Au cours des dernières décennies, la crise environnementale de la planète a fait l’objet d’innombrables débats et propositions d’action pour éviter l’effondrement et chercher des alternatives. Cependant, les alternatives proposées dans le cadre d’un système économique en décomposition, tel que le capitalisme, ont généré des solutions qui marchandisent la nature comme mesure de sauvetage et ont conduit à une aggravation de la crise et des injustices sociales et environnementales historiques sur les territoires sacrifiés du développement mondial. Ces fausses solutions mises en œuvre par le Nord global pour expier sa culpabilité sont devenues de nouvelles formes de colonialisme et de domination, du fait des effets qu’elles ont sur la vie et le destin des peuples du Sud global.
Ainsi, depuis le Sud global, nous ne sommes pas seulement confronté·es aux effets du changement climatique et aux conséquences des multiples activités extractivistes sur nos territoires pour favoriser le développement et l’enrichissement du Nord ; nous devons maintenant assumer les conséquences des actions visant à disculper les pollueurs, tout en marchandisant nos territoires et en générant des crises politiques et économiques qui prennent nos gouvernements au piège, en les incitant à assouplir les normes environnementales pour accroître les investissements rentables. Dans le même temps, il nous faut aborder et assumer de véritables actions climatiques d’adaptation et d’atténuation, ce qui implique d’abandonner l’exploitation des ressources naturelles, telles que les combustibles fossiles ou les minéraux critiques, nécessaires à la proposition hégémonique de la transition énergétique du Nord global. Nos pays, qui sont des pièces importantes du bon fonctionnement de ce système, choisiront toujours de continuer à maintenir le système capitaliste en vie, laissant de côté ce qui est vraiment important à ce stade de l’histoire, à savoir exiger des changements radicaux afin de sauver la vie sur notre planète.
Ces dernières années, nous avons assisté à un flux croissant de politiques appelant à la reconnaissance de la nature en tant que sujet de droits, de déclarations de bonnes intentions qui parlent de la nature comme d’une maison commune à protéger, d’expressions artistiques liées à la lutte contre le changement climatique comme forme de protestation et de manifestation des sentiments d’une génération qui regarde vers l’avenir avec bien peu d’espoir. Il ne fait aucun doute que nous nous trouvons à un moment où l’humanité est obligée d’effectuer un tournant épistémologique, de transformer sa façon de comprendre sa relation vitale avec la nature et, par conséquent, il est possible de mieux comprendre la résistance des peuples colonisés et opprimés, au nom du développement et de la civilisation.
Comme tout processus de tournant épistémologique, c’est un temps de chaos, de persécution et de stigmatisation, mais c’est aussi un temps de reconstruction, de récupération et de revalorisation des savoirs ancestraux et de l’innovation des savoirs. Dans un contexte de crise climatique, il faut parler et penser la transition écologique, proposée et mise en œuvre par les peuples eux-mêmes en résistance. Ainsi, alors que les pays du Nord global proposent un processus de transition énergétique qui implique l’extraction problématique de minerais ou des changements qui ne répondent pas à l’urgence de l’action climatique, les peuples du Sud - à partir de leurs luttes - ont des propositions construites à partir de la revalorisation des savoirs ancestraux qui sont des alternatives aux luttes face au changement climatique. Ce sont ces cas qui nous amènent à réfléchir à des alternatives économiques liées à la sécurité et à la souveraineté alimentaire des quartiers dans les villes, ainsi qu’à la compréhension de la gestion des bassins fluviaux.
Ces processus sont des constructions collectives et historiques de personnes qui s’organisent depuis des siècles et résistent à un système d’extraction de connaissances et de déprédation de la planète, notre maison commune. Pendant longtemps, l’arnaque du « développement » consistant à « vaincre la pauvreté » a signifié une nouvelle forme de domination et de colonisation. Cela a été le prétexte pour exiger de nos gouvernements qu’ils s’adaptent à un système économique qui favorise l’enrichissement de quelques-un·es, impose des modèles élitistes de participation, hégémonise la culture et marchandise le pouvoir. Penser un changement de paradigme nous oblige à envisager d’urgence un changement de système, car le problème n’est pas le climat, le problème c’est le système et ce cela que nous devons changer.
Dans cette édition, le Movimiento Ciudadano Frente al Cambio climático (MOCICC) a invité des activistes et des leaders de différentes régions de notre pays à partager leurs expériences de résistance et les processus qu’ils et elles accompagnent dans la lutte contre le changement climatique. Vous trouverez dans ces articles des alternatives proposées collectivement dans les territoires et par les personnes en défense de notre planète.
Nous espérons que ces textes contribueront au débat et au dialogue, à l’insertion historique des voix qui, depuis des siècles, réclament une meilleure relation avec la terre. Le changement climatique est une réalité et 2025 est une année historique pour la planète, les yeux du monde seront tournés vers l’Amérique latine et le débat sur le changement climatique aura lieu dans l’un des écosystèmes les plus importants et les plus controversés : l’Amazonie. Cette COP sera peut-être l’une des plus importantes pour la vie de la planète et l’histoire de l’humanité. En ce sens, avec le MOCICC, nous cherchons à susciter un débat plus large à partir de l’organisation, de la communauté et de la défense de la nature, car il est possible de résister au changement climatique et de prolonger la vie de l’humanité un peu plus longtemps.