Développement des marchés, affaiblissement de la souveraineté alimentaire : les 10 ans de l’Initiative chinoise des Nouvelles routes de la soie

, par Grain

Récolte de maïs.

En octobre 2023, des délégations de 140 pays se sont réunies à Pékin pour marquer le 10e anniversaire de l’Initiative chinoise des Nouvelles routes de la soie, également appelée Initiative route et ceinture (BRI - Belt and Road Initiative). Dans le contexte des problèmes économiques et des tensions actuelles de la Chine avec les États-Unis, le troisième forum de l’Initiative des Nouvelles routes de la soie était censé marquer l’abandon des investissements majeurs à l’étranger dans des projets de grande envergure. L’Initiative des Nouvelles routes de la soie devait désormais se concentrer sur des projets plus petits et plus respectueux de l’environnement. À une importante exception près toutefois : le secteur agro-alimentaire. Le commerce des produits alimentaires entre la Chine et ses partenaires de la BRI a en fait bondi de 162 % au cours des dix dernières années, atteignant 76,1 milliards de dollars [1].

Confirmant cette tendance, depuis 2018, la Chine a été le pays qui a fourni le plus d’investissements internationaux dans le secteur agricole, à hauteur de 1,71 milliard de dollars par an en moyenne [2]. Pourtant dans cette offensive sur le commerce alimentaire dans le cadre de la BRI, la Chine manque peut-être d’une vision d’ensemble. Bien que la Chine ait fait des progrès considérables pour assurer le contrôle de son approvisionnement alimentaire à l’étranger grâce aux investissements de la BRI, sa dépendance à l’égard des importations de denrées alimentaires s’est renforcée.

Parallèlement à cette tendance, les entreprises chinoises interviennent de plus en plus activement dans la chaîne alimentaire mondiale, depuis les semences jusqu’aux aliments transformés. Trois grands domaines sont particulièrement préoccupants : l’augmentation des importations de produits agricoles en provenance d’Afrique, l’exploitation des stocks halieutiques en déclin et l’expansion du commerce électronique.

Semer l’agriculture d’exportation en Afrique

Au cours des dix dernières années, la Chine s’est largement éloignée de son modèle traditionnel de coopération sino-africaine dans le déploiement de ses projets agricoles BRI en Afrique. Auparavant, la coopération entre la Chine et l’Afrique consistait principalement en un partage de connaissances, qui se faisait par la présentation de nouvelles technologies et la fourniture d’une aide à la construction d’ouvrages publics (notamment des systèmes d’irrigation) destinés à promouvoir l’agriculture vivrière. Toutefois, l’approche de la BRI, également désignée par l’expression « agriculture à but lucratif », a été mise en œuvre par l’intermédiaire de grandes entreprises privées ou publiques et a associé le financement de projets d’infrastructures de transport (comme les chemins de fer et les ports) à des projets d’industrialisation de l’agriculture africaine au moyen de semences hybrides, de machines, d’installations logistiques, de stockage et de transformation des aliments fournies par des entreprises chinoises.

En 2021, une « zone de collaboration économique et commerciale approfondie entre la Chine et l’Afrique » a été créée dans la province du Hunan, qui comprend un centre de transformation et de commerce pour les produits agricoles africains. Le centre a enregistré 400 millions de dollars d’affaires la première année et s’est fixé pour objectif d’atteindre 14 milliards de dollars d’échanges avec l’Afrique d’ici 2025 [3].

La confiance de la Chine dans ses pratiques de croissance économique rapide vise à proposer un modèle à suivre pour les pays africains dans le cadre de la BRI. Grâce à son vaste réseau de communication, la BRI promeut la capitalisation de l’agriculture comme un moyen efficace d’éradiquer la pauvreté.

Les intentions agricoles de la Chine en Afrique portent principalement sur l’augmentation de sa consommation intérieure de viande et le soutien à son élevage industriel de volailles et de porcs, ce qui a entraîné une énorme demande de soja et de maïs importés pour l’alimentation animale. Les États-Unis et le Brésil ont longtemps été les principaux fournisseurs de soja et de maïs de la Chine, mais face aux tensions croissantes avec les États-Unis et à d’autres facteurs de volatilité dans la production et le commerce, tels que le Covid et les sécheresses induites par le changement climatique, le gouvernement cherche à diversifier ses sources d’approvisionnement.

