Coup d’État en Birmanie : civil·es et factions ethniques rebelles uni·es contre la militarisation du pays

, par TNI , DILLABOUGH-LEFEBVRE Dominique, HSA MOO Naw

Suite au coup d’État militaire de février, la répression sanglante des forces de l’ordre face aux manifestant·es civiles dans les villes de Birmanie a déclenché une vague d’indignation au sein de la communauté internationale. Mais comme l’expliquent Naw Hsa Moo et Dominique Dillabourg-Lefebvre, l’armée birmane a toujours eu recours à des méthodes violentes lors de ses opérations militaires contre les factions ethniques dans les États et régions du pays. Une prise de conscience est en cours et, selon eux, le coup d’État militaire a contribué au ralliement entre mouvements pro-démocratie et rébellions ethniques.

Un soldat de l’Armée Indépendante du Kachin monte la garde près de Laiza ; avec, en arrière plan, le camp de l’Armée Birmane. Crédit : Allyson Neville-Morgan (CC BY-NC-ND 2.0)

Depuis la prise du pouvoir par le Conseil d’administration de l’État (SAC) militaire le 1er février, des manifestations de masse ont ébranlé les villes et villages de tous les États et régions de la Birmanie. Au fil des jours, les civil·es ont été confronté·es à une réponse musclée des forces de sécurité, connues sous le nom de Tatmadaw, dont l’usage excessif de la force a fait plus de 70 morts, d’innombrables blessé·es et conduit à l’arrestation de plus de 2000 personnes. Et pourtant, l’utilisation accrue de la force militaire n’a pas réussi à décourager les populations, qui continuent à défier l’armée, organisant des mouvements de protestation plus créatifs les que les autres, sans compter les rébellions ethniques qui se sont jointes aux mouvements de grève et de désobéissance civile.

Tous les groupes ethniques sont touchés. Pour les Bamar (Birmans) des plaines, le groupe majoritaire du pays, la répression actuelle contre les civil·es rappelle de manière terrifiante les réactions violentes de l’État envers les manifestant·es, notamment lors des manifestations pro-démocratie de 1988. Cependant, pour celles et ceux qui vivent dans de nombreuses régions non-birmanes, la militarisation et le sentiment de peur omniprésent qui accompagnent les événements actuels ne sont malheureusement que trop familiers. En effet, depuis de nombreuses décennies, les affrontements contre l’armée sont monnaie courante dans plusieurs endroits du pays, notamment dans les États Kachin, Karen, Kayah (Karenni), Mon, Rakhine (Arakan) et Shan.

L’État Karen, dans le sud-est de la Birmanie, est un exemple poignant de ces affrontements. Théâtre de ce qui est souvent considéré comme la guerre civile la plus longue au monde, le conflit s’est enlisé entre la Tatmadaw et l’Union nationale karen (KNU), une organisation rebelle armée. Plus de 6 000 civil·es ont été poussé·es à l’exil, obligé·es de fuir leurs villages depuis que la Tatmadaw a intensifié ses opérations militaires en décembre 2020. La majorité des personnes vivant ici s’identifient comme Karen, l’un des plus grands groupes ethniques du pays, et sont en grande partie des communautés agricoles vivant dans des collines boisées et des vallées sinueuses qui descendent le long de la frontière thaïlandaise. En réponse à la double menace des incursions militaires et du coup d’État du SAC, les villageois·es des districts de Kler Lwee Htu (Nyaunglebin) et Mutraw (Hpapun) ont manifesté régulièrement contre l’occupation de leurs terres par la Tatmadaw, exprimant leur solidarité aux mouvements de protestation organisés à travers le pays.

Que ce soit en temps de guerre ou de paix, les communautés karen ont toujours fait face aux mêmes défis à chaque changement de gouvernement depuis l’indépendance du pays en 1948. Un cessez-le-feu avait été conclu entre le gouvernement et la KNU en 2012 mais, sans aucun impact significatif sur la militarisation dans de nombreuses régions du pays, jusqu’à ce jour. Au contraire, les schémas de conflit et d’incursion de la Tatmadaw se sont poursuivis. En particulier, l’intensification récente de l’activité de la Tatmadaw est liée à la construction de routes, à l’expansion d’un réseau de routes militaires dans le nord de l’État Karen, dont les travaux ont débuté lors des offensives des années 1990.

