À contre-courant : arts, politique et transformation sociale

Exister pareillement dans l’ombre et la lumière. Le Théâtre de l’opprimé dans les méandres de l’histoire

, par COUDRAY Sophie

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Le Théâtre de l’opprimé est une poétique théâtrale élaborée par le dramaturge brésilien Augusto Boal, regroupant un ensemble de techniques et d’exercices dramatiques destinés à permettre aux opprimé·es de s’entraîner – dans le cadre de l’espace théâtral fictif – à lutter contre l’oppression et à esquisser des transformations de la société. En cela, ce théâtre se veut être le lieu de la « répétition de la révolution [1] ». Ainsi, des techniques telles que le théâtre-forum, le théâtre-image, le théâtre invisible, le théâtre-journal ou encore les techniques introspectives dites de « L’arc-en-ciel du désir », ont été conçues par Augusto Boal pour être mises en pratique non par des artistes, professionnels du théâtre, mais par les opprimé·es elles et eux-mêmes, par celles et ceux qui occupaient jusqu’alors une place de spectateur·rices et ce, tant au théâtre que sur la scène de l’Histoire. Théâtre populaire « fait par le peuple et pour le peuple [2] », son objectif est de transmettre aux opprimé·es, aux spectateur·rices, un savoir-faire théâtral ainsi que les moyens de production du théâtre, afin qu’ils et elles puissent d’une part conscientiser leur oppression et d’autre part utiliser les stratégies déployées sur scène dans le cadre réel de leurs luttes émancipatrices. Le Théâtre de l’opprimé participe en cela d’un double processus émancipateur : à la fois individuel par le développement d’une conscience politique critique permettant l’analyse structurelle du système de domination et collectif, par la mobilisation collective dont il se veut l’initiateur.

Le Théâtre de l’opprimé est cependant pris dans un paradoxe. Méthode théâtrale mondialement connue, créée et portée par le célèbre et charismatique Augusto Boal, pratiquée autour du globe par d’innombrables groupes depuis plus de quarante ans, il est cependant bien peu étudié et ses subtilités théoriques comme esthétiques restent globalement ignorées. C’est que l’histoire de cette pratique, en France du moins, est bien singulière. Le Théâtre de l’opprimé a en effet connu une période d’engouement, de prospérité dans les années 1970 et jusqu’au début des années 1980, puis a traversé des années d’oubli (relatif), voire de mépris, avant qu’un nouvel élan lui permette de s’épanouir à nouveau dans les années 2000. C’est de ce parcours non linéaire et de la manière dont cette pratique a réussi à perdurer et se transmettre, en évoluant tout en cherchant à conserver son identité originelle, dont il sera question ici.

Agosto Boal se tient à côté d'une plaque commémorative du Prix Molère de 1963.
Portrait d’Augusto Boal en 1958.
Archive Nationale (domaine public).