Au cours des quinze dernières années, les entreprises agroalimentaires chinoises ont tenté à plusieurs reprises d’investir dans des projets agricoles à grande échelle en Afrique. Toutefois, ces projets n’ont pas donné lieu à des exportations significatives vers la Chine, et nombre d’entre eux n’ont même pas réussi à démarrer [4]. Néanmoins, lors de la table ronde des dirigeants Chine-Afrique qui s’est tenue à Johannesbourg en août 2023, le président Xi Jinping a souligné que la Chine continuerait à essayer de développer l’agriculture à grande échelle sur le continent. Il a également souligné qu’il serait important de renforcer les capacités de production de semences et les marchés de semences pour les entreprises chinoises [5].

Le plus grand semencier chinois, Yuan Longping High-Tech Agriculture, filiale du conglomérat d’État CITIC, a été chargé de conduire cet effort en Afrique. En Tanzanie, l’entreprise déploie des efforts considérables pour développer la production de soja à des fins d’exportation. En 2022, le gouvernement tanzanien a mis à sa disposition 53 000 hectares pour une exploitation agricole à grande échelle dans le district de Chunya de la région de Mbeya et, en 2023, il a accéléré l’approbation des variétés de semences de l’entreprise [6]. En prévision, Pékin a autorisé plusieurs entreprises à exporter du soja depuis la Tanzanie, et une première livraison a été effectuée par le géant du commerce des céréales et de l’alimentation COFCO, qui joue un rôle central dans les projets alimentaires et agricoles de la BRI dans le monde entier.

Longping High-Tech et COFCO développent également activement leurs exportations de soja depuis le Bénin, en Afrique de l’Ouest, un pays qui, avec la Tanzanie et l’Éthiopie, a récemment été sélectionné par la Chine pour l’accroissement des exportations de soja. La Chine et le Bénin ont signé un protocole sur l’exportation de soja en septembre 2019 et, en 2022, les exportations annuelles du Bénin vers la Chine ont dépassé 210 000 tonnes, soit plus de 60 % de ses exportations totales de soja [7]. Les exportations sont principalement gérées par la filiale locale de COFCO, Chinatex.

Le Bénin est également l’un des pays ciblés pour les exportations de maïs. Bien que le maïs soit un aliment de base au Bénin et qu’il soit largement cultivé dans tout le pays, il est presque entièrement consommé localement. Longping High-Tech tente actuellement de changer cette situation et de développer un excédent destiné à l’exportation grâce à un programme soutenu par le ministère chinois du Commerce, qui forme les agriculteurs et agricultrices à la culture de ses variétés de maïs hybride à haut rendement, puis les distribue à d’autres exploitations pour une culture à grande échelle [8].

La domination mondiale de Longping High-Tech sur les semences

Jusqu’à présent, Longping High-Tech s’est concentré sur le développement de la production de variétés de semences non génétiquement modifiées en Afrique. Mais au fil des ans, grâce au soutien du programme BRI et à son rachat par le conglomérat d’État chinois CITIC en 2015, elle est devenue l’une des plus grandes entreprises de semences au monde, et elle affiche un intérêt similaire à celui de ses concurrents pour le développement de semences génétiquement modifiées [9]. Longping High-tech a connu une expansion particulièrement rapide en Amérique du Sud. Elle est aujourd’hui la troisième entreprise de semences de maïs au Brésil, où elle a développé une vaste collection de matériel génétique de variétés de maïs et de soja tropicales qu’elle utilise désormais pour ses activités en Afrique. En décembre 2023, huit variétés de maïs génétiquement modifié appartenant à Longping High-Tech ont été approuvées par le Comité national d’approbation des semences pour une culture commerciale en Chine. On suppose que cette décision vise à renforcer la production nationale d’aliments pour animaux [10].

