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L’IVG en Amérique latine : un droit restant à conquérir

, par DELOFFRE Jacqueline

Affiche réalisée par le collectif La Rage
www.larage.org

Le premier texte contraignant concernant le libre choix pour une femme DE DISPOSER DE SON CORPS a été la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes. Adoptée le 18 décembre 1979 par l’Assemblée générale des Nations unies, elle est souvent citée comme étant la Charte internationale des droits et libertés pour les femmes.

Il faudra ensuite attendre 1995 pour que la Conférence mondiale sur les femmes de Pékin fasse un pas de plus : « Les droits fondamentaux des femmes comprennent le droit d’être maîtresses de leur sexualité, y compris leur santé en matière de sexualité et de procréation, sans aucune contrainte, discrimination ou violence, et de prendre librement et de manière responsable des décisions dans ce domaine ». En 2013, les Nations unies ouvraient la 57ème session de la Commission sur la condition de la femme. Pour la première fois, il est demandé aux États de ne plus invoquer les coutumes, la tradition ou des croyances pour se soustraire à leurs obligations en matière de droits des femmes.

Pourtant, restrictions et interdictions perdurent. En Amérique latine, des millions de femmes et de jeunes filles, à la merci de préjugés ou de diktats religieux, continuent de payer un lourd tribut et de se voir infliger des violences par les professionnels et les systèmes qui sont censés les protéger.
Depuis quelque temps, on observe une tendance accrue à donner la priorité au fœtus. Au nom de ce concept, l’avortement est absolument interdit dans sept pays : le Chili, la République dominicaine, le Salvador, Haïti, le Honduras, le Nicaragua et le Suriname. Ailleurs, même lorsqu’il est légal, certains professionnels de santé refusent de le pratiquer pour des motifs idéologiques.
En Uruguay, par exemple, où l’avortement a été légalisé en 2012, des médecins du service public se sont déclarés « objecteurs de conscience ». Les femmes qui peuvent se le permettre financièrement se tournent vers des cliniques privées. Les autres n’ont alors d’autre choix que de recourir à des avortements clandestins, pratiqués dans de mauvaises conditions : ils sont la cause d’au moins une mort maternelle sur dix.

En Argentine, l’avortement est légal en cas de risque pour la vie ou la santé de la femme ou si la grossesse est le résultat d’un viol. Cependant, il arrive encore souvent que des femmes se voient refuser l’accès aux soins de santé dont elles ont besoin. Et celles qui font une fausse couche risquent d’être traînées devant les tribunaux. Comme Belén. Accusée en 2014 d’avoir provoqué son avortement, elle avait été maintenue en détention provisoire pendant plus de deux ans. Condamnée en première instance à huit ans de prison, elle a finalement été libérée le 17 août 2016, la Cour suprême de Tucumán estimant que les motifs n’étaient pas suffisants pour la maintenir en détention.
Comment ne pas évoquer le Paraguay et le cas de Mainumby, une fillette de 10 ans, enceinte de 21 semaines suite à un viol, dans un pays où la loi autorise l’avortement uniquement quand la vie de la femme ou de la fille est en danger. Or, sa vie était bien en danger, comme l’avaient confirmé les médecins. Une interruption de grossesse s’imposait. Mais c’était sans compter la pression exercée par les autorités religieuses. Mainumby a accouché par césarienne le 13 août 2015. Difficile de comprendre l’extrême cruauté forçant une enfant à poursuivre une grossesse qui est un rappel quotidien de son viol. Le traitement infligé à Mainumby relève de la torture.

Quant au Brésil, il fait partie des pays où l’interruption volontaire de grossesse n’est autorisée qu’en cas de viol, de mise en danger de la mère et d’anencéphalie, une malformation grave condamnant le nouveau-né à ne survivre que quelques minutes après l’accouchement. Dans tous les autres cas, l’avortement reste totalement interdit. Celles qui enfreignent la loi encourent jusqu’à quatre ans de prison. Devant cette difficulté, les femmes se tournent là aussi vers une alternative dangereuse : l’avortement clandestin. Selon une étude de l’Organisation mondiale de la santé, ces interruptions de grossesse non réglementées ne respectent aucune règle d’hygiène ou de sécurité. Conséquence : une femme meurt toutes les 48h des suites de cette pratique clandestine.

Amnesty International demande aux États d’abroger les lois en vertu desquelles les femmes sont, ou peuvent être, inculpées et emprisonnées pour avoir cherché à mettre fin à une grossesse non désirée. Les États doivent cesser de recourir au droit pénal de manière discriminatoire pour réglementer la sexualité et la procréation, et empêcher des tiers de prendre des décisions à la place des intéressées.