Des débuts glorieux

Le Théâtre de l’opprimé n’a pas de date de naissance précise, si ce n’est la sortie du livre Teatro del oprimido y otras poéticas y politicas en 1975, qui confère son nom à cette pratique. Ce théâtre résulte de la synthétisation a posteriori d’années d’expérimentations théâtrales et de réflexions de son fondateur, Augusto Boal, dans le contexte du mouvement de culture populaire brésilien des années 1950-1960, puis de la dictature militaire et d’ateliers menés en Argentine et au Pérou. Lorsque la pratique du Théâtre de l’opprimé arrive en France, en 1978, dans les valises de son fondateur en exil, les milieux du théâtre, du militantisme, mais aussi de l’éducation populaire s’y investissent avec enthousiasme. Il faut dire aussi qu’Augusto Boal est non seulement un personnage charismatique, un artiste reconnu internationalement, mais qu’il est également doté de l’aura des résistants, des survivants de la dictature. Ses publications l’ont précédé : la revue Travail théâtral a commencé à publier ses articles dès 1971 et les éditions Maspero ont édité la traduction française de ses deux premiers ouvrages Théâtre de l’opprimé (1977) et Jeux pour acteurs et non-acteurs (1978) – grâce à la complicité précieuse d’Émile Copferman, qui s’est fait l’intermédiaire entre Boal et les milieux du théâtre, du militantisme et de l’éducation. S’ajoutent à cela la participation de Boal et de sa troupe au prestigieux Festival de Nancy en 1971, un stage de Théâtre de l’opprimé à la Cartoucherie de Vincennes en 1977, une correspondance régulière avec Bernard Dort, et l’on comprend aisément que c’est presque en territoire conquis que Boal arrive à Paris. Épaulé par Émile Copferman, il fonde le « groupe Boal », composé à la fois de comédiens professionnels venus du Théâtre du Soleil, du Théâtre de la Tempête, du Théâtre de l’Aquarium et d’autres encore, ainsi que de personnes venant d’autres horizons : quelques étudiant·es et enseignant·es, des militant·es de l’éducation populaire… Le groupe se forme à travers de longues sessions de travail à toutes les techniques du Théâtre de l’opprimé. En 1979, le noyau dur du groupe se constitue en association, le Céditade (Centre d’étude et de diffusion des méthodes actives d’expression – méthode Boal). Celui-ci se donne pour principale mission de diffuser la méthode du Théâtre de l’opprimé, tout en commençant à se mettre au service de différents collectifs (syndicats, associations) qui font appel à lui. Rapidement, les militantes du Planning Familial s’y intéressent à leur tour et se forment auprès du Céditade pour faire du Théâtre de l’opprimé l’une de leurs techniques d’intervention.

Les stages de formation aux techniques du Théâtre de l’opprimé s’enchaînent, en France et dans le monde entier. Le théâtre-forum est même donné en spectacle dans un théâtre parisien en 1982-1983 (avec des critiques mitigées cependant [3]). Tout le monde se presse autour de Boal et de son Théâtre de l’opprimé, dont se font l’écho les revues de théâtre comme la presse généraliste, enseignante et militante. La France, terre d’accueil de l’exilé brésilien, est, sur cette fin de décennie, le terreau de l’essor international de la pratique du Théâtre de l’opprimé et un tremplin à la carrière de ce dernier. Le succès de la réception de cette poétique, qui correspond aux aspirations et aux défis de l’époque, lui confère la reconnaissance dont elle jouit encore aujourd’hui et qui en fait un élément incontournable de l’histoire du théâtre. Tout semble alors sourire au Théâtre de l’opprimé, même la conjoncture électorale, avec l’arrivée à l’Élysée de François Mitterrand en 1981 et la nomination de Jack Lang, ancien soutien de Boal lorsqu’il dirigeait le Festival de Nancy, à la tête du ministère de la Culture.

Exister malgré l’oubli

Pourtant, le Théâtre de l’opprimé, en ce début de décennie, s’apprête à vivre des années sombres, marquées par la relégation et le désintérêt progressif d’une partie de celles et ceux qui s’étaient enthousiasmé·es pour lui quelques années plus tôt. Tandis que les membres du Céditade cherchent à pérenniser leur structure et pour cela, à trouver des sources de financement, mais aussi à être reconnu·es comme professionnel·les du Théâtre de l’opprimé et à faire reconnaître celui-ci comme pratique artistique à part entière, de multiples difficultés leur barrer le chemin, laissant apparaître des contradictions parfois difficilement surmontables. Le groupe oscille alors entre l’engagement militant – inhérent au projet révolutionnaire de la poétique de l’opprimé – et la volonté de se professionnaliser et d’obtenir une reconnaissance institutionnelle. Il s’avère qu’il n’est pas si simple pour le Céditade de faire reconnaître le caractère professionnel de son activité théâtrale et ainsi prétendre à l’obtention de subventions de la part du ministère de la Culture. D’une part, parce que les praticien·nes ne sont pas stricto sensu des professionnel·les du théâtre : une partie d’entre elles et eux occupe un métier dans un tout autre domaine en parallèle (dans l’enseignement notamment) et il est vrai que c’est avant tout par conviction politique, par engagement militant, qu’ils et elles s’engagent aux côtés de Boal. D’un autre côté, il faut reconnaître que c’est aussi parce qu’ils et elles ne parviennent pas à vivre de cette pratique qu’une partie du groupe mène une double vie professionnelle… D’autre part, hormis lors de très rares occasions, le Céditade n’a pas véritablement d’activité de création à proprement parler. Dans la mesure où le Théâtre de l’opprimé est conçu comme une méthode, le groupe ne monte guère de spectacles. Son activité est presque entièrement centrée sur l’animation de stages, c’est-à-dire sur la diffusion des techniques ou sur l’animation de théâtres-forum lors de réunions syndicales ou autres. À ce moment-là, il n’existe ni répertoire ni tournée. Ainsi, le soutien et la reconnaissance tant attendus de la part de la direction du théâtre et des spectacles au ministère de la Culture n’arriveront jamais, laissant le Théâtre de l’opprimé sur le bord de la route du Théâtre français. De plus, les années 1980 sont celles d’une vaste récession et dès 1983, les restrictions budgétaires coupent court à tout espoir de soutien financier. Enfin, la valorisation exacerbée de la création dans la politique du ministère de la Culture concède peu de place aux compagnies qui sont dans l’activisme politique. L’héritage du théâtre militant des années 1960-1970 s’essouffle.

