À travers le monde, les défenseur·ses des droits humains (DDH) sont à l’avant-garde du combat pour les droits humains et pour une société plus juste et plus équitable. Ces défenseur·ses sont journalistes, avocat·es, bloggeur·ses, universitaires, écologistes, défenseur·ses des droits des peuples autochtones ou défenseur·se des droits des femmes ou des personnes LGBTI+. Un même objectif les rassemble : défendre les droits humains de leur communauté. Une entreprise aux risques considérables : elles et ils sont menacé·es de perdre leur emploi, d’être frappé·es d’une interdiction de voyager, d’être arrêté·es et mis·es en garde à vue, d’être la cible d’accusations injustes ou fallacieuses ou d’une campagne de diffamation, d’être agressé·es, victimes de violences (quand ce n’est pas leur famille qui est prise pour cible), kidnappé·es, torturé·es ou même, dans le pire des cas, assassiné·es. À cela vient se rajouter, pour les femmes et les défenseur·ses des droits des LGBTI+, la menace d’agressions misogynes et de violences basées sur le genre, par trop fréquentes.
Selon un rapport publié en 2019 par l’ONG Freedom House, intitulé « Freedom in the World », les libertés politiques et civiles se dégradent irrésistiblement depuis 14 ans d’affilée. Au sein de Front Line Defenders, nous observons que, parallèlement, les agressions à l’encontre des défenseur·ses du monde entier sont de plus en plus courantes.
Cette recrudescence s’explique par un certain nombre de phénomènes et de facteurs, certains de portée mondiale, d’autres de nature plus locale, régionale voire nationale.
Les facteurs mondiaux : l’essor de l’hypercapitalisme et des dirigeant·es populistes d’extrême-droite
À l’échelle internationale, nous assistons d’abord à une montée de l’hypercapitalisme, caractérisé par une soif insatiable de profits et de gains matériels. Il encourage l’exploitation acharnée des ressources naturelles, tandis que de puissants intérêts économiques se liguent contre les défenseur·ses des droits humains qui se battent pour les droits environnementaux, le droit à la terre ou encore les droits des peuples autochtones.
Ainsi, entreprises et gouvernements du monde entier privilégient les intérêts économiques, la rentabilité et les gains à court terme, exacerbant par là-même la vulnérabilité des défenseur·ses sur le terrain.
Nous avons assisté à une progression de la politique autoritariste et de la rhétorique populiste : Trump aux États-Unis, Bolsonaro au Brésil, Modi en Inde ou encore Duterte aux Philippines. Tous ont été élus par la voie démocratique, mais affichent des tendances autoritaires parfois alarmantes. Tous se sont attachés à créer et consolider un discours populaire qui accuse les défenseur·ses des droits humains d’être contre le développement, opposé·es au gouvernement et à leur pays, d’être financé·es par des puissances étrangères et aux mains de celles-ci. Une rhétorique qui aboutit à la délégitimation des activités légitimes des DDH.
Dans ce contexte économique et politique, cette recrudescence des agressions se caractérise notamment par le fait que l’impunité demeure la norme dans les régions où ces agressions et meurtres surviennent, si bien que les coupables sont certain·es d’échapper à la justice.
Un rapport publié récemment par Global Witness estime par exemple que 89 % des assassinats de défenseur·ses des droits humains en Colombie ne débouchent sur aucune condamnation, et que dans certaines régions de l’État de Pará, au nord du Brésil, le taux d’impunité est de 100 % pour les meurtres de travailleur·ses ruraux·ales commis ces 40 dernières années.
Même dans les cas les plus médiatisés ayant attiré l’attention et les condamnations de la communauté internationale, comme celui de Berta Cáceres au Honduras, la justice continue de se faire attendre. Berta était une femme autochtone issue du peuple Lenca, et une défenseuse des droits humains qui, pendant 20 ans, s’est battue pour les droits de son peuple avant d’être assassinée à son domicile, en mars 2016. Après une lutte acharnée, 7 hommes ont été reconnus coupables de son meurtre, dont des hommes employés par la société Desarrollos Energéticos S.A. et un membre de l’armée hondurienne. En revanche, le procès de l’homme qui aurait orchestré son assassinat est toujours en cours, mais les proches et les avocat·es de Berta ont exprimé leurs fortes préoccupations quant à la lenteur délibérée de la défense, qui cherche à gagner du temps pour obtenir la libération de l’accusé au motif de l’expiration de la période de détention provisoire.
D’autres facteurs mondiaux sont également à l’œuvre, par exemple l’accord de libre-échange conclu récemment entre les pays du MercoSur et l’Union européenne. Les spécialistes des droits humains estiment que cet accord débouchera inévitablement sur une hausse de la demande des consommateur·rices européen·nes, ce qui ne pourra qu’accentuer la destruction de l’Amazonie et exacerber les conflits avec les peuples autochtones et, par là-même, les agressions et les meurtres visant les défenseur·ses des droits autochtones.
