L’Afrique des Grands Lacs sort-elle de la tourmente ?

Introduction

, par Forum Réfugiés

Située à cheval sur les zones d’influence des anciennes puissances coloniales, héritant d’une histoire marquée par la colonisation, par une gestion autoritaire du pouvoir et par des conflits internes récurrents et violents, enfin disposant de richesses naturelles qui aiguisent les appétits des acteurs économiques et politiques locaux, régionaux et internationaux, l’Afrique des Grands Lacs évolue-t-elle vers une résorption des crises politiques qui ont causé la mort de plusieurs millions de personnes au cours des vingt dernières années ?

Note préliminaire
« Congo » désigne ici la République démocratique du Congo (RDC, capitale Kinshasa), et non la République du Congo (capitale Brazzaville). Ancien Congo belge, la RDC s’est appelée République du Zaïre de 1971 à 1997 sous le régime du maréchal Mobutu. Par ailleurs, le conflit nord-ougandais n’est que rapidement mentionné.

Contexte géographique

L’expression « Afrique des Grands Lacs » renvoie à un ensemble de lacs situés le long de la grande faille (« rift ») est-africaine, comprenant les lacs Victoria, Albert, Edouard (bassin du Nil), Kivu et Tanganyika (bassin du Congo). Transfrontaliers, ces lacs bordent le Congo, l’Ouganda, la Tanzanie, le Burundi et le Rwanda.

Sur le plan géopolitique, l’Afrique des Grands Lacs englobe un nombre variable de pays. On se limite ici à l’ensemble constitué du Burundi, de l’Ouganda, de la République Démocratique du Congo (RDC) et du Rwanda.

Grâce à son climat équatorial tempéré par l’altitude et à une activité volcanique toujours actuelle pour certains volcans (ex. Nyiragongo), la région dispose d’un sol fertile, par ailleurs riche en ressources précieuses (or, diamant) ou stratégiques (hydrocarbures, colombo-tantalite ou « coltan »…).

La région des grands lacs

Contexte historique

Des peuples bantous, principalement agriculteurs de la région du Nil centrés sur l’activité pastorale, ont successivement peuplé la région, d’abord dans des espaces territoriaux distincts, avec des éléments socio-culturels interférant d’un groupe à l’autre. Des royaumes s’établirent, les plus notables étant, du Nord au Sud, le Bunyoro, le Buganda, le Nkoré (Ankolé), le Rwanda et le Burundi.

Les premiers Européens arrivés dans la zone furent les explorateurs et les missionnaires. Les initiatives du roi belge Léopold II et les décisions de la conférence de Berlin (1885) accélérèrent le partage territorial entre puissances européennes. A la fin du XIX° siècle, Léopold II (puis le Royaume de Belgique en 1907) possède le Congo, le Royaume-Uni l’Ouganda, l’Allemagne le Rwanda, le Burundi et le Tanganyika (Tanzanie). Les tracés frontaliers connaissent des modifications, notamment entre le Congo et le Rwanda. Suite à la défaite de l’Allemagne en 1918, au Traité de Versailles (1919) et à la création de la Société des Nations (SDN), le Rwanda et le Burundi passent sous mandat belge sous le nom de Rwanda-Urundi.

« Les administrations européennes ont prétendu gérer ces pays en « respectant » leurs institutions ancestrales selon les principes de l’indirect rule. Mais les pouvoirs dits coutumiers ont été manipulés, regroupés ou divisés selon les cas, et leurs détenteurs ont dû apprendre les nouvelles règles voulues par le colonisateur. Surtout, c’est l’ensemble de la société et de l’économie qui est transformé sous l’impulsion directe des autorités administratives, techniques, économiques et religieuses européennes. » (MWOROHA Emile et MUKURI Melchior, « Problématique de la périodisation historique pour la région des Grands Lacs », Afrique et Société, vol. 2, 2004/1). C’est ainsi qu’au Rwanda l’administration belge a longtemps privilégié la monarchie tutsie avant d’encourager, peu avant l’indépendance, la « révolution sociale » hutue.