Climat : choisir ou subir la transition ?

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La Convention des Maires unit les autorités locales européennes dans leur action en faveur du climat et de l’énergie durable

, par Energy Cities

Les débuts

Suite à l’adoption en 2008 du Paquet Energie-Climat, la Commission européenne a apporté son soutien au lancement d’un mouvement bottom- up (parti du niveau local) qui est maintenant reconnu par l’ensemble des institutions européennes et de nombreux autres acteurs : la Convention des Maires, ou Covenant of Mayors en anglais.

Le concept est ambitieux : rallier des villes de toute l’Europe sous l’objectif commun de réduire les émissions de CO2 d’au moins 20% d’ici 2020, objectif que s’est fixé l’Union européenne. Avant la fin de l’année 2008, presque 200 villes avaient déjà signé la Convention. Paris, Francfort et Madrid, la Région Bruxelles-Capitale ou encore les capitales lettone et hongroise Riga et Budapest, sont parmi les premières à s’engager. Ce partenariat direct et inédit avec la Commission européenne est perçu par les villes comme un élément moteur, qui a le potentiel d’accélérer leur transition énergétique.

Dans la pratique, l’initiative a été lancée en 2009 dans les pays de l’UE avec la création à Bruxelles d’un Bureau de la Convention des Maires. Un consortium composé de cinq grands réseaux d’autorités locales est sélectionné pour faire fonctionner ce bureau : Energy Cities (qui le dirige), Climate Alliance, le CCRE, EUROCITIES, et FEDARENE. Connu sous l’abréviation CoMO (Covenant of Mayors Office), ce bureau est responsable de la coordination générale de l’initiative. Entre autres, le CoMO organise des ateliers et webinaires destinés à renforcer les capacités d’action des parties prenantes, gère les activités de communication, assure des liaisons avec d’autres initiatives européennes, offre un soutien technique aux différents acteurs impliqués dans l’initiative et en organise l’événement-phare : la Cérémonie de la Convention des Maires.

En 2009 a lieu la première Cérémonie, à Bruxelles. Le Parlement européen, choisi pour accueillir l’événement, lui confère un caractère prestigieux et solennel. 250 maires de villes européennes s’y retrouvent pour affirmer leur volonté d’agir pour la protection du climat et l’énergie durable. Depuis, trois autres cérémonies ont été organisées, rencontrant un succès toujours plus important. La prochaine cérémonie aura lieu le 15 octobre 2015. Elle est ouverte à tous les acteurs de la Convention des Maires.

La première cérémonie de la Convention des Maires a été organisées en 2009 au Parlement européen à Bruxelles. Crédits : D.R

Les parties prenantes et leurs engagements

Les autorités locales européennes, quelle que soit leur taille, sont éligibles pour devenir signataires de la Convention. Elles doivent avoir été constituées de manière démocratique avec/par des représentants élus. Les autorités locales de petite taille peuvent aussi rejoindre la Convention des Maires en tant que groupe de signataires et s’engager à respecter ensemble les obligations prévues par cette dernière. Les autorités locales désireuses de signer la Convention doivent faire examiner le projet d’adhésion à leur conseil municipal (ou à tout organe décisionnel équivalent). En signant, les autorités locales s’engagent volontairement à réduire leurs émissions de CO2 d’au moins 20% d’ici 2020, grâce à un ensemble de mesures détaillées dans un Plan d’Action en faveur de l’Énergie Durable (PAED). Ce PAED doit être présenté au Bureau de la Convention dans l’année qui suit la signature. Les signataires doivent au préalable réaliser un bilan de leurs émissions de CO2. En effet, la consommation d’énergie et les émissions de CO2 au niveau local dépendent de nombreux facteurs : structure économique, niveau d’activité économique, population, densité, caractéristiques du parc immobilier, utilisation et niveau de développement des divers modes de transport, comportements des citoyens, climat, etc. Certains facteurs peuvent être influencés à court terme (comme le comportement des citoyens), alors que d’autres ne peuvent être influencés qu’à moyen voire long terme (performance énergétique du parc immobilier). Le Bilan des Émissions (BE) quantifie les émissions de CO2 (ou les équivalents CO2) dues à la consommation d’énergie sur le territoire de l’autorité locale signataire. Il identifie les sources principales d’émissions de CO2 et les possibilités de les réduire. De plus, tous les deux ans après la date de soumission de son PAED, chaque signataire doit présenter un rapport de suivi de son plan d’action.

