Accords de paix
En 2002, des accords bilatéraux signés entre le Congo et le Rwanda d’une part (Accord de Pretoria), entre le Congo et l’Ouganda d’autre part (Accord de Luanda) permettent le retrait des troupes étrangères, tandis que le dialogue politique intercongolais aboutit à des accords signés en Afrique du Sud instaurant une phase de transition de deux ans (2003-2005) prévoyant le partage du pouvoir, la préparation d’élections générales et la réunification du pays.
L’intégration des factions armées aux nouvelles Forces armées de la RDC puis la formation d’une armée républicaine, après des années d’instrumentalisation par les leaders politiques, constituent deux défis considérables. Ils sont compliqués encore par la crise de l’Ituri (nord-est) qui culmine en 2003, et par celle du Nord-Kivu, avec le déclenchement de nouvelles hostilités en août 2007 par un mouvement armé dirigé par Laurent Nkunda, un officier qui prétend défendre les intérêts des Congolais tutsis du Nord-Kivu, avec l’appui du Rwanda (voir aussi : "Nord-Kivu : une guerre sans fin ?").
Au Burundi, l’accord de paix, signé en novembre 2003 à Dar Es Salaam (Tanzanie) entre le gouvernement burundais et les Forces pour la Défense de la Démocratie (FDD, principale force d’opposition armée) de Pierre Nkurunziza, prévoit des élections libres dans le délai d’un an. L’Opération des Nations Unies au Burundi (ONUB) est déployée en mai 2004 pour soutenir le processus. Néanmoins, un autre mouvement rebelle, le Front National de Libération (FNL) dirigé par Agathon Rwasa reste en marge des négociations et continue ses attaques dans le nord-ouest du pays.
Processus électoraux
Si les quatre pays connaissent des processus électoraux complets (référendum constitutionnel, élections présidentielles, législatives et locales), l’instauration d’une démocratie pluraliste respectueuse de l’Etat de droit et des libertés fondamentales est une autre affaire.
Au Rwanda, Kagame est élu en 2003 avec 95 % des suffrages au terme d’un processus électoral qui n’a pas permis à l’opposition de s’exprimer. Depuis, le régime autoritaire contrôlé par l’armée a écarté toute expression contestataire ou simplement pluraliste.
Au Burundi, les élections d’août 2005 portent au pouvoir l’ancien chef rebelle Nkurunziza. Des réformes importantes sont engagées (notamment unification de l’armée) mais la situation des droits de l’homme reste précaire. Les négociations avec le FNL n’ont pas encore abouti.
En Ouganda, Museveni est élu en 2006 pour un troisième mandat à l’issue d’un scrutin entaché d’irrégularités.
En RDC, la transition s’est achevée avec l’élection fin 2006 de Joseph Kabila, opposé au second tour à Jean-Pierre Bemba, dans un climat de fortes tensions accompagné d’affrontements armés à Kinshasa.
2008 : avancées, reculs, interrogations
L’accord de Nairobi (Kenya) signé en novembre 2007 entre la RDC et le Rwanda vise à mettre un terme à la présence au Kivu des Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR), en partie composée d’anciens miliciens ayant pris part au génocide en 1994, et qui martyrisent les populations civiles. Au Nord-Kivu, suite à l’échec d’une offensive des FARDC en décembre 2007 pour vaincre la rébellion de Nkunda, des accords prévoyant le désarmement des factions ont été signés en janvier 2008 à Goma entre gouvernement et milices congolaises. Leur application dans le cadre du programme Amani est compliquée par les atermoiements de certaines factions. Sur le plan intérieur, la répression du mouvement politico-religieux Bundu dia Kongo, dans la province du Bas-Congo, est à l’origine de la mort de plus de 100 personnes en raison d’un usage disproportionné de la force par la police et par l’armée.
Au Burundi, une grave crise politique a secoué le pays jusqu’en novembre 2007, date à laquelle le président Nkurunziza a formé un gouvernement d’union nationale. Cependant, le pouvoir apparaît comme dépassé par les événements. Les négociations avec le FNL ont abouti à la signature d’un accord en mai 2006, mais la non application de cet accord entraîne l’insécurité dans le nord-ouest, jusque dans la capitale.
En Ouganda, les négociations entre le gouvernement et la Lord’s Resistance Army (LRA), qui ont connu une nouvelle étape lors de la signature d’accords de paix en mai 2007, bloquent sur la question de l’amnistie des rebelles et la suspension des mandats d’arrêt internationaux. La LRA participe à l’instabilité régionale en commettant des exactions sur des populations civiles en RDC, en Centrafrique et au Soudan, les dernières datant de mai 2008.
Au Rwanda, la « bonne gouvernance » économique va de pair avec une gouvernance politique fondée sur la répression de toute voix dissidente. L’abolition de la peine de mort en juin 2007 est une avancée à situer dans le contexte de la fin des activités du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) - prévu fin 2011 pour les procès en première instance, fin 2012 pour les procès en appel- le Rwanda demandant que les procès se poursuivent sur son sol. Le 28 mai 2008, le TPIR a opposé une fin de non-recevoir à Kigali en refusant de remettre l’un des accusés de génocide à la justice rwandaise, faute de garanties apportées pour un procès équitable.
2008-2011 : Des régimes confortés par les élections mais qui restent fragilisés
Le Burundi, le Rwanda et l’Ouganda ont reconduit les mêmes régimes au terme de scrutins effectués dans des climats de méfiance.
