Créé en 2014, le collectif afro-féministe Mwasi est composé de femmes et de personnes assignées femmes noir.e.s, métis.se.s et afro-descendant.e.s. Notre approche intersectionnelle des systèmes d’oppression nous place sur de nombreux champs de bataille : contre notamment les dominations de race, de classe, de genre et/ou d’orientation sexuelle, produites par le système capitaliste et impérialiste.
En France, l’afro-féminisme n’est pas nouveau. En 1976 se créée la Coordination des femmes noires, qui existera jusqu’en 1980. Elle réunit des femmes africaines et antillaises, principalement étudiantes, exilées, jeunes intellectuelles. Ces femmes tiennent des positions contre l’excision et la polygamie, en étant engagées aussi contre le racisme, le néocolonialisme et les représentations exotisantes ou misérabilistes des femmes noires. Elles participent à des actions de solidarité contre l’Apartheid, contre la répression en Afrique et contre les expulsions. Puis, en 1981, naît le Mouvement pour la Défense des droits des femmes noires (Modefen), un groupe qui avait pour objectif de lutter contre le racisme et le sexisme et en faveur de l’émancipation des femmes noires. Ses revendications portaient sur l’instruction, la formation, la liberté de choix du mode de vie et la lutte contre la polygamie, les mutilations sexuelles et les violences faites aux femmes. Le collectif a existé jusqu’en 1994. La reconnaissance de ces mouvements et de leurs luttes contribue non seulement à la création d’archives qui documentent la place des femmes noires dans les luttes sociales, mais participe également à la transmission aux générations actuelles et futures d’afrofems (afro-féministes).
Dans cette société blantriarcale (c’est-à-dire dominée par les Blanc.he.s), où nous subissons le racisme et le patriarcat, nous constatons que ces deux oppressions sont liées. Elles contribuent à une construction commune d’un soi modelé par l’alternance ininterrompue de l’expérience de la négrophobie et/ou du sexisme, mais aussi de l’exploitation capitaliste, de la queer/transphobie, parfois de l’islamophobie, du validisme et d’autres systèmes d’oppression qui, le plus souvent, interagissent et s’articulent en fonction des contextes. Cette réalité est celle des femmes noires en France, dans les pays occidentaux mais aussi dans les pays des Suds où les Noir.e.s sont minoritaires. Le concept de « misogynoir » dénonce cette racialisation du genre, c’est-à-dire l’interaction de la misogynie et de la négrophobie.
Le militantisme de Mwasi se décline sous plusieurs formes : des discussions et partages d’expériences (cafés afrofems), des manifestations telles que la Marche de la dignité de la MAFED (le 31 octobre 2015), la Marche pour les droits des femmes et minorités de genre (le 6 mars 2016), la Mobilisation antiraciste contre la Loi Travail (le 31 mars 2016) ou encore la Marche pour Aïssatou Sow pour dénoncer les violences faites aux femmes (le 12 novembre 2016). Nous participons non seulement à des tables-rondes ou des conférences comme le Black Feminisms Forum, qui a eu lieu les 5 et 6 septembre 2016 au Brésil, mais aussi à des événements culturels tels le Cutie.BPoc Fest, un festival en non-mixité LGBTQIA et racisées, qui a eu lieu à Berlin en juillet 2016.
Ayant compris la nécessité de la transmission et du partage de savoirs, la création de contenus concernant les femmes noires est essentielle pour documenter et visibiliser les luttes afro-féministes, c’est pourquoi notre site web recense les ressources et articles de recherches essentiels.
Notre militantisme prône également la notion du « care » politique : le fait de prendre soin de sa santé mentale pour assurer une pérennité militante. Le care est pratiqué lors de nos cafés afrofems, des rencontres en non-mixité où nous invitons les femmes noires à partager leurs expériences et savoirs autour de différents thèmes. Nous refusons que notre afro-féminisme se fasse sans les mamans noires, souvent exclues des espaces militants. Nous tâchons donc de prévoir des activités pour enfants animées par un.e ou plusieurs membres afin de rendre nos événements accessibles à tou.te.s.
Enfin, Mwasi fait partie du mouvement Black Lives Matter France (« Les vies des Noir.e.s comptent »). Ce mouvement initial a été créé par trois femmes noires queers (Alicia Garza, Opal Tometi, Patrisse Cullors), ce qui nous incite à mieux nous mobiliser contre l’invisibilisation récurrente des luttes des femmes noires, aussi bien au sein des institutions qu’au sein des mouvements féministes tout au long de l’histoire. Selon Thomas Sankara, « la condition de la femme est par conséquent le nœud de toute la question humaine, ici, là-bas, partout. Elle a donc un caractère universel » [1].. Aussi, nos luttes afro-féministes visent à élaborer des chemins de libération pour tou.te.s les Noir.e.s, en pensant la spécificité de la négrophobie dont sont victimes les femmes noires.