« La fiction d’aujourd’hui est la science de demain ». C’est en substance ce que prétendait Arthur C. Clarke, le grand auteur britannique de science-fiction à qui l’on doit notamment 2001, l’odyssée de l’espace. En effet, qui aurait pu imaginer il y a ne serait-ce que cinquante ans que l’homme marcherait sur la lune ? Que les scientifiques parviendraient à cloner des êtres vivants ? Que des généticiens inventeraient de nouvelles espèces végétales capables de produire leur propre insecticide ? Personne, sauf peut-être les écrivains de science-fiction.
Force est de constater que la science et la technologie ont permis à l’humanité de faire des progrès considérables dans la compréhension du monde, dans des domaines comme l’agronomie, la médecine ou l’énergie. Mais aujourd’hui de quel progrès parle-t-on ? Qu’est-ce qui justifie de s’affranchir du principe de précaution et du débat démocratique pour généraliser la culture de plantes génétiquement modifiées ou pour disséminer des nanoparticules dans des produits de consommation courante ? Et que dire de l’obstination nucléaire ? L’enquête qui ouvre ce numéro était déjà écrite quand s’est produit le drame de Fukushima. Elle parlait de Tchernobyl. A 25 ans d’intervalle, rien n’a changé. A commencer par les discours politiques, comme celui de Nicolas Sarkozy pour qui, sortir du nucléaire reviendrait à « se couper un bras » [1] : « Nous n’allons pas revenir à la bougie ».
Dans Le Meilleur des mondes (1932), Aldous Huxley, autre grand auteur de science-fiction, écrivait : « toute découverte de la science pure est subversive en puissance ; toute science doit parfois être traitée comme un ennemi possible ». Ne nous y trompons pas ! Altermondes n’a pas conçu ce hors série comme une déclaration de guerre à la science. Au contraire, elle l’a voulu comme un espace de dialogue, elle a fait sienne ces propos de l’Appel pour un Forum social mondial « Sciences et démocratie » [2] : « Les membres de la communauté scientifique et les acteurs des mouvements sociaux ont besoin de partager leurs expertises et leurs conceptions pour construire une société plus respectueuse des droits humains, des cultures et des besoins sociaux et écologiques ».