Les conséquences pour les populations locales sont désastreuses. Naw Ghay Hai est la directrice de l’école Keh Der dans le district de Kler Lwee Htu, dans la zone de la 3e brigade de la KNU. Comme elle l’explique, la population locale n’en retire aucun avantage. Au contraire, ils perdent leurs terres et sont constamment habité·es par la peur :

« La route en cours de construction traverse les rizières des agriculteur·rices locales·aux, détruisant les systèmes d’irrigation dans leurs champs, ce qui affecte gravement les moyens de subsistance des populations locales. Ils·elles [les troupes de la Tatmadaw] construisent des camps à proximité des villages, bombardent les villages voisins, poussant de nombreux villageois·es à l’exil. Sous le bruit des armes et des mortiers, les populations apeurées n’ont d’autre choix que de s’enfuir et n’osent pas revenir ».

Les dernières incursions militaires viennent s’ajouter au phénomène d’accaparement de terres et de déplacement des populations locales observé depuis plusieurs décennies. Selon le Comité des réfugiés Karen, environ 30 000 personnes ont été déplacées dans la région depuis le début des opérations de « nettoyage régional » de la Tatmadaw dans les années 1990. Les offensives militaires et les affrontements récurrents ont entraîné la perte de logement, un manque d’accès aux soins de santé et des difficultés à distribuer des vivres aux personnes déplacées, mettant particulièrement en danger les enfants et les personnes âgées. Les villageois·es déplacé·es vivent désormais dispersé·es dans différents endroits des communes du nord de l’État Karen.

Pour de nombreuses communautés, cette expérience n’est malheureusement pas la première. Les villageois·es du village de Keh Der ont récemment confié aux membres du KESAN, une organisation de la société civile karen, que les premiers coups de feu et de bombardements se sont faits ressentir à partir du 12 décembre de l’année dernière. Bien que ces tirs semblaient lointains, tout le monde était inquiet. Puis, le 11 février, soit dix jours après le coup d’État, les soldats de la Tatmadaw se sont rapprochés du village et les habitant·es ont commencé à fuir. À mesure que les troupes avançaient, elles détruisaient les réserves de nourriture des agriculteur·rices déplacé·es, s’emparaient de leur bétail, brûlaient leurs maisons et, dans les zones voisines, forçaient les villageois·es à servir de porteur·ses de leurs fournitures lors de leurs opérations militaires.

Pour les populations locales, ces événements récents ont fait resurgir de nombreux souvenirs des souffrances passées. En effet, l’insécurité permanente et l’usage arbitraire de la force ont longtemps fait partie de la vie des habitant·es de cette région. Saw Lo Wah, chef du village de Keh Der, se souvient avoir fui la Tatmadaw pour la première fois dans les années 1960, alors qu’il n’était encore qu’un enfant. Celles et ceux que les soldats avaient été capturé·es avaient été forcé·es à travailler comme porteur·ses, une violation particulièrement répandue et flagrante des droits humains. Comme il l’explique :

« Plusieurs personnes ont été blessées ou tuées lorsqu’elles travaillaient comme porteur·ses pour les militaires. Par exemple, mon père a marché sur une mine terrestre lorsqu’il était porteur pour la Tatmadaw. Ce fut le cas pour de nombreuses personnes, car, sous la menace d’une arme, les Tatmadaw utilisaient des villageois·es karens pour balayer la zone, à la recherche de mines terrestres ».

Ces expériences se sont poursuivies à l’âge adulte, Saw Lo Wah décrivant la situation comme ayant « empiré » à la fin des années 1990 :

« Lorsque les militaires sont arrivés, une famille a dû fuir si vite qu’elle n’a pas pu emmener ses deux enfants avec elle, et les militaires birmans ont brûlé leur maison. Lorsque la famille est revenue, les enfants avaient disparu. »

Les souffrances locales étaient loin de s’arrêter. Saw Lo Wah a dû construire sa propre maison à trois reprises, mais à chaque fois, les troupes de la Tatmadaw l’ont à nouveau brûlée, avec tous les biens de sa famille à l’intérieur.