Si reconnaissance il y a (et celle-ci existe) du Théâtre de l’opprimé en France durant cette décennie des années 1980, c’est sous la bannière du théâtre d’intervention socio-culturel et avec le soutien croisé des ministères de la Culture, de l’Éducation, de la Santé, de la Jeunesse et les Sports, du Travail et de la Ville de Paris (sensiblement les mêmes qui continuent de soutenir les projets subventionnés de Théâtre de l’opprimé aujourd’hui). Du côté du ministère de la Culture, c’est seulement au titre du théâtre amateur qu’est soutenu le Théâtre de l’opprimé... Tous ces éléments, qui apparaissent dès le début des années 1980, vont s’avérer déterminants pour plusieurs décennies. C’est en effet dans le champ de l’action culturelle et non de l’art que le Théâtre de l’opprimé va parvenir à se frayer un chemin dans le paysage théâtral français, au grand regret d’un certain nombre de praticien·nes, mais aussi et surtout de Boal lui-même. Face au désenchantement, nombreux·ses sont les comédien·nes de formation qui quitteront le bateau du Céditade (qui devient le CTO – Centre du Théâtre de l’opprimé – en 1985). Ceux et celles qui sont resté·es ont pourtant continué à œuvrer de la même manière, avec peu de soutien et encore moins de reconnaissance, loin des projecteurs qui avaient éclairé les premiers pas de Boal à Paris. C’est l’engagement qui a pris le dessus et, dans l’ombre, loin des théâtres, sans être considéré·es comme des artistes, sans être des amateurs non plus, ces praticien·nes n’ont cessé de transmettre la méthode du Théâtre de l’opprimé, de jouer des théâtres-forum, d’intervenir autant que faire se peut dans une conjoncture de moins en moins favorable à l’engagement militant et aux idéaux révolutionnaires.

