Le Chili, pays d’Amérique du Sud réputé pour sa stabilité économique, est un territoire marqué par la dictature du général Pinochet (1973-1990). L’Église catholique exerce également un poids considérable sur l’appareil politique et la société. Durant les trois dernières décennies, croissance et inégalités ont augmenté au même rythme que le développement du pays. Les inégalités ne se bornent pas à l’économie, la population constate l’existence d’une élite intouchable, héritage du système Pinochet.
Malgré les luttes massives et radicales de 2011-2012, pendant lesquelles les étudiant·es ont pris la rue pour exiger une société chilienne plus juste et représentant toutes les couches de la société, le Chili a suivi l’exemple de nombreux pays latino-américains, en élisant lors des élections présidentielles de décembre 2017 un milliardaire partisan d’une droite libérale, Sébastien Piñera, qui avait déjà gouverné le pays entre 2010 et 2014.
Les malaises sociaux
A la mi-octobre 2019 des mobilisations populaires d’une ampleur inédite débutent. Le mouvement de contestation est parti des lycéen·nes et des étudiant·es à Santiago avant de s’étendre à d’autres villes du pays en raison de la hausse du prix du titre de transport, billet déjà le plus cher d’Amérique latine. Le 25 octobre 2019, « la marcha más grande de Chile » a rassemblé plus de 1,2 million de personnes, accueillies par des violences policières et militaires qui seront reconnues par le président Piñera un mois après le début des contestations. Un plan de mesures sociales est alors annoncé pour calmer la foule, avec, par exemple, le renouvellement du gouvernement ou l’augmentation du salaire minimum. Mais ces réformes n’ont pas suffi à calmer la révolte populaire.
Ce conflit est amplifié par la précarisation des droits sociaux, l’endettement croissant de la population, les retraites précaires, les bas salaires et les inégalités des systèmes éducatif et de santé publics et de l’accès au logement.
Les contestations sociales permettent à plusieurs luttes de se rassembler : les Mapuche, principal peuple autochtone du Chili, qui revendiquent leur souveraineté, leur droit à l’autodétermination, la reconnaissance de leur identité culturelle et le respect de certains droits qui leur sont niés (en particulier le droit à la terre et les droits politiques) ; le mouvement féministe qui milite contre les violences faites aux femmes, le mouvement No + AFP qui lutte contre le système de retraite par capitalisation ; les étudiant·es qui réclament une refonte du système éducatif pour en finir avec le surendettement des jeunes et les écologistes qui combattent la destruction et la privatisation de la nature chilienne (notamment la marchandisation des cours d’eau).
Que ce soit en 2011 ou en 2019, les manifestant·es veulent en finir avec l’héritage maudit du général Pinochet, car si la dictature a été balayée, elle n’a pas pour autant été totalement renversée. Le général Pinochet, qui a dirigé le Chili de 1973 à 1990, a mis en place un système ultralibéral, pesant encore actuellement sur l’économie chilienne. Ce système a endetté les classes moyennes et a placé les élites, issues des familles riches, au gouvernent. Depuis la fin du régime Pinochet, rien n’a vraiment changé au Chili, aucune réforme d’importance n’ayant été menée : les élites sont toujours au pouvoir et les pauvres sont toujours plus pauvres. Une rupture que la coalition de centre-gauche et de la démocratie chrétienne ont été incapables d’opérer lorsqu’elles ont occupé le pouvoir.