Lorsqu’une autorité locale est intéressée mais qu’il lui manque certaines compétences ou ressources nécessaires au respect de ses obligations, elle peut jouir du soutien d’autres administrations disposant de telles capacités : les Coordinateurs territoriaux et les Promoteurs de la Convention. Les Coordinateurs de la Convention sont des autorités décentralisées (régions, provinces ou regroupements d’autorités locales) ou des organismes publics nationaux tels que des agences nationales de l’énergie. Ils fournissent une orientation stratégique ainsi qu’une aide technique et financière aux municipalités qui ont signé la Convention des Maires. Les Promoteurs, dont Energy Cities fait partie, sont des associations et des réseaux régionaux, nationaux et européens d’autorités locales qui optimisent leur action de lobbying et leurs activités de communication et de mise en réseau afin de promouvoir l’initiative et de soutenir les engagements de leurs signataires.

Sur le terrain…

A ce jour, la Convention des Maires compte près de 6 500 signataires représentant plus de 207 millions de citoyens, à travers l’UE et bien au-delà. En effet, les pays de la zone méditerranéenne [1], d’Europe de l’est et d’Asie centrale [2] sont éligibles sous des initiatives dérivées également lancées par la Commission européenne. Plus de 4 700 signataires ont déjà présenté leurs Plans d’Action en faveur de l’Énergie Durable avec un objectif moyen de réduction de CO2 de 28% d’ici 2020. Interrogée sur la Convention des Maires, Martine Aubry, Présidente de Lille Métropole, s’est réjouie de l’objectif ambitieux que l’autorité locale s’est fixé pour 2020 : réduire de 30% les émissions de CO2 par rapport au niveau de 1990. « Le Plan Climat approuvé le 18 octobre 2013 par Lille Métropole fait preuve de grandes ambitions pour le futur de notre région en mettant en marche la transition énergétique. […] En 2007, les émissions du territoire avaient déjà été réduites de 21%. De plus, nous cherchons à multiplier par cinq la production d’énergie renouvelable d’ici 2020, en s’appuyant notamment sur le développement de réseaux de chaleur. »

La métropole lilloise dispose d’un système de vélos en libre-service. Crédits : Lille Métropole

Le Plan d’Action de Lille Métropole a déjà permis de réaliser des progrès importants en termes de réduction d’émissions de gaz à effet de serre et de production d’énergie renouvelable. « En ce qui concerne la planification urbaine, la ville ‘dense’ multifonctionnelle, qui nécessite moins de transport, a ouvert la voie pour de meilleures connexions entre les environnements de vie et les réseaux de transport public et a conduit au développement de projets avant-gardistes tels que les éco-quartiers », poursuit Martine Aubry. «  Pour ce qui est de la collecte et du traitement des déchets, le centre de valorisation organique de Lille Métropole produit du biogaz qui est ensuite réinjecté dans le réseau de gaz naturel et utilisé comme carburant pour les bus. Dans le domaine du transport, nous faisons la promotion du co-voiturage, améliorons le réseau de métro, développons des bus à haut niveau de service et disposons d’un système de vélos en libre-service. »