Pour le Théâtre de l’opprimé en France, la planche de salut institutionnelle lui permettant d’obtenir reconnaissance et soutien à la hauteur de ses ambitions théâtrales est venue, non pas des politiques culturelles, mais de la politique de la ville, ce qui a eu des conséquences très importantes sur son évolution théâtrale comme politique. Participant du secteur socio-culturel et bénéficiant de la bienveillance des collectivités locales compte tenu du fait que le Théâtre de l’opprimé est une pratique participative et que les publics qu’il touche (les opprimé·es), recoupent dans une certaine mesure les publics ciblés par les politiques d’accompagnement social et de prévention (les habitant·es relégué·es dans les banlieues sinistrées, les femmes, les chômeurs, etc.), le Centre du Théâtre de l’Opprimé est appelé à intervenir dans le cadre de campagnes de prévention (toxicomanie, prévention routière, SIDA...), ainsi que dans le cadre de campagne sociales sur le chômage et l’insertion professionnelle. De fait, entre 1986 et 1994, le plus gros de leur activité – qui leur permet d’en vivre et donc d’être reconnu·es en tant que professionnel·les – s’effectue dans le cadre d’interventions auprès des demandeurs d’emploi, mais aussi auprès des professionnels qui les accompagnent, comme les travailleurs sociaux. Ils et elles interviennent donc principalement à la demande des agences ANPE, des Maisons de la jeunesse et de la culture, des missions locales, des cellules RMI qui sont mises sur pieds par les localités, ainsi que des écoles formant les futurs travailleurs sociaux. Le Théâtre de l’opprimé fait désormais bien plus de l’intervention sociale que directement politique ou militante. Le CTO intervient avec des ateliers, des stages sur commande des services municipaux le plus souvent ou d’antennes régionales et locales de services gouvernementaux. Loin de la gloire, mais toujours près du peuple, les mêmes acteur·rices qui ont contribué à son succès initial vont continuer de mener leur barque de façon souterraine, sous les radars du grand public et surtout, du monde de la « culture ». C’est ainsi que, de façon précaire, le Théâtre de l’opprimé va survivre, se pratiquer et se transmettre malgré tout pendant près de vingt ans, sans guère de coups d’éclat (ou si peu).

Et Augusto Boal dans tout cela ? Ses tentatives pour se faire reconnaître comme metteur en scène sur les scènes françaises (avec le Théâtre de l’opprimé et en parallèle de celui-ci) ne rencontreront pas le succès escompté. Ce dernier choisit de s’en retourner au Brésil en 1986, bien qu’il conserve son statut de président du CTO de Paris jusqu’au milieu des années 1990. Son départ lui permet ainsi d’échapper à la situation paradoxale dans laquelle il se trouve, pris entre sa renommée internationale et le peu d’intérêt que suscite pourtant son travail au sein du milieu théâtral français.

La (re)découverte

L’essor des projets liés à la démocratie participative, à la participation citoyenne, a contribué à une sollicitation accrue des compagnies de Théâtre de l’opprimé, engendrant un regain d’intérêt notoire pour ce théâtre qui est revenu sur le devant de la scène dans les années 2000 par ce vecteur. Cela ne s’est cependant pas fait sans un glissement progressif de la pensée politique irriguant le Théâtre de l’opprimé, retentissant d’ailleurs dans le vocabulaire employé par les praticiens. De théâtre « répétition de la révolution », destiné à rendre les opprimé·es acteur·rices des luttes émancipatrices, le Théâtre de l’opprimé est aujourd’hui un rouage de la « participation ». La concertation aurait-elle remplacé la contestation ? La figure de l’opprimé·e s’est-elle dissoute dans celle de l’habitant·e, du/de la citoyen·ne ? Cette évolution est visible dans le discours tenu par Boal lui-même, qui déclare en 2009 : « Nous sommes tous des acteurs : être citoyen, ce n’est pas vivre en société, c’est la changer. [4] »

De quelle manière le Théâtre de l’opprimé que l’on rencontre aujourd’hui, en France et dans le monde, est-il l’héritier de cette histoire du « groupe Boal » ? À l’aube des années 2000, le paysage du Théâtre de l’opprimé français s’est redessiné et a adopté les contours que nous lui connaissons toujours actuellement. Les membres du CTO qui ont fondé leurs propres compagnies ont pris leurs distances avec la structure parisienne (dont Boal lui-même s’est dissocié) qui n’est plus l’organe centralisateur de ce que l’on peut appeler le mouvement du Théâtre de l’opprimé. À partir de ce moment-là, le Théâtre de l’opprimé a perdu sa cohésion et son unité, tant sur le plan artistique que politique. La fin des années 1990 a d’abord été celle de l’ultime éclatement d’un groupe qui, malgré les courants qui le traversaient, était resté soudé par une méthodologie théâtrale commune. Aujourd’hui, la pratique s’est diversifiée, mêlant fidélité à l’héritage boalien (transmis par le Céditade puis le CTO) et métissage avec d’autres pratiques artistiques, mais aussi d’autres apports théoriques et politiques. Depuis une quinzaine d’années, de jeunes artistes, après une formation théâtrale, se tournent à nouveau vers le Théâtre de l’opprimé, ajoutant le théâtre-forum (mais aussi parfois le théâtre-image ou d’autres techniques de l’arsenal forgé par Boal) à l’éventail d’activité de leur compagnie, renouant ainsi avec des pratiques artistiques militantes, qui connaissent un renouveau depuis deux décennies. La fracture n’est plus si franche, entre le « théâtre de création » et le « théâtre militant ». Le paysage français du Théâtre de l’opprimé est aujourd’hui composé tant de « non-professionnel·les » que de comédien·nes intermittent·es du spectacle, de personnes ne faisant que du Théâtre de l’opprimé que de personnes mêlant les pratiques. Il est intéressant de noter que le mouvement indien du Théâtre de l’opprimé, le Jana Sanskriti, fait aujourd’hui figure de modèle à l’échelle internationale. Et si, originellement, c’est Augusto Boal, et des praticiens français qui sont allés former les pionniers du Jana Sanskriti à la méthode du Théâtre de l’opprimé, aujourd’hui ce sont ces derniers qui inspirent nombre de praticien·nes français·es (mais pas que) qui cherchent à renouveler leur pratique auprès d’eux…