D’autres cultures destinées à l’exportation vers la Chine, en plus du maïs et du soja, sont également soutenues en Afrique dans le cadre de l’initiative BRI. La Chine a récemment mis en place de nouveaux mécanismes sanitaires et phytosanitaires afin de rationaliser les flux transfrontaliers de produits agricoles et d’élargir la gamme de produits couverts par les réglementations en matière de sécurité alimentaire, qui vont des fruits de mer aux avocats en passant par le coton [11] [12].

De la terre à la mer

Du fait de la taille considérable du marché alimentaire chinois, une toute petite fluctuation dans les échanges peut entraîner des répercussions importantes sur les prix mondiaux. C’est pourquoi une grande partie de la stratégie alimentaire de la Chine à l’étranger a consisté à essayer de minimiser ces fluctuations de prix en stimulant la production mondiale des cultures qu’elle importe grâce aux technologies et à la mécanisation.

Cette approche n’est pas applicable au secteur de la pêche. L’expansion rapide de la flotte chinoise de chalutiers de haute mer, qui constitue une solution technologique pour faire face au déclin des stocks mondiaux de poissons, joue en réalité un rôle majeur dans l’accélération de l’épuisement des stocks. Après avoir largement surpêché dans leurs propres eaux côtières, les entreprises chinoises envoient leurs chalutiers géants de plus en plus loin à l’étranger, les mettant en conflit avec les communautés côtières qui dépendent de ces mêmes espaces maritimes pour leurs moyens de subsistance et leurs besoins alimentaires [13].

Lors du Forum de l’Initiative BRI d’octobre, le gouvernement chinois a affirmé sa volonté de poursuivre la collaboration internationale en soutien à l’utilisation durable des ressources marines, dans le cadre de ce qu’il a décrit comme une « initiative d’économie bleue » renouvelée. Toutefois, les données recueillies sur le terrain montrent que la Chine ne tient pas vraiment à changer de cap. Au contraire, elle poursuit des projets BRI qui renforcent la présence des navires chinois dans les eaux de pays côtiers où les ressources marines sont déjà disputées.

Dans le cadre des projets actuels de l’Initiative BRI, les sociétés de pêche chinoises sont encouragées à tirer parti des investissements de la BRI dans les infrastructures portuaires pour obtenir un meilleur accès à la pêche dans les pays étrangers, au détriment des communautés de pêche locales et de la durabilité des ressources marines locales [14]. En Somalie, par exemple, le groupe chinois Beijing Chaoliang Holdings et le gouvernement somalien ont signé en novembre 2022 un accord de coopération internationale en matière de pêche entre la Chine et la Somalie, qui s’inscrit dans le cadre de la BRI. En vertu de cet accord, le groupe Chaoliang s’est engagé à investir pendant un an dans les installations de transformation du poisson et la production de thon en Somalie, et a reçu en retour des permis de pêche pour opérer le long de la côte somalienne et un accès aux eaux côtières pour un projet d’aquaculture en haute mer qu’il a également l’intention de développer [15] [16].Tous les poissons pêchés par Chaoliang seront renvoyés en Chine et traités et stockés dans les installations que l’entreprise a l’intention de construire à Shanghai, Guangzhou et Changsha.

La Somalie possède le plus long littoral de tous les pays africains. Mais les communautés locales vivant de la pêche artisanale le long de la côte souffrent déjà de la surpêche pratiquée par des navires étrangers, dont de nombreux navires appartenant à la Chine. Les sociétés de pêche chinoises ont commencé à envahir les zones maritimes somaliennes après le mois de décembre 2018, lorsque le gouvernement somalien a délivré des permis de pêche annuels renouvelables à 31 navires faisant partie de l’Association chinoise des pêches d’outre-mer. Bien que les permis n’autorisent les navires chinois qu’à opérer à 24 milles nautiques des côtes somaliennes, les communautés de pêche locales affirment que leur gouvernement n’est pas en mesure d’empêcher les navires de dépasser cette limite [17]. Le nouvel accord conclu avec le groupe Chaoliang dans le cadre de la BRI ne fera qu’aggraver la situation.