Après six décennies de domination militaire et l’arrivée au pouvoir d’un nouveau régime, le bilan de Saw Lo Wah est lourd. Mais il exprime un point de vue sur le dernier putsch militaire, partagé par différentes communautés dans divers endroits du pays :

« C’est la principale raison derrière notre pauvreté. La Tatmadaw ne se soucie pas de savoir si vous êtes jeune ou vieux, homme ou femme ; ils tirent sur tout le monde. Personne n’est épargné. »

Portrait de femmes et d’enfants dans une zone rurale de la Birmanie. Crédit : piktour (CC BY 2.0)

La militarisation comme mode de vie en toile de fond du conflit

Les conflits armés internes sont depuis longtemps au cœur des ambitions de construction nationale de la Tatmadaw. Dans un pays où l’identité nationale a longtemps été liée à une vision particulièrement « racialisée » de l’ethnicité, l’armée s’est engagée dans des affrontements permanents contre différentes organisations ethniques armées (EAO) — dont la KNU — depuis l’indépendance du pays vis-à-vis de la Grande-Bretagne en 1948. Au cours de ces années, une vision simpliste de la politique nationale a souvent imprégné l’imagination et le discours populaires. Ces dernières décennies, cette vision a été portée par l’héroïne démocratique du pays, Daw Aung San Suu Kyi, et son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), qui – espérait-on – aurait progressivement sorti le pays de la faillite et de l’isolationnisme international, le conduisant vers la démocratisation et le respect des droits humains.

Ces attentes se sont voulues plus optimistes lorsque la LND a remporté les élections générales de 2015, accédant au gouvernement l’année suivante. Pourtant, en pleine période de libéralisation économique qui a suivi la transition de 2011 vers un système de gouvernement nominalement civil, les conflits armés se sont poursuivis dans les régions abritant des minorités ethniques à l’extérieur des fiefs dominés par les Bamar dans le centre du pays. Si l’offensive sanglante menée par l’armée contre la population rohingya en 2017 a fait l’objet d’une grande couverture médiatique internationale, la Tatmadaw a toutefois continué ses campagnes « anti-insurrectionnelles » contre différentes EAO, notamment les bouddhistes originaires de l’État Rakhine. Les cycles de représailles à l’intérieur du pays se poursuivent.

Plusieurs minorités ethniques ont été touchées. Après l’expulsion de plus de 750 000 Rohingyas, la Tatmadaw s’est retrouvée piégée dans des affrontements de plus en plus sanglants contre une force émergente de Rakhine connue sous le nom de Ligue unie de l’armée-Arakan (ULA-AA). Mais, une fois la NLD au pouvoir, la Tatmadaw a intensifié ses « opérations de nettoyage », contraignant les populations locales des États Kachin, Karen et Shan de se déplacer, avec de graves conséquences sur la sécurité et les moyens de subsistance des communautés agricoles qui dépendent de la terre pour leur survie.

Il est difficile d’établir un bilan précis de la situation dans ces différentes régions du pays, mais on estime que près de 10 000 personnes ont perdu la vie lors des opérations de la Tatmadaw au cours des cinq dernières années, avec plus d’un million de civil·es actuellement réfugié·es dans les pays voisins et dans des camps de déplacé·es installé·es dans les collines. Les preuves de violations permanentes des droits humains sont troublantes. Au vu des exactions commises par la Tatmadaw lors des événements récents, la Cour pénale internationale, la Cour internationale de justice et le Mécanisme d’enquête indépendant des Nations unies pour la Birmanie ont ouvert une enquête sur de possibles crimes de guerre.

Cependant, il s’est avéré difficile de trouver un langage politique qui unisse les peuples et aborde les défis du conflit de manière inclusive. Les distinctions entre acteurs « étatiques » et « non étatiques » ont souvent été opaques à l’intérieur des frontières géographiques de la Birmanie. Les alliances changeantes entre la Tatmadaw, les forces ethniques, les milices soutenues par le gouvernement et les hommes forts militaires locaux ont été l’une des réalités les plus persistantes dans la définition du fonctionnement de l’« État » dans de nombreuses régions du pays. Aujourd’hui, plus de 20 EAO restent actives dans des territoires abritant différents groupes ethniques, de l’État de Rakhine sur la baie du Bengale à la région de Tanintharyi dans l’extrême sud de la Birmanie.

