Pourtant, cette population musulmane est installée depuis des siècles dans la région de l’Arakan [1], et pendant la 2ème guerre mondiale, elle fut massacrée par les japonais et les Birmans parce qu’elle s’était rangé aux côtés des britanniques. En 1945, le gouvernement britannique mit en place une administration autonome pour l’Etat d’Arakan jusqu’en 1948, année durant laquelle cet État fut annexé à la Birmanie. On estime que les Rohingyas sont aujourd’hui environ un million dans l’Etat d’Arakan ; essentiellement regroupés près de la frontière du Bangladesh. Les autres habitants de cet État sont les Rakhines (bouddhistes).
En 1982, avec les réformes du dictateur Ne Win, les Rohingyas sont privés de la nationalité birmane et deviennent de facto apatrides, exclus des 135 ethnies officiellement reconnues par l’État birman. Depuis, différentes vagues de persécutions les poussent vers le Bangladesh (1978 : 200 000 personnes, 1992 : 260 000 personnes), qui ne veut plus les accueillir et les maintient dans des camps de réfugiés ou tente de s’en débarrasser.
La Birmanie, malgré sa relative démocratisation depuis 2011, s’obstine à traiter les Rohingyas de Bengalis et, en 2012, une nouvelle vague de répression s’est abattue sur eux, comme dénoncé dans un rapport de Human Rights Watch publié en 2013, qui évoque « des crimes contre l’humanité dans le cadre d’une campagne de nettoyage ethnique » à leur encontre.
Les heurts entre musulmans et bouddhistes ont fait des centaines de morts et le président Thien Sein, ouvert aux négociations avec les autres minorités, estime toujours impossible de les considérer comme Birmans. Ils restent des citoyens de seconde zone et ne peuvent ni voter, ni circuler librement, ils n’ont pas accès à certains emplois et certains diplômes.
Face à ce déni des droits élémentaires des Rohingyas, le silence de la députée et Prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi devient gênant et commence à être dénoncé de tous les côtés.
Les extrémistes bouddhistes deviennent, quant à eux, de plus en plus redoutables, entraînés par le bonze Ashin Wirathu et son mouvement 969.
Malgré le travail du HCR auprès des Rohingyas en Birmanie, leur vie est de plus en plus désespérante et les tentatives de migration vers la Thaïlande puis la Malaisie sont exploitées par des passeurs sans scrupule.
La Thaïlande, influencée par la xénophobie des « chemises jaunes » [2], tente de se débarrasser des migrants rohingyas et prétend lutter contre les passeurs, après que des charniers aient été découverts près des campements de passeurs en attente de rançon. En mai 2015, la Malaisie et l’Indonésie refusent également aux boat-peoples d’aborder sur leurs côtes et tentent de les renvoyer en Birmanie ; ainsi des milliers de personnes errent et meurent en mer ou, parfois, sont secourus par des pêcheurs. L’indignation internationale pousse la Malaisie et l’Indonésie à les laisser aborder (« solidarité musulmane ») et à leur offrir un « refuge provisoire ».
Toutefois, cette émotion internationale ne s’est traduite par aucune action concrète et le récent sommet de Bangkok a statué sur la difficulté de « résoudre un problème qui dure depuis des décennies et dont la responsabilité n’est assumée par personne ».
Enfin, quand ils parviennent en Malaisie, les Rohingyas se voient délivrer par le HCR une carte de réfugié mais ils ne sont pas régularisés par le pays.
Beaucoup rêvent de parvenir jusqu’en Australie, via l’Indonésie ; mais l’Australie, pourtant signataire de la Convention de Genève, se ferme aussi aux migrants.
Le récit de Habiburahman, « Nous les innommables, un tabou birman » témoigne de ces odyssées de la Birmanie jusqu’à l’Australie.