organisés en réseau, dont l’objectif est de partager des messages publics courts : c’est-à-dire de communiquer, et ainsi de se fédérer. Cette fédération d’initiatives et de services se base sur le principe d’archipélisation, théorisé par Edouard Glissant, écrivain, poète, philosophe martiniquais. Ce principe est simple : il s’agit d’un « ensemble de petites structures indépendantes dont la capacité de développement repose sur la coopération, la mutualisation », c’est-à-dire, un « réseau de petites structures agiles et flexibles reliées entre elles par des outils conviviaux » au sens d’Ivan Illich. Permettant de dépasser la notion de centre et de périphérie, « l’objectif n’est donc plus de construire un mouvement unique, monolithique, mais bien d’envisager l’avancée des luttes sous forme de coopérations entre ces différents îlots, sans essayer de se convaincre de tous faire la même chose. » Choisir de s’impliquer dans cet archipel peut se faire à différents niveaux : mais commencer par le découvrir, utiliser ses services (plutôt que ceux des GAFAM) et le soutenir en en parlant autour de nous, c’est déjà faire partie du projet d’émancipation collective.