Les grandes surfaces, principal canal de distribution
En France, 10 000 grandes et moyennes surfaces vendent pratiquement la moitié des produits alimentaires équitables, ce qui a permis de sortir le commerce équitable de sa « niche » militante et de toucher un panel de consommateur·rices beaucoup plus large. Même s’il faut en reconnaître tout l’intérêt, le rôle de ces grands groupes est ambigu et peu conforme aux principes fondateurs du commerce équitable. Les produits Fairtrade vendus en grande surface sont considérés, par certain·es, comme un élément de la politique commerciale de la grande distribution et non comme une adhésion au système équitable.
…mais des pratiques déloyales
Les centrales d’achat de la grande distribution sont de plus en plus concentrées (en France, il ne reste plus que trois centrales d’achat), elles ont mis en place des pratiques commerciales déloyales, des négociations asymétriques basées sur la recherche d’un prix toujours plus bas, sans prendre en compte les coûts réels de production. Le partage de la chaîne de valeur est tout à fait inéquitable et le revenu des producteur·rices ne cesse de diminuer. Ces pratiques sont largement dénoncées mais toujours en vigueur. Grande distribution, géants de l’alimentaire, fastfood, industrie du vêtement ou du sport… forment un monde industriel opaque, confidentiel et dominateur. Ils ont le pouvoir de faire évoluer les prix à leur convenance.
…et du fairwashing
Ces multinationales veulent se donner une bonne image auprès de leurs client·es et redorer leur blason. On voit ainsi fleurir de nombreuses publicités, pictogrammes, articles promotionnels… vantant l’aspect « équitable » ou « responsable » de certains produits mais sans la moindre preuve éthique, ce qui peut duper durablement les consommateur·rices. Les organisations de commerce équitable ont beaucoup incité les pouvoirs publics à légiférer sur ce terme « équitable » pour éviter tous les abus. Depuis la loi Pacte [1], en mai 2019, les conditions d’utilisation de ce terme ont été précisées.
…et des revenus insuffisants pour les producteur·rices
En travaillant pour les multinationales, les producteur·rices voient leur revenu diminuer et leur part dans la chaîne de valeur se réduire. C’est le cas des producteur· rices de cacao, de café, de thé qui reçoivent un revenu vital insuffisant et ne peuvent améliorer leurs pratiques. Ce cycle non vertueux contribue à détruire les filières et maintient les producteur·rices sous le seuil de pauvreté.
Pour une régulation du commerce international
Le mouvement global du commerce équitable interpelle régulièrement les responsables politiques pour qu’il·elles mettent en place des règlements contraignants et/ou des législations qui régulent les activités des multinationales afin qu’elles prennent en compte les droits humains et l’écologie. En France, la loi sur la vigilance des entreprises [2] est une avancée législative même si, après deux années d’application, de nombreuses failles et de nettes insuffisances persistent. Si la loi est peu ou mal appliquée, il est illusoire d’envisager une diminution des violations des droits humains dont sont victimes des travailleur·ses et des populations à travers le monde ainsi qu’une diminution des dommages environnementaux.
Nouveaux modes de consommation, nouveaux modes de commercialisation
Le succès des AMAP, des Jardins de Cocagne, de la Ruche qui dit oui !, des ventes directes… est révélateur d’un nouvel état d’esprit. Le monde de la distribution bouge et cherche à s’adapter aux exigences des consommateur·rices. Soit par conviction soit par opportunisme, de nombreux·ses entrepreneur·ses ont pris conscience de la nécessaire transition sociale et écologique pour assurer la durabilité de leurs activités et de leurs filières.
Des entreprises équitables, membres de Commerce équitable France
L’une des fonctions des organisations de commerce équitable, c’est d’être des intermédiaires entre producteur·rices et consommateur·rices et trouver des débouchés pour les producteur·trices. Ces entreprises, membres du Commerce équitable France, respectent l’ensemble des standards du commerce équitable mais avec des diversités de pratiques. À titre d’exemple, voici trois d’entre elles :
- Artisans du Monde est l’acteur historique du commerce équitable. Cette association vend des produits équitables des filières internationales (produits alimentaires en paquet ou en vrac, cosmétiques, bijoux, textile…) en boutiques spécialisées et par Internet mais pas en grande distribution. Elle a une activité éducative importante avec un vaste programme d’animations et des créations d’outils pédagogiques. Elle mène des campagnes de plaidoyer, en lien avec de nombreux partenaires de la société civile, pour faire évoluer les politiques nationales et internationales liées au commerce mondial et à l’urgence climatique.
