Low tech : face au tout numérique, se réapproprier les technologies

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Low tech, le portail migrant·es ?

, par CHARLES Emmanuel

Depuis presque 3 ans, RTM Draguignan [1] construit, au fur et à mesure de ses interventions auprès des migrant·es, des bénévoles ou des professionnel·les, un portail permettant de collecter et diffuser des éléments d’information et un éventail de stratégies disponibles instantanément. Ces informations intègrent l’évolution de la loi et de sa jurisprudence sur les procédures de demande d’asile et la gestion administrative des étranger·es, peu importe la nationalité ou les raisons de la présence en France ; mais aussi les productions et l’expérience de tou·tes ceux et celles qui agissent pour le respect des droits humains.

Comment aider un·e migrant·e à se retrouver dans le taillis des dispositifs, des lois et de leurs interprétations ? Comment l’aider à trouver les imprimés indispensables bien que souvent obscurs et incompréhensibles, pour faire ses démarches administratives et ses recours ? Comment aider une association ou un·e bénévole à établir et à accompagner une stratégie d’accueil dans la durée ? Comment éclairer les choix à faire et les arbitrages stratégiques ? Comment documenter et alimenter la lutte des personnes et des associations contre l’injustice et l’arbitraire, et capitaliser sur les ressources qu’ils et elles produisent ?

Il fallait trouver un outil qui permette aux accueillant·es de migrant·es de retrouver, quel que soit l’endroit et l’équipement où ils et elles assuraient cet accueil et ce conseil, les instruments et les documents adaptés à toutes les réponses. Ainsi, la clé USB est apparue comme l’outil le plus simple, le plus horizontal et le plus sobre tout en étant le plus respectueux du droit d’auteur·e ou des règles du Creative Common. Un exemple de low tech numérique au service de la solidarité.

Le plus simple : une clé USB se garde dans la poche ou à son trousseau de clés, elle se donne de la main à la main et se transmet sans difficulté. Ce petit outil met l’utilisateur·rice au centre de ses activités en lui permettant de s’adapter à tous les équipements, même non connectés à Internet et quel que soit leur système d’exploitation, pour lire l’information. Le seul ennui avec les clés USB, c’est qu’elles sont comme des boîtes de chocolats, « on ne sait jamais sur quoi on va tomber » : des virus, des infox, des logiciels illégaux, des logiciels soumis à des droits d’auteur·e ou à des conditions de licences particulières ? Une vérification et une mise à jour régulière permettent de donner cette garantie aux utilisateur·rices.

Le plus horizontal : fréquemment, des utilisateur·rices du portail découvrent des mises à jour nécessaires ou des ressources complémentaires à apporter. Il suffit d’en envoyer à RTM le contenu ou le lien pour que la précision des informations mises à disposition s’affine. Les mises à jour modérées par RTM sont régulières, au moins tous les mois. C’est ainsi que le portail a pu rendre compte des évolutions du CESEDA (Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile) issues de la loi du 10 septembre 2018 et présenter la richesse des réponses du tissu associatif. C’est ainsi que la demande de ressources pour l’accompagnement des MNA (mineurs non accompagnés) ou les activités socio-linguistiques a pu obtenir de nombreuses réponses et de nouveaux outils partagés.

Le plus sobre : le coût dérisoire et le besoin minimal en énergie, via une alimentation locale, en plus d’une adaptation à tous les systèmes, rend cette technologie de partage d’information extrêmement sobre.

Le plus sécure : la criminalisation des migrant·es et des personnes qui les accompagnent se fait de plus en plus sévère, avec des condamnations en justice encore trop fréquentes, et ce malgré la décision en juillet 2018 du Conseil constitutionnel consacrant la fraternité comme principe à valeur constitutionnelle. La clé USB est un moyen sécure de partager de l’information tout en évitant les risques et les répercussions de la surveillance sur Internet. Elle propose donc des éléments pour comprendre le cadre légal et des outils pratiques afin de pouvoir agir sans être intimidé·e.

Le projet BiblioBox Migrant·es : une vraie low tech ? Prise multiple d’informations, la BiblioBox est un dispositif local de partage de ressources numériques et de démocratisation du libre. C’est donc une médiathèque mobile qui peut mettre à disposition de multiples utilisateur·rices, dans le rayon du lieu choisi, livres électroniques, dossiers, vidéos, musiques, logiciels, photos, etc.

La BiblioBox (ou Library Box dans ce cadre) se présente comme une simplification du mécanisme de diffusion d’information que permet le portail migrant·e. Les différentes Bibliobox sont synchronisées avec RTM, et mises à jour simultanément. En effet, elle décentralise les points d’accès aux ressources documentaires : en la branchant, les mises à jours de la clé USB se font automatiquement, plutôt que manuellement et en présence de RTM. Par ailleurs, on peut accéder à la documentation via n’importe quel appareil mobile, en se connectant au Wifi. Enfin, toute personne peut rajouter des informations à ce qui est mis en commun dans ce petit serveur.

La clé USB portail migrant·es est apparue par expérience comme le symbole d’un relais qui se passe de la main à la main et qui contient une partie de son sens et de son objectif dans ce passage. Elle est aussi un appel à la contribution de chacun·e, que ce soit par son utilisation ou par son amélioration (contenu ou technique). Elle est une incitation concrète à la réappropriation. La BiblioBox en sera une démultiplication, tout aussi sûre, horizontale et démocratique. Elle permettra de plus un passage plus facile aux activités collectives et collaboratives d’apprentissage.

Pour l’obtenir ou pour plus d’informations, contactez RTM Draguignan : rtm@ritimo.org