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RDC : Combattre les violences sexuelles en temps de guerre

, par MERLANT Myriam

En guerre depuis 20 ans, la République démocratique du Congo (RDC) est le théâtre d’affrontements particulièrement violents depuis trois ans entre différents groupes rebelles et milices qui sèment continuellement la terreur dans la ville de Beni et dans les villages d’Ituri et du Nord-Kivu. Depuis 2014, plus de mille morts ont été recensés sur ces territoires et des milliers de personnes sont portées disparues.

Julienne Lusenge, directrice de SOFEPADI
Crédits : Myriam Merlant

« Comme toujours, les premières à payer le lourd tribut de cette guerre sont les femmes : nombre d’entre elles sont abusées sexuellement par les miliciens et rebelles  », rapporte Julienne Lusenge, directrice de la Solidarité féminine pour la paix et le développement intégral (SOFEPADI). Créée il y a 16 ans par huit femmes journalistes, la SOFEPADI travaille à combattre les violences sexuelles selon une approche holistique. Des soins médicaux sont proposés aux femmes victimes de violences, en particulier de viols. Elles sont de plus accompagnées dans leurs démarches judiciaires afin d’être reconnues en tant que victimes et de punir les auteurs des crimes. Elles sont prises en charge psychologiquement, dans l’objectif de les « détraumatiser » et sont accompagnées dans leurs démarches de réinsertion économique. L’association soutient également financièrement les enfants issu.e.s de ces viols afin qu’ils/elles puissent poursuivre une scolarité.

La SOFEPADI intervient également au niveau international, en documentant les crimes de guerre et par le biais du recours à la Cour pénale internationale. Pourtant, les plaintes sont rejetées, les unes après les autres, car dès qu’un enquêteur tombe sur un faux témoignage (il y en a parfois), toutes les plaintes compilées sont alors abandonnées. « Je continue à me battre contre l’impunité mais cela me vaut aussi d’être inquiétée : j’ai quitté mon village, Bunia, depuis 2002 et les menaces régulières qui pèsent sur moi m’obligent à vivre quasiment dans la clandestinité », révèle Julienne Lusenge.

Sur quels instruments s’appuie l’association pour lutter contre les violences sexuelles ? « Nous avons en République démocratique du Congo des textes pour défendre les droits des femmes mais le problème c’est qu’ils ne sont pas appliqués  », déplore la présidente de l’association. Elle propose donc également des formations à destination des femmes, notamment les leaders d’organisation, pour les sensibiliser à leurs droits sur les questions de santé et de reproduction. L’utilisation des radios traditionnelles a permis de faire avancer la conscientisation sur les violences faites aux femmes. En effet, en contexte de guerre, il est particulièrement important de mobiliser les populations et qu’une solidarité s’installe au-delà des différences d’appartenance tribale : « Les gens se promènent partout avec des postes de radio pour suivre les nouvelles, nous avons donc proposé des émissions en langues locales et diffusé des spots de sensibilisation », confirme Julienne Lusenge. Si les femmes ont été les premières touchées par ces émissions de radio, les messages des spots publicitaires, sans équivoque (« Quand tu violes une femme, c’est comme si tu violais ta mère »), ont également permis de sensibiliser les hommes. « Les médias nous aident à réveiller les consciences, mais les propos sexistes des radios traditionnelles détruisent complètement nos messages ; à terme, la seule solution pour remporter plus de victoires serait d’avoir nos propres médias et canaux de communication  », conclut Julienne Lusenge.