Des migrations mondialisées et criminalisées

Un monde construit par les migrations

, par RTM

L’histoire des migrations est aussi ancienne que l’histoire de l’humanité

Partant de l’Afrique de l’Est, les premiers hommes ont migré et peuplé le reste du monde.
Nous sommes donc tous parents, descendant·es de migrant·es appartenant à une même espèce. Nos diversités physiques d’aujourd’hui sont le résultat d’une adaptation de nos ancêtres aux différents milieux naturels.
Depuis toujours, les êtres humains ont traversé les terres, les forêts, les lacs, les océans pour s’installer à un endroit différent de leur implantation d’origine. De l’Afrique à la Mésopotamie, du centre de l’Asie vers les territoires de l’Amérique, toutes les régions du monde gardent les traces de grands courants migratoires. Leurs raisons ont été diverses : transhumance, changements climatiques, relations commerciales, conquêtes économiques ou militaires...

À partir du XVe siècle, les migrations sont liées au développement progressif de la mondialisation économique

Le capitalisme mercantile occidental ne se contente pas d’établir des comptoirs, il débouche sur la conquête de territoires et sur de grands mouvements de populations. L’esclavage ampute les populations d’Afrique d’au moins 20 millions de personnes, qui sont déportées vers les Amériques pour remplacer la main d’œuvre amérindienne locale exterminée.
Au XIXe siècle, c’est le développement du capitalisme devenu industriel qui provoque les principaux courants migratoires. Entre 1815 et 1915, 60 millions d’Européen·nes émigrent sur tous les continents en particulier vers les Amériques et les colonies.
La croissance démographique de l’Europe en est la principale cause. On passe de 187 millions d’Européen·nes en 1800 à 401 millions en 1914. Les motivations au départ sont avant tout économiques. Nombreux·ses sont celleux qui fuient la misère, la grande famine en Irlande, les salaires trop bas des régions industrielles ou le chômage lors de la Grande Dépression des années 1880. On trouve également beaucoup de paysan·nes du Sud et de l’Est de l’Europe poussé·es au départ par le manque de terres à cultiver.
Les raisons sont aussi politiques ou liées à la répression. Après l’échec de la révolution de 1848 en France, d’ancien·nes insurgé·es partent pour la Californie. En Russie, beaucoup de juif·ves fuyant les persécutions et les pogroms sanglants de la fin du XIXe émigrent, notamment vers les États-Unis, le Canada et l’Argentine.
Ce mouvement est accentué par le développement de l’industrialisation et l’amélioration des moyens de transport. Les échanges internationaux se développent.

Au XXe siècle, des migrations forcées dues à la guerre et la politique s’ajoutent à cette émigration économique

Après le traité de Lausanne qui précise les frontières de la Turquie, 2 millions de personnes sont obligées de migrer.
Le génocide des Arménien·nes entraîne le massacre d’environ 1,2 million d’Arménien·nes ottoman·es et l’exil de centaines de milliers d’autres. C’est ainsi qu’environ 58 000 réfugié·es arménien·nes débarquent dans le port de Marseille entre 1923 et 1927.
Avec la création des États-nations après 1918 et les différents traités, 6 millions de personnes considérées comme des minorités ethniques sont expulsées et obligées de quitter leur pays.
Après 1933, près d’un demi-million de personnes quittent l’Allemagne et les pays sous domination nazie, en raison des mesures anti-juives et par opposition politique.
En seulement trois semaines, 475 000 républicain·es espagnol·es passent la frontière française après la chute de la République en 1939.

Après la Seconde Guerre mondiale, l’Europe connaît de très grands mouvements de migrations internes

10 millions d’Allemand·es sont expulsé·es vers leur pays et 2 millions de Polonais·es doivent quitter les territoires polonais annexés par l’URSS (Union des Républiques socialistes soviétiques). L’installation de régimes autoritaires et la fermeture des frontières à l’Est ont provoqué la fuite de 2 millions de personnes de la RDA (République démocratique allemande) et, en URSS, 3,1 millions de soviétiques sont déporté·es entre 1941 et 1952.

La décolonisation forte de l’après guerre donne lieu à des rapatriements.

En 1962, la France accueille sur son territoire 700 000 Français·es d’Algérie.
À la fin de la guerre du Vietnam, plus de 2 millions de Vietnamien·nes fuient le régime communiste par la mer. La France envoie alors des bateaux et ouvre ses frontières pour accueillir 130 000 « boat people » dans des conditions pour une fois d’une exceptionnelle générosité.

L’Europe, qui a été un carrefour de la mobilité humaine depuis l’Antiquité, a vu ses États mettre en place et façonner des systèmes migratoires mondiaux à la faveur de conquêtes marchandes et coloniales. Au XIXe siècle et jusqu’à la première moitié de XXe siècle, elle a été un continent d’émigration . Depuis, au fil des vagues d’immigration successives, elle est devenue une région d’immigration.