En outre, depuis le début de la pandémie de Covid-19, le monde a opéré une transition vers le numérique. Une connectivité accrue qui, il est vrai, permet à certains groupes de défenseur·ses d’avoir plus facilement accès aux mécanismes de protection à leur disposition, et de pouvoir solliciter des soutiens et des acteurs internationaux, mais creuse un peu plus le fossé qui sépare celles et ceux qui sont connecté·es, et celles et ceux qui ne le sont pas. D’une certaine manière, les communautés rurales, paysannes et autochtones en sont reléguées aux oubliettes.
Toutefois, en dépit de ce marasme et de la multiplication des agressions, il n’y a sans doute jamais eu autant de défenseur·ses des droits humains, qui travaillent sur un plus large éventail de problématiques liées aux droits humains et dans un plus grand nombre de pays que jamais.
Aussi, bien qu’ils et elles continuent de travailler dans des conditions dangereuses, de plus en plus de gens décident d’agir et de s’exprimer pour défendre les droits humains.
Les facteurs spécifiques à une région ou à un pays
Assassiner un·e DDH, c’est le ou la réduire à jamais au silence. Dans ce domaine, ce sont presque toujours les mêmes pays d’Amérique et d’Asie qui, année après année, figurent parmi les plus mauvais élèves : Colombie, Brésil, Philippines, Mexique, Honduras ou Guatemala. En revanche, dans d’autres régions, comme au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, il est bien plus courant d’arrêter les DDH sur la base d’allégations fallacieuses, d’organiser un simulacre de procès et de les condamner à de lourdes peines de prison, de 10 à 20 ans. Dans les deux cas, le résultat est le même : un·e militant·e est réduit·e au silence, et son travail, occulté. Deux méthodes, deux atteintes cruelles, injustes et brutales à la vie et à la liberté des activistes.
Cependant, si l’on s’arrête plus spécifiquement sur le problème des assassinats, il ne fait aucun doute que la situation est particulièrement grave dans les Amériques et dans certaines régions d’Asie.
Les DDH sont, certes, menacé·es et risquent leur vie dans le monde entier. Toutefois, depuis quelques années, environ 80 % des meurtres ont lieu au Brésil, en Colombie, au Guatemala, au Honduras, au Mexique et aux Philippines. En 2020, les premiers chiffres disponibles montrent également une augmentation des assassinats de militant·es au Nicaragua. Quant à l’Inde, nous n’avons pas encore compilé les données brutes, mais le pays a connu une véritable recrudescence des violences et des agressions à l’encontre des DDH ces dernières années.
Sans l’ombre d’un doute, les droits humains les plus dangereux à défendre dans ces pays sont le droit à la terre, les droits environnementaux et les droits des peuples autochtones, en raison de l’exploitation des ressources naturelles motivée par le profit ; un problème aggravé par la corruption omniprésente, un déficit de gouvernance et la pauvreté systémique.
Au cours des trois dernières années, nous avons consigné, dans le cadre du projet Memorial, l’assassinat de 240 défenseur·ses des droits des peuples autochtones, soit plus d’un quart de tous les défenseur·ses des droits humains tué·es à travers le monde. Un chiffre disproportionné, sachant que les peuples autochtones ne représenteraient que 5 % de la population mondiale.
En novembre 2016, Front Line Defenders a lancé le projet Memorial (à voir sur www.hrdmemorial.org). Fruit d’une coalition de plus de 25 organisations nationales et internationales, ce projet vise à créer une base de données qui donne la juste mesure de l’ampleur des assassinats de défenseur·ses des droits humains à travers le monde, montre combien l’impunité est par trop répandue, et facilite le plaidoyer aux échelons national et international sur ces affaires. Son but est aussi de célébrer la vie et l’œuvre de celles et ceux qui ont été tué·es pour avoir lutté pour leurs droits et ceux de leur communauté : une sorte d’hommage à ces militant·es, en tant que personnes et membres de leur communauté. Ce site retrace leur vie et fait la lumière sur le travail qu’ils et elles ont accompli pour leur famille et leur communauté : si l’objectif était de les faire taire, alors ce projet est une manière de dire qu’on ne les oubliera pas, et que leur combat continue. En fin de compte, c’est un pied-de-nez à celles et ceux pour qui les défenseur·ses des droits humains sont des êtres sacrifiables, dont on peut se débarrasser sans risques. Le projet Memorial est un tremplin pour plaider leur cause et se battre pour que le meurtre d’un·e défenseur·euse des droits humains représente un véritable coût politique.