Une histoire mondiale

Les praticien·nes actuel·les restent tributaires de cette histoire collective, bien qu’ils et elles cherchent, chacun·e à leur manière, à s’approprier celle-ci, à relire la poétique de l’opprimé à l’aune des enjeux de l’époque actuelle. Si cette histoire est collective, elle est également internationale. La dimension internationale est inscrite dans les gènes du Théâtre de l’opprimé, né de l’exil et traversé d’influences théoriques et théâtrales multiples. Si les techniques qui en composent l’arsenal sont toutes nées des nécessités surgissant de contextes bien définis, ces dernières ont très vite traversé les frontières, dans les bagages de Boal, qui a rapidement été sollicité de toute part pour les présenter lors de stages, en Europe puis sur tous les continents. Même si les interventions tournent généralement autour de thématiques abordées sous un angle local, à une échelle à laquelle les spect-acteur·rices ont directement la possibilité d’intervenir, la poétique s’inscrit quant à elle dans une trajectoire intercontinentale à travers l’Amérique (du sud au nord), l’Europe, l’Afrique, l’Inde... Il est cependant difficile de brosser un tableau mondial du Théâtre de l’opprimé. En effet, la réalité est très contrastée selon les territoires : partout, des groupes fortement structurés, professionnels, parfois financés ou médiatisés, côtoient des entités informelles, voire totalement clandestines. Leur diversité et surtout, le rapport singulier qu’entretient chaque groupe avec la poétique de l’opprimé, s’en appropriant certains aspects, mais en rejetant ou faisant aussi évoluer d’autres, rend très difficile toute cartographie. Un mouvement international du Théâtre de l’opprimé s’est cependant constitué et organise régulièrement des rencontres. Lui aussi est pris entre d’un côté tradition, respect de l’héritage, perpétuation d’une pratique dans la continuité de ce qui a été construit par Boal et ses compagnons et de l’autre, renouvellement de la pratique à travers son appropriation par différents groupes eux-mêmes nourris d’une certaine histoire, entraînant une actualisation politique, mais aussi esthétique. Ce mouvement ne manque pas d’être traversé de vives tensions, théâtrales comme politiques. En effet, pratiquer le même théâtre ne signifie pas que l’on ait envie de marcher ensemble dans la même direction... Après tout, le Théâtre de l’opprimé n’est qu’un outil, circulant de mains en mains depuis de nombreuses années. Mais sa place sur la scène politique et théâtrale au niveau international a opéré un déplacement. Né de l’Amérique latine, ayant connu son essor en France, le Théâtre de l’opprimé a pris une place politique et théâtrale considérable sous d’autres latitudes, en Inde notamment, mais aussi au Portugal, au Burkina Faso... sans compter le Brésil bien sûr ! Loin d’être une pratique poussiéreuse, vestige d’une époque révolue, il continue de se transmettre, de se transformer et, ainsi, d’essaimer.