Dans ce contexte, les projections d’unité nationale deviennent le reflet de la relation complexe entre la Tatmadaw, au centre politique, et les périphéries, où diverses minorités ethniques vivent dans les hautes terres entourant les plaines de l’Ayeyarwady. Au fil des décennies, l’exploitation continue des régions frontalières riches en ressources, a été au cœur du développement de l’État de Birmanie, de la même manière que le pillage des terres autochtones, l’esclavage et l’expansionnisme occidental ont été au cœur de la formation de l’imaginaire national états-unien. Une grande partie de cette économie est secrète et sous-déclarée, mais les États ethniques de Birmanie abritent d’importantes réserves minérales, assurent la production de drogues illicites et concluent des échanges transfrontaliers lucratifs qui profitent principalement aux élites puissantes et aux intérêts extérieurs, et non aux populations locales.

La marginalisation des populations locales s’est accentuée, car le monde extérieur est loin de comprendre le calvaire que vivent les populations dans les zones de conflit du pays. Cette incompréhension est une source constante de frustration pour les minorités ethniques qui tentent de faire cause commune avec leurs compatriotes, mais se retrouvent bloquées par les différences entre les villes et les villages ainsi que par les divisions ethniques, religieuses et linguistiques. Même les Birman·es des villes les plus informé·es n’ont qu’une compréhension limitée de ce qui se passe dans les collines. Cette absence de sensibilisation existe également au sein de la communauté internationale, où le nombre déroutant de groupes armés pose des obstacles importants aux journalistes étranger·es, aux décideurs politiques et aux autres acteurs extérieurs qui cherchent à comprendre l’un des conflits les plus longs de l’histoire moderne de l’Asie.

C’est pourquoi l’incapacité d’Aung San Suu Kyi et de la direction de la LND à s’attaquer au conflit et aux griefs des populations non bamars reste l’un des échecs les plus notables du parti depuis qu’il est au pouvoir. L’accord national de cessez-le-feu (ANC) de 2015, dont l’administration dirigée par la LND a hérité de son prédécesseur quasi-civil, était la pierre angulaire d’un processus de paix chancelant qui, non seulement n’a pas réussi à inclure une majorité des EAO les plus puissantes du pays, mais était aussi un processus dans lequel on ne pouvait dire qu’aucun des trois mots de son titre n’était vrai : il ne s’agissait ni d’un cessez-le-feu, ni d’un accord, et il n’était pas national.

Pour tenter de reprendre l’élan politique, la LND a inauguré une conférence Panglong du 21e siècle en août 2016, en promettant de raviver le processus de paix. Mais le gouvernement n’a jamais reconnu les nombreuses lacunes de l’ANC. Les plus grands signataires de l’ANC en termes de combattants de l’EAO – la KNU et le Conseil de restauration de l’État Shan – pouvaient difficilement être considérés comme représentatifs de l’ensemble du pays, sans compter que les deux organisations ont continué les affrontements avec la Tatmadaw. Dans le même temps, les huit autres EAO signataires de l’ANC étaient pour la plupart nettement plus petites, certaines d’entre elles n’ayant jamais sérieusement combattu le gouvernement, tandis que d’autres, notamment le Front national Chin, n’avaient pas eu d’affrontements prolongés avec la Tatmadaw depuis le début des années 1990.

Tout aussi préjudiciable à la crédibilité de l’ANC, certaines EAO du nord du pays, puissantes et bien organisées, n’ont pas été autorisées par la Tatmadaw à signer l’accord ou ont décidé de boycotter le processus. Parmi les principales EAO qui n’ont jamais adhéré à l’ANC figurent le Parti uni de l’État Wa et le Parti progressiste de l’État shan, qui ont conclu des cessez-le-feu officiels avec le gouvernement, ainsi que l’Organisation pour l’indépendance du Kachin, l’Armée de libération nationale Ta’ang et l’ULA-AA, qui ne l’ont pas fait.