Fin 2014, Vila Nova de Gaia a été la première autorité locale à présenter un rapport de suivi de son Plan d’Action en faveur de l’Énergie Durable. Cette ville portugaise de 300 000 habitants souhaite atteindre 25% de réduction des émissions de CO2 d’ici 2020, par rapport au niveau de 2005. « Nos résultats les plus importants sont en lien avec l’augmentation de la production d’énergie renouvelable provenant de biogaz de décharge et de systèmes d’énergie solaire, de la réduction des émissions et de l’intensité énergétique dans le secteur du transport et de l’amélioration de l’efficacité énergétique dans les bâtiments  », affirme Eduardo Vítor Rodrigues, Maire de Vila Nova de Gaia. Toutefois, le maire reconnaît que la crise économique a ralenti leurs progrès. « La crise financière a fait empirer les conditions de financement pour les municipalités. En ce qui concerne les mesures financées par le secteur privé, où la municipalité a plutôt un rôle de médiateur, le défi réside dans la transformation de ces approches en quelque chose qui soit économiquement faisable pour le marché. » La ville est toutefois bien partie pour tenir ses engagements puisque son rapport de suivi indique qu’elle a déjà réduit ses émissions de 16%.

Dans plusieurs pays, les villes se sont organisées en club de signataires pour échanger sur leurs pratiques. C’est le cas aux Pays-Bas, en Allemagne, France, Roumanie, Pologne, Italie, Suède, Autriche et en Slovaquie.

Perspectives d’évolution

La Convention des Maires a su anticiper sur ce qui est aujourd’hui un point important des politiques européennes en matière de climat et d’énergie : l’implication des acteurs locaux. L’initiative bénéficie d’une renommée internationale (en témoignent notamment des articles dans les très respectés journaux The Guardian et The Economist) et d’un soutien fort de la part des institutions européennes. Dans un entretien accordé au média européen ViEUws en 2014 [3], Marie Donnelly, en charge de la transition énergétique à la Commission européenne, a déclaré que la Convention des Maires était « peut-être l’une des meilleures illustrations du principe de subsidiarité et de la puissance des acteurs locaux » [traduit par Energy Cities]. Plus récemment, le Vice-président de la Commission européenne en charge de l’Union de l’Énergie, Maroš Šefovi, a exprimé sa fierté à l’égard de l’initiative lors de sa participation au Sommet Mondial Climat & Territoires, organisé à Lyon les 1er et 2 juillet 2015 en amont de la Conférence des Nations Unies sur le Climat (COP21). Selon lui, la Convention est un bel exemple du rôle crucial que jouent les autorités locales dans la transition vers une économie bascarbone : « L’initiative de la Convention des Maires est un mouvement politique de grande ampleur… Elle aide à intégrer les villes dans les politiques de l’UE » [traduit par Energy Cities].

Bien sûr, il faut pousser plus loin le soutien aux signataires de la Convention des Maires et certaines méthodologies sont à améliorer. Cependant, la belle réussite de l’initiative et le nombre croissant d’autorités locales qui souhaitent la rejoindre sont la preuve qu’il faut continuer. Plusieurs membres de la Commission et du Comité des Régions ont déjà fait part de leur souhait de voir la Convention s’étendre au niveau mondial. La Commission a adopté un nouveau Paquet Énergie-Climat pour 2030 en octobre dernier et vient d’annoncer un objectif de réduction de CO2 de 40% d’ici 2030. Suite à cela, elle a lancé une enquête sur le futur de la Convention des Maires4, ouverte à toutes les parties prenantes. L’initiative doit-elle être poursuivie après 2020 ? Si oui, avec quels objectifs ? Devrait-elle inclure d’autres engagements, en matière d’adaptation au changement climatique par exemple ?

L’enquête est ouverte jusqu’au 23 septembre 2015 et les résultats, qui devraient être rendus publics en octobre, seront intégrés dans l’avis sur l’avenir de la Convention que le Comité des Régions prépare actuellement. Cet avis contribuera à l’élaboration de la politique de la Commission européenne relative à la Convention des Maires.