Principe de précaution

Selon l’idée que « la précaution renvoie à la prudence dans l’action », on peut définir le principe de précaution comme l’application d’« une règle de décision politique en l’absence de certitudes scientifiquement établies sur les phénomènes sous-tendant un risque et ses conséquences. [1] ». En d’autres termes, le principe de précaution implique que des dispositions soient prises lorsque suffisamment de doutes subsistent autour du fait qu’un produit ou une action peuvent engendrer de sérieux préjudices irréparables pour la santé et l’environnement. Il vise donc « les risques hypothétiques, non encore confirmés scientifiquement, mais dont la possibilité peut être identifiée à partir de connaissances empiriques et scientifiques [2] ».
L’application d’un tel principe dépend pourtant de l’appréciation de la notion du risque dans une collectivité ou une société donnée. Dans la mesure où il peut concerner des domaines où les enjeux économiques et financiers sont importants, l’application effective de ce principe par le politique est donc fortement soumise aux pressions. Dés lors « Il en existe deux interprétations : l’une, radicale (défendue en général par les ONG) exige l’abstention pure et simple en cas de doute. Dans sa version « faible », il se réduit à une procédure de justification de la décision à prendre : la délibération, le débat public, une comparaison des coûts et avantages attendus des mesures de protection envisagées, etc. [3] ».

Définition développée

Si le principe de précaution a été formalisé pour la première fois dans la Déclaration de Rio (Principe 15 ; voir : Historique de la notion) et intégré, par exemple en France, à la Charte de l’environnement adossée à la Constitution française, il est en revanche « Très lié dans l’esprit des décideurs avec celui de la responsabilité civile et pénale », rappelle Michel Marcus. Selon ce même auteur, il a pourtant vocation à « s’appliquer à tout acte (mesure, action, dispositif, règlement et décision) émanant de n’importe quelle autorité ou acteur socio-économique [4] ».
Ainsi, dans la mesure où il « renforce la responsabilité des industries et fournit un argument juridique aux victimes, en cas de procès », le principe de précaution fait l’objet de nombreuses attaques, sous l’effet par exemple des think tanks qui « ont pour objectif d’obtenir sa suppression, notamment par une désinformation sur la définition même de ce principe, l’accusant de mettre en péril la recherche, de freiner notre économie et de miner « la libération de la croissance », opposant sans cesse « innovation » et « précaution » etc. [5] ». Dés lors, « La "précaution"est souvent appliquée de manière restrictive, lorsqu’il s’agit de renoncer à un projet en l’absence de connaissance des risques encourus ou compte tenu d’impacts jugés insurmontables. Appliqué de façon positive et dynamique, ce principe conduit à s’orienter vers une démarche « raisonnée » : programmation financière intégrant tous les coûts (fonctionnement, coûts environnementaux et sociaux), arbitrage entre des besoins et les risques, mise en place d’un système de suivi et d’évaluation, définition de mesures correctives ou d’accompagnement, recherche de solutions alternatives, etc. [6]”.

Par ailleurs, cette question autour de la prévention du risque renvoie à « Trois notions indispensables et complémentaires selon le professeur de philosophie Mark Hunyadi de l’université Laval :
 La prudence vise les risques avérés, ceux dont l’existence est démontrée ou connue empiriquement suffisamment à ce qu’on puisse en estimer la fréquence d’occurrence. Le fait d’être probabilisable rend le risque assurable. Exemples : l’utilisation de produits tels que l’amiante, jouer à la roulette russe.
 La prévention vise les risques avérés, ceux dont l’existence est démontrée ou connue empiriquement sans toutefois qu’on puisse en estimer la fréquence d’occurrence. Exemples : le risque nucléaire. L’incertitude ne porte pas sur le risque, mais sur sa probabilité de réalisation. L’absence de probabilités rend le risque inassurable par l’industrie classique de l’assurance.
 La précaution vise les risques dont ni l’ampleur ni la probabilité d’occurrence ne peuvent être calculés avec certitude, compte-tenu des connaissances du moment. Exemples : les organismes génétiquement modifiés, les ondes éléctro-magnétiques, etc. [7] ».

En résumé : La précaution signifie que lorsqu’il y a présomption raisonnable d’un risque déraisonnable, l’absence de certitude scientifique quant à la réalisation de ce risque ne doit pas être un prétexte à retarder l’adoption de mesures visant à limiter ou à éliminer ce risque. Le principe ou l’attitude de précaution a le mérite d’engager une suspension du jugement et de la décision dans un contexte d’incertitude due à l’ignorance de la gravité des effets de l’action et des niveaux d’acceptation du risque. La précaution n’est pas pour autant un principe d’abstention ou d’inaction, car elle impose d’agir dans un monde dont la caractéristique est d’être fondamentalement incertain. En cela, le principe de précaution entraîne une révision profonde des relations entre science et décision, au détriment d’une conception technocratique de l’expertise détentrice de la certitude. Il est d’usage de considérer que le principe de précaution concerne les risques potentiels, tandis que la prévention concerne seulement les risques réels. Mais l’analyse de la logique du raisonnement de précaution montre qu’il est nécessaire afin d’engager une décision de précaution de produire une évaluation établissant une conversion d’un risque potentiel en un risque réel.

Historique de la définition et de sa diffusion

Le principe de précaution a été formalisé au titre du Principe 15 de la Déclaration de Rio : « En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement [8]

En France, il a également été inclus à l’article 5 de la Charte de l’environnement, adossée à la constitution française depuis 2005 : « Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage [9] ».

Pour un historique mondial et européen plus détaillé, voir par exemple celui donné par Wikipédia.

Utilisations et citations

Pour Michel Marcus [10] « Le principe de précaution prend en compte la peur, la peur de se tromper, de ne pas avoir pris suffisamment d’éléments en compte pour prendre sa décision [11] ».