Le paysage ethno-politique birman est désormais très incertain. Suite au coup d’État, les EAO signataires de l’ANC ont publié collectivement, le 20 février, une déclaration dans laquelle elles refusent de reconnaître la légitimité du nouveau régime, ce qui a entraîné l’arrêt des pourparlers. Une déclaration qui marque la rupture de facto d’un cessez-le-feu qui, depuis son instauration, n’avait guère donné aux signataires de l’ANC l’assurance que les forces armées de Birmanie tiendraient leur parole. Pour les EAO favorables au cessez-le-feu, une telle situation est problématique. Selon le lieutenant-colonel Saw La Shwe Hai, de la branche armée de la KNU, les officiers de la Tatmadaw prétendent suivre les codes de conduite de l’ANC et essayent de résoudre les problèmes par le dialogue politique, mais la réalité est tout autre :

« Au contraire, ils essaient de contrôler davantage de territoires, de construire des routes et d’autres infrastructures et d’envoyer sans cesse de nouveaux renforts... Ils essaient de contrôler progressivement notre région, mais en prétendant respecter les accords... ils ne pourraient pas mentir davantage ».

Pour les communautés ethniques et nationales des zones de conflit, de telles expériences ne sont que trop familières. Mais il semble que l’ampleur des violations des droits humains dans le pays depuis la prise de pouvoir par le SAC entraîne un changement d’attitude au sein de la population majoritairement bamar. Lors des manifestations organisées dans les villes, des incidents ont été reportés : l’armée birmane aurait pillé des magasins et des maisons, volé de la nourriture aux vendeur·ses ambulant·es et confisqué du bétail dans les marchés. Comprendre la réalité de cette violence du point de vue de celles et ceux qui vivent dans les États ethniques et les zones frontalières permet enfin d’éclairer la nature des politiques ethnocratiques de construction de l’État menées par les gouvernements depuis l’indépendance ainsi que l’idéologie de la Tatmadaw.

En écho à cela, une minorité bruyante de Bamars a commencé à s’excuser de ne pas avoir soutenu les populations ethniques lors de ces actes de persécution. Une militante, qui a demandé à rester anonyme, a expliqué que « l’intimidation, le harcèlement et la violence de la police et des soldats n’ont rien de nouveau », mais que « la violence et l’oppression se sont maintenant étendues aux villes ». Elle poursuit :

« Nous n’avons qu’une idée vague de la brutalité des soldats dans les villes, dont été victimes les habitant·es de Rakhine chaque jour et chaque nuit. Ceux de Kachin. Ceux de Karen. Ceux de Shan. Maintenant, nous devons nous aussi nous défendre. »

Conclusion

Alors que le coup d’État militaire entre dans son deuxième mois, les habitant·es du pays sont de plus en plus confronté·es aux parallèles frappants entre l’usage excessif de la force, l’intimidation et la répression contre les manifestant·es anti-coup d’État et les civil·es dans les villes et la brutalité systématique, historique et continue de l’armée dans les différentes zones frontalières ethniquement diverses de la Birmanie. Pour les populations de ces régions, ces actes de l’armée ont toujours fait partie de leur quotidien. Mais pour de nombreux jeunes bamars des villes, prendre conscience des faits est riche d’enseignements pour un pays qui doit à nouveau faire face à une dictature militaire, dans un contexte de conflits ethniques de longue date.

Ces sentiments ne se manifestent pas seulement dans les zones urbaines. Une grande partie de la population birmane, essentiellement rurale, est également confrontée depuis longtemps aux confiscations de terres par l’armée et aux pratiques répressives, qui maintiennent la majorité de la population dans la pauvreté. Comme l’a dit succinctement le journaliste et auteur Carlos Sardiña Galache :

« La Tatmadaw s’est toujours présentée comme la seule institution capable de préserver l’unité de la Birmanie, et ce coup d’État le prouve de manière involontaire : pratiquement tout le pays semble uni pour rejeter le coup d’État et la Tatmadaw lui-même. »

Maintenant que ces divers groupes se rassemblent, de nouvelles alliances commencent à émerger au milieu du chaos. Bien que l’avenir de la Birmanie reste incertain, le coup d’État a créé des circonstances qui permettent aux habitant·es des villes du pays de mieux comprendre la situation dans les zones rurales déchirées par la guerre, habitées par les Karens et d’autres groupes ethniques.

Rédigé en collaboration avec des membres du Karen Environmental and Social Action Network (KESAN) qui ont mené des entretiens sur le terrain.

Lire l’article original en anglais sur le site de TNI