Au Pakistan, l’un des principaux projets du Corridor économique Chine-Pakistan (CPEC), qui fait partie de l’initiative BRI, vise à développer un immense port en eau profonde dans le village de pêche de Gwadar, au Baloutchistan, qui sera relié par la route et par le rail à la région chinoise du Xinjiang. Ce projet, qui confie le contrôle du port à des entreprises chinoises, a également entraîné un afflux de chalutiers de pêche chinois dans la région. Fujian Hengli Fishery est l’une des entreprises chinoises qui pêchent actuellement au large de la côte de Gwadar. Elle est connue pour ses activités de pêche illégale, non réglementée et non déclarée en Afrique de l’Ouest, des preuves de diverses infractions ayant été rapportées, parmi lesquelles l’utilisation de filets illégaux, la pêche aux ailerons de requins et la pêche sans licence [18].

La présence de Fujian Hengli et d’autres sociétés de pêche chinoises entraîne déjà des répercussions importantes sur les communautés de pêche locales, qui affirment que les navires géants anéantissent leurs stocks de poissons, concurrencent les bateaux de pêche locaux et détruisent leurs moyens de subsistance [19]. En décembre 2022, le Haq Do Tehreek (Mouvement pour les droits de Gwadar) a organisé une campagne de protestation de deux mois pour exiger la fin de la pêche au chalut en haute mer par les navires chinois et, avec l’aide de milliers de membres des petites communautés de pêche locales, a organisé un blocage du port [20]. Malgré la forte résistance de la communauté, les entreprises chinoises sont très désireuses de pêcher dans les eaux pakistanaises, car elles peuvent vendre leurs prises sans payer de droits de douane.

Le commerce électronique : une voie express pour l’agrobusiness

À mesure que la Chine se détourne de la priorité accordée jusque-là par la BRI aux investissements dans des infrastructures à grande échelle lourdement endettées, le soutien aux infrastructures de commerce numérique et les opportunités qui en découlent prennent une nouvelle importance. Lors du Forum 2023 de la BRI, Pékin a indiqué envisager le commerce électronique comme le moyen d’amener les produits alimentaires des pays de la BRI dans les assiettes des consommateurs et consommatrices chinois·es.

Le commerce électronique est en plein essor en Chine, suite à l’adoption rapide des smartphones, à l’accès généralisé à Internet et à la disponibilité de systèmes de paiement numérique tels qu’Alipay et WeChat Pay. La politique chinoise du « Zéro Covid » a donné un coup de fouet au commerce électronique dans le secteur alimentaire. Pendant la période du Covid, des plateformes de commerce électronique telles que JD.com, Meituan, Alibaba et PingDuoDuo ont été autorisées à fournir des denrées alimentaires aux communautés urbaines. Les produits frais tels que les légumes, les fruits et la viande constituaient souvent la majeure partie des livraisons, car les habitant·es n’avaient pas le droit de sortir pendant deux à trois semaines si leur quartier résidentiel était en quarantaine. De plus, de nombreux marchés et commerces ambulants ont été contraints de fermer leurs portes.

Après la levée de la politique du Zéro Covid, les géants chinois du numérique ont immédiatement lancé différents plans de promotion pour fidéliser leur clientèle dans différentes villes, en mettant en place des agents communautaires dont le rôle était de promouvoir et de coordonner les achats collectifs entre voisin·es. De nombreux points de retrait ont été mis en place dans des zones résidentielles ou commerciales, fournissant d’énormes quantités de produits alimentaires frais, notamment de la viande, des fruits de mer, des légumes et des fruits.

Pour faire face à la concurrence croissante, les géants chinois du secteur alimentaire en ligne cherchent à diversifier leurs produits en important des produits agricoles de qualité supérieure de pays d’Asie du Sud-Est comme la Thaïlande, la Malaisie et le Cambodge, et plaident pour la mise en place de mécanismes dans le cadre de la BRI pour faciliter cette démarche. À ce jour, la Chine a mis en place des mécanismes de coopération bilatérale en matière de commerce électronique avec plus de 30 pays, en accordant la priorité à l’Asie du Sud-Est en raison de sa proximité et de l’importance de la diaspora chinoise [21].