- Ethiquable, qui a un statut de Scop, soutient l’agriculture paysanne bio avec 70 coopératives de petit·es producteur·rices partenaires ce qui a un impact direct pour plus de 46 000 producteur·rices dans 27 pays. Chaque produit équitable vendu est bio et issu d’un seul terroir, d’une seule organisation partenaire. Ethiquable vend des produits équitables de la filière internationale sous la marque Ethiquable et vend des produits des filières françaises sous la marque Paysans d’ici. Ces produits sont vendus en moyenne et grande distribution et en magasins bio. Ethiquable emploie sept agronomes sur le terrain pour accompagner les coopératives et permettre un impact durable de développement et d’autonomisation. Une usine de transformation Ethiquable est en cours de construction en France.
- Agri-Éthique France, depuis 2013, construit des filières agricoles de blé en France. Agri-Éthique France, c’est 15 organisations de producteur·rices agricoles (1 200 agriculteur·rices) et 22 entreprises dans le secteur de la boulangerie, du lait, des œufs et de la viande. Il garantit un revenu pour les agriculteur·rices sur une durée contractuelle. Il a pour objectif de préserver l’emploi local et d’agir pour l’environnement et le bien-être animal par un accompagnement des agriculteur·rices et des éleveur·ses et la mise en place de pratiques innovantes. Agri-Éthique France vend les produits de son réseau en grande distribution et en boulangerie sous le label Agri-Éthique France et avec le nom des marques de ses membres : La Boulangère, Biofournil, Bellot Minoterie…
…et d’autres initiatives
- La campagne C’est qui le patron ?! : la marque du consommateur !? : En 2015, la crise du lait fait des ravages parmi les producteur·rices européen·nes. L’opinion publique française s’émeut des revenus de misère que touchent les producteur·rices et s’indigne de ce modèle commercial qui est dominé par la grande distribution et basé sur des prix toujours plus bas. Un petit groupe de personnes d’expériences professionnelles diverses (dont des agriculteur·rices, un transformateur, un salarié de Carrefour...) pense qu’il faudrait partir des souhaits des consommateur·rices, tant sur la qualité des produits que sur l’estimation d’un prix correct pour les producteur·rices. Ainsi est né « C’est qui le patron ?! ». En août 2016, les initiateur·rices du projet mettent en ligne un questionnaire sous forme de QCM pour analyser les souhaits des consommateur·rices avec un prix plancher de 69 centimes. Quelques semaines plus tard – ce qui est étonnant pour une marque inconnue, le prix retenu par les consommateur·rices est de 99 centimes. C’est un succès pour le revenu des producteur·rices.
- Fairphone - Constatant que l’industrie électronique participe à la destruction de l’environnement et à la production de déchets difficiles à recycler, une entreprise néerlandaise a mis sur le marché un téléphone portable en 2013, le Fairphone (ou « téléphone équitable »), plus facile à réparer et dont la chaîne d’approvisionnement des composants est vérifiée et responsable : pas de matériaux provenant de zones de conflits, un or garanti équitable (l’or étant le seul matériau à disposer d’un label). Fairphone travaille avec des communautés pour créer des conditions minières équitables et des usines responsables. Malgré le prix élevé, cette initiative a rencontré un réel succès.
- Slow fashion - L’industrie textile est la deuxième activité industrielle la plus polluante. La slow fashion (ou « mode éthique »), inspirée du modèle équitable, introduit la notion de durabilité au cœur de la mode et de ses chaînes d’approvisionnement. La mode écologique utilise des textiles peu polluants, peu consommateurs en eau et réduit au maximum les transports et l’impact carbone de ses collections pour répondre aux attentes des consommateur·rices et pérenniser les filières. Il y a une réelle prise de conscience des prix de vente des vêtements aberrants rendus possibles par des conditions de travail et de revenus indignes pour les travailleur·ses de l’industrie textile. Quelques entreprises de mode éthique se revendiquent de cette slow fashion.