Au Burundi l’année 2010 a été marquée par le cycle électoral de mai à décembre. La période préélectorale a donné lieu à de vives tensions et des divisions entre partis politiques et jusqu’à l’intérieur des partis. Cette situation est le résultat de la persistance d’enjeux d’ordre ethnique ou régional. (Commission Episcopale Justice et Paix Burundi, Monitoring sur la situation des droits civils et politiques en novembre-décembre 2009, Bujumbura : CEPJ BURUNDI, février 2010 ; COSOME, Rapport d’observation de l’enrôlement des électeurs pour les élections 2010, Bujumbura : COSOME, mars 2010).
Les élections communales qui ont ouvert le processus se sont bien déroulées ; toutefois à l’annonce des résultats donnant une large victoire au parti présidentiel le CNDD-FDD (64 %) six des partis d’opposition qui étaient en lice pour les présidentielles ont décidé de se retirer du processus électoral invoquant des fraudes massives. Ces partis se sont constitués en Alliance des démocrates pour le Changement au Burundi (ADC-Ikibiriri). Suite à cette décision, les élections se sont poursuivies sans réel enjeu : Pierre Nkurunziza a été réélu à 91.62 % des voix. Puis, « le pouvoir a pris l’option de la répression, avec le verrouillage de l’espace démocratique, le harcèlement, les menaces, voire l’emprisonnement des opposants politiques et une aversion contre de toute voix discordante, (…) Ce mouvement important d’opposants politiques, comprenant des anciens combattants surtout des FNL, a créé les craintes de la résurgence d’une nouvelle guerre, certains parlant de « gestation d’une nouvelle rébellion », alors que du côté officiel, la thèse retenue est celle de « bandits armés » (Observatoire de l’action gouvernementale, Après les élections s de 2010, le choix de sortir ou de rentrer dans la crise, Bujumbura : OAG, novembre 2010).
Les partis de l’ADC-Ikibiri ont régulièrement demandé une rencontre avec les autorités qui a été rejetée au motif que cette alliance n’est pas légalement reconnue.
Au Rwanda, la réélection du Président Kagame en août a pris une tournure inattendue. La formalité à laquelle on s’attendait a été troublée non seulement par une opposition réellement indépendante (les trois représentants des principaux et réels partis d’opposition n’ayant pu se présenter) mais surtout par le fait que des personnes proches du pouvoir se sont retournées contre le Président. Dans son rapport d’observation électorale, la communauté internationale a fait part de leurs préoccupations face à la violence contre les opposants et aux restrictions des libertés politiques (assassinat du Vice-président du parti Vert, arrestation du président fondateur du parti social Imberakuri, Victoire Ngabire présidente du FDU-Inkingi incarcérée depuis octobre 2010). (Eurac, Mémorandum à la présidence de l’Union Européenne : Contribuer à l’élargissement de l’espace démocratique au Rwanda à travers une approche collective et cohérente, Bruxelles : Eurac, mars 2011 ; 7 p.)
Malgré une forte croissance économique, le pays connaît de grandes inégalités sociales : appauvrissement des campagnes au profit des centres urbains, inégale redistribution des richesses.
La situation en Ouganda est très similaire Yoweri Museveni a été réélu au terme d’un scrutin soigneusement préparé. Mais des fissures apparaissent également : en 2010, accusations de corruption de plus en plus pressante et gestion opaque des revenus pétroliers et manifestations favorables à l’opposition durement réprimés.
En RDC, après une difficile mise en place de la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante) le régime congolais se prépare aux élections prévues fin 2011 début 2012. La pression s’accroit dans la capitale après une tentative de coup d’Etat fin février 2011 et des menaces persistantes à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme (Floribert Chebeya défenseur reconnu est assassiné en juin 2010). Quant aux partis de l’opposition ils peinent à se faire entendre d’une seule voix alors qu’après la révision constitutionnelle de janvier 2011 l’élection présidentielle ne se fera qu’à un seul tour.
D’un point de vue sécuritaire, les pays ont mis en place des actions communes pour éradiquer les deux principaux groupes encore actifs les FDLR et la LRA :
Le Rwanda et la RDC ont mis en place sur le sol congolais l’opération conjointe Umoja Wetu en février 2009 visant à éradiquer les FDLR. Cette opération militaire qui avait été secrètement préparée par les plus hautes instances des deux Etats (la MONUC n’en avait pas été informée) a été vivement contestée par la classe politique congolaise, notamment le président de l’Assemblée Nationale Vital Kamerhe qui s’est depuis désolidarisé du parti présidentiel). Elle a été relayée par d’autres opérations de l’armée congolaise en lien avec la MONUC.
Si on estime que ces opérations ont freiné le groupe armé (son effectif est passé de 6000 hommes en 2009 à 3000 en 2011), elles ont contribué à accroître l’insécurité des populations civiles, victimes de représailles provoquées aussi bien par les groupes armés que par les forces gouvernementales.
A la suite de la rupture des négociations de paix en 2008, des opérations militaires régionales se sont succédées pour mettre un terme aux actions de la LRA (opération ougando-congolaise, renforcement de patrouilles de la MONUSCO) Si ces opérations ont eu pour effet d’améliorer la sécurité au nord de l’Ouganda, la LRA a évolué en une menace régionale provoquant des attaques violentes en RDC, au Sud-Soudan ainsi qu’en République centrafricaine. Depuis septembre 2008, on estime que la LRA a tué plus de 2000 personnes ,en a enlevé 2500, et a provoqué les déplacements forcés de plus de 400 000 individus, avec près de 200 attaques à au nord-est de la RDC au cours des dix premiers mois de 2010 (Col, Rapport d’information inter-ONG Le spectre des Noëls passés : Protéger les civils de la LRA, Oxford : Oxfam International, décembre 2010).