Un récent projet de commerce électronique a été mis en place au Cambodge dans le cadre de la BRI. En juin 2022, la province chinoise du Jiangsu a lancé un projet de « commerce électronique de la Route de la soie » qui, selon elle, permettrait aux petites et moyennes entreprises cambodgiennes d’exporter des produits agricoles à forte valeur ajoutée vers le marché chinois [22]. Mais jusqu’à présent, les bénéficiaires apparents sont les grandes entreprises chinoises et les puissants hommes d’affaires cambodgiens possédant de grandes exploitations agricoles.

Le projet de commerce électronique de la Route de la soie passe par JD.com, la plus grande plateforme de commerce électronique chinoise, et est supervisé par le conglomérat chinois Jiangsu Taihu (Cambodia) International Economic Cooperation Zone Investment Co, qui est également l’exploitant du plus grand parc industriel du Cambodge, la Zone économique spéciale de Sihanoukville (SSEZ). La SSEZ est une coentreprise entre le groupe Jiangsu et une société cambodgienne, Cambodia International Investment and Development Group (CIIDG), qui appartient à la famille du sénateur cambodgien Lao Meng Khin, selon le registre des sociétés du Cambodge [23] [24]. La famille du sénateur a d’importants intérêts commerciaux dans l’agriculture et possède un grand nombre de concessions agricoles. [25]

En Thaïlande, l’intégration des investissements industriels et numériques par la BRI détermine également de nouvelles routes commerciales agricoles pour les géants chinois du commerce électronique. En juin 2023, Hongjiu Fruit, le plus grand négociant et distributeur de fruits de Chine, a importé 500 tonnes de durians frais de Thaïlande. Il s’agissait de la première cargaison de durians thaïlandais livrée par le biais du nouveau système ferroviaire du Corridor terre-mer occidental, un projet emblématique de l’initiative BRI qui relie la Chine occidentale à l’Asie du Sud-Est et dont le centre opérationnel se trouve dans la ville de Chongqing, dans le sud-ouest de la Chine, où est implantée la société Hongjiu Fruit [26].

L’un des principaux actionnaires de Honjiu Fruit est Alibaba, le premier marché de gros en ligne de Chine, qui a également conclu un partenariat stratégique avec Hongjiu Fruit par l’intermédiaire de sa chaîne de supermarchés Freshippo [27]. Honjiu Fruit connaît une croissance rapide, ses bénéfices pour 2022 étant quatre fois supérieurs à ceux de l’année précédente. Les deux entreprises cherchent à utiliser l’Initiative BRI comme un moyen de renforcer leur présence, non seulement dans les vergers d’Asie du Sud-Est, mais aussi dans d’autres pays grands exportateurs de fruits qui font partie de l’initiative BRI, comme le Chili, où elles ont commencé à importer des cerises [28].

Perspectives

Dix ans après le lancement des projets de l’initiative des Nouvelles routes de la soie, l’expansion des investissements des entreprises dans le système agroalimentaire mondial a atteint de nouveaux sommets. Comme le montrent les projets de la Chine dans les domaines de l’agriculture, de la pêche et du commerce électronique en Afrique et en Asie, il est difficile de trouver quoi que ce soit de « vert » ou d’artisanal dans l’initiative BRI. Au contraire, elle ne fait que renforcer l’accaparement de ressources naturelles limitées au profit des entreprises chinoises, tandis que des millions de petites exploitations agricoles, pêcheries ou autres sont laissées à la merci des géants de l’agro-industrie et du numérique.

La Chine semble prise dans un cercle vicieux : plus la BRI étend son emprise avec des solutions technologiques agricoles à grande échelle, plus le pays devient dépendant des importations de denrées alimentaires, affaiblissant ainsi de plus en plus sa propre souveraineté alimentaire.

« L’agriculture à but lucratif » n’est pas seulement un pari économique, mais aussi un pari social et environnemental – pour la Chine et ses partenaires de la BRI. La course mondiale aux ressources semble laisser peu d’alternatives, mais elles existent et ont prouvé leur efficacité. Il n’est pas trop tard pour que la Chine renforce son soutien aux petites exploitations agricoles et s’attache à fournir aux communautés urbaines et rurales des systèmes alimentaires décentralisés afin de parvenir à la souveraineté alimentaire.

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