« Homes » catholiques en Guyane, assimilation forcée et mobilisation pour obtenir réparations

, par Médiapart, Progressive International , REUGE Guillaume

Cet article, initialement paru sur Guyaweb et reproduit par Médiapart (résumé ici par ritimo), revient sur la parution du livre « Allons enfants de la Guyane », qui raconte la réalité vécue par des milliers d’enfants amérindiens et noirs-marrons dans les pensionnats catholiques de ce territoire colonisé par la France. Ces internats avaient pour objectif d’assimiler et d’évangéliser ces enfants autochtones entre les années 1930 et les années 1980, sous prétexte de leur assurer un accès à l’éducation.

Élèves cris et leur professeure au Pensionnat indien de All Saints, (École missionnaire anglicane), Lac La Ronge (Saskatchewan), mars 1945.

La publication de ce livre jette pour la première fois une lumière crue sur la réalité vécue par des milliers d’enfants dans ce système éducatif ; elle a permis la libération de la parole de nombreuses personnes qui sont passées par les bancs de ces pensionnats. Arrachées à leurs familles, soumises à une discipline humiliante, sous interdiction stricte de parler leur langue maternelle : le traumatisme social et culturel a marqué des générations de pensionnaires. Les anciens pensionnaires évoquent dans ce livre les sévices corporels et sexuels qu’iels ont subis, ainsi que le tabou qui frappe cette histoire.

La nécessité de parler de la violence vécue dans ces pensionnats est urgente : aujourd’hui, de nombreux mécanismes de cette violence coloniale se répètent dans les « familles hébergeantes » en Guyane, qui reçoivent des enfants de communautés reculées pour qu’iels aient accès à l’école – dans un système scolaire qui continue à dévaloriser les langues et cultures autochtones, isolé·es de leur famille et de leurs communautés. Cette violence est systématiquement passée sous silence dans la société française, alors qu’au Canada et ailleurs, les pratiques d’assimilation forcée aux mains de congrégations religieuses est aujourd’hui un sujet de société.

Les militant·es autochtones appellent à la construction de programmes de recherche universitaire sur le sujet, ainsi qu’à la mise en place d’une Commission de vérité et de réconciliation. L’objectif d’une telle Commission serait d’écouter les victimes, recenser les violations des droits fondamentaux, établir les responsabilités et mettre en place des mesures de réparations, comme cela a pu être le cas dans d’autres pays. Elle proposerait non seulement des réparations symboliques : reconnaître les faits, présenter des excuses, faire un travail de mémoire ; mais aussi des réparations matérielles, qui sont cependant plus difficiles à mettre en place.

L’argent étant le nerf de la guerre, le gel des financements pour les programmes de recherche et de reconnaissance des violences contre les autochtones de Guyane française est fréquent. Les autorités françaises en Guyane refusent également de s’exprimer sur le sujet : la reconnaissance de ce qui s’apparente à des crimes coloniaux, par la France au XXe siècle, reste une bataille à gagner.

Face à cela, les communautés autochtones s’emparent du sujet et s’organisent de façon autonome, sans attendre la reconnaissance de l’État français. Mettre en place une telle Commission serait une manière de briser les tabous sur les « homes » mais aussi sur toutes les autres formes de violences contre les communautés autochtones de Guyane ; et permettrait de faire des liens entre les traumatismes d’hier et la violence intra-communautaire d’aujourd’hui. En effet, le continuum de la violence se perpétue aujourd’hui avec les « difficultés d’intégration, de violence, de pauvreté » et la question de l’éducation et de l’hébergement des jeunes autochtones reste centrale dans les problématiques actuelles en Guyane.

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