Le 8 mars 2017 à 16h32 UTC+1 était lancée en France la première expérience, en condition réelle, d’une monnaie libre, c’est-à-dire une monnaie à dividende universel : la Ğ1 (en français, prononcer June). Sa création continue par les membres [au sens de membre de la communauté des utilisateur·rices de la monnaie, NDRL], comme les transactions ou les autres opérations concourant à sa sécurisation, sont encryptées dans une blockchain ; un grand livre comptable public, anonyme et infalsifiable, transmis sans organe central de contrôle. À la différence d’autres cypto-monnaies recourant à une blockchain, la Ğ1 repose sur des règles qui lui permettent de prétendre à la sobriété énergétique (pas de course à la puissance, pas de minage [1] ni preuve de participation).
Son administration est confiée au logiciel libre distribué en réseau, Duniter. Ce réseau « pair à pair » se construit à partir des nœuds serveurs que sont les ordinateurs de certain·es membres volontaires de la communauté, des machines personenelles, plus ou moins performantes, à l’instar des nano-ordinateur raspberry pi. Leurs ressources sont mises à disposition pour assurer l’ensemble des opérations enregistrées de manière sécurisée dans la blockchain : comptes, certifications, transactions monétaires ; chaque nœud Duniter disposant d’une copie de cette blockchain. La gestion d’un nœud est ouverte et volontaire et peut, ou non, être rémunérée, sous forme de dons, par les utilisateur·rices membres. Il n’y a donc pas de faveur ou de bénéfice automatique à participer à cet effort de calcul, simplement la motivation à ce que la monnaie, propriété partagée de ses membres, offre une confiance suffisante à un fonctionnement étendu et fluide.
Il n’y a pas de condition pour recevoir des Ğ1 en échange de biens et de services et payer ensuite avec, et il est possible de créer un compte portefeuille en « quelques clics ». Il est par contre nécessaire de devenir membre et d’être identifié·e par cinq personnes elles-mêmes déjà intégrées au dispositif pour contribuer à l’émission de la monnaie par le dividende universel (DU). Cette toile de confiance s’établit lentement grâce à des rencontres dans la vraie vie, avec une consommation minimisée de ressources informatiques et permet d’authentifier l’identité, et l’unicité des membres (principe de certification), en même temps que de tisser les liens entre les personnes qui seront amenées à échanger ensemble. À l’image de la sobriété énergétique de l’écosystème Duniter, la toile de confiance semble privilégier le respect du vivant et s’orienter vers l’usage des ressources énergétiques facilement renouvelables.
Les règles de cette première monnaie libre ont été définies une fois pour toutes. Elle fixe son fonctionnement : le calcul du DU, le nombre de certifications nécessaires pour être membre, le nombre de certification maximum qu’un·e membre peut donner, etc. [2]
Début 2020, la toile de confiance intégrait 2 500 personnes qui produisaient et percevaient chacune et chaque jour un DU d’une valeur de 10,11 Ğ1.
Le logiciel Cesium, en application web ou à installer, communique avec le réseau Duniter, permet la connexion des utilisateur·rices à leur(s) portefeuille(s) et propose les fonctionnalités principales suivantes : un récapitulatif des paramètres de la monnaie, un annuaire des membres et portefeuilles, la liste des nœuds serveurs du réseau, la gestion des certifications ou encore la gestion des transactions.
Quelques rares professionnel·les acceptent d’échanger en Ğ1 et les règles fiscales à appliquer en la matière représentent un sujet passionnément débattu sur les forums sans que les services fiscaux n’aient encore fourni de réglementation. (Les Ğ1 et les euros se gardant bien d’une quelconque relation de convertibilité !) En revanche les échanges entre les membres hors des activités considérées comme professionnelles sont nombreux, lors de marchés organisés dans les groupes locaux ou via deux plateformes principalement : Ğannonce et Ğchange.
Enfin, la Ğ1 s’expérimente également en version papier ou via un protocole simplifié par SMS [3]... de quoi faire gagner à la Ğ1 ses lettres de low tech...