Quelle est la cause de ces agressions et de ces meurtres ?
L’écrasante majorité de ces assassinats se produit sur fond d’accaparement des terres et de défrichement au profit de l’agrobusiness, ou d’exploration et d’exploitation de ressources naturelles par l’industrie minière.
Bon nombre de communautés autochtones habitent sur des territoires riches en ressources naturelles. En défendant leurs droits et leur territoire, en s’opposant à l’accaparement massif de terres, à la déforestation, aux mégaprojets et à l’extraction de ressources naturelles, les défenseur·ses des droits autochtones jouent un rôle de premier ordre dans la lutte contre le changement climatique. Cependant, elles et ils sont souvent confronté·es à de puissants acteurs, notamment des entreprises, de par la raréfaction des ressources naturelles de notre planète associée à une corruption effrénée.
Contrairement aux groupes paramilitaires ou aux narcotrafiquant·es qui accaparent des terres au cours de conflits territoriaux, ces entreprises sont tenues d’organiser des consultations auprès des communautés locales, afin d’obtenir leur « consentement préalable, libre et éclairé », et doivent réaliser des études d’impact pour s’assurer que l’environnement naturel (l’eau, l’air ou encore la vie végétale, dont dépendent les communautés locales pour leur survie) sera protégé. Or, bien souvent, soit ces consultations n’ont pas lieu, soit elles ne font intervenir que certain·es membres de la communauté préalablement soudoyé·es par l’entreprise, ou par des responsables locaux·ales également corrompu·es.
En ces temps de Covid-19, dans un contexte où les déplacements et les rassemblements sont restreints, nous avons déjà eu vent de l’abandon de nombreuses consultations, tandis que des entreprises démarrent ou poursuivent leur chantier en tirant profit de ce vide juridique.
Pourquoi la situation est-elle si grave dans les Amériques ?
Les pays d’Amérique latine sont minés de longue date par l’inertie des gouvernements, et même par l’existence de véritables zones de non-droit. Dans la région, le crime organisé, des milices et des entreprises prédatrices s’adonnent à leurs activités en toute impunité face à des gouvernements qui ont du mal à réagir.
En outre, la corruption généralisée fait peser une menace supplémentaire sur les militant·es, car les forces de sécurité et les représentant·es de la justice sont l’objet de pots-de-vin et d’intimidations de la part d’entreprises criminelles qui menacent, torturent et assassinent celles et ceux qui s’interposent.
Tant que cette insécurité générale perdurera et que les gouvernements manqueront à leur devoir de protéger les activistes, de lourdes menaces continueront de peser sur ces dernier·es.
On observe souvent des facteurs et des dynamiques propres à un pays. Ainsi, au Mexique, les coupables sont fréquemment des narcotrafiquant·es, des criminel·les et des fonctionnaires corrompu·es de rang local. Les meurtres de DDH demeurent largement impunis, car le narcotrafic et les autres secteurs criminels ont si bien infiltré les structures politiques et économiques de l’État, que celui-ci se retrouve à la fois inapte et réticent à prendre des mesures efficaces pour défendre les droits humains.
En Colombie, la signature des accords de paix en 2016 devait marquer le début d’une nouvelle ère, après plus de cinquante ans de guerre civile. Pourtant, le progrès et la sécurité annoncés se font toujours attendre. Dans les années qui ont suivi la signature, les homicides sont certes devenus moins fréquents, mais le nombre d’assassinats de militant·es a bondi. Dans les campagnes, les territoires auparavant contrôlés par les FARC sont désormais le lieu d’affrontement des factions dissidentes des FARC, d’une guérilla rivale de gauche (l’ELN), de l’armée colombienne et des cartels de la drogue. Au milieu de toute cette violence et cette insécurité se trouvent les défenseur·ses des droits humains qui travaillent généralement à une petite échelle et ne jouissent d’aucune visibilité nationale. Ils et elles sont souvent issu·es de minorités ethniques, de communautés paysannes ou de peuples autochtones, ou sont d’ascendance africaine ou membres d’initiatives communautaires locales, et œuvrent à défendre le droit à la terre et à protéger les peuples autochtones.
Face à cette situation dramatique, les gouvernements colombien et mexicain ont au moins reconnu leur obligation de protéger les défenseur·ses des droits humains, et ont mis en place des mécanismes et des structures officiels de protection des activistes. Cependant, les résultats laissent fortement à désirer de par le manque de fonds et de ressources qui leur ont été affectés, d’autant plus que les demandes de protection abondent. Ainsi, au Mexique, 35 personnes sont chargées de superviser le mécanisme de protection censé couvrir plus de 1 300 journalistes et défenseur·ses des droits humains ; pire, le budget alloué à ce mécanisme a été réduit en 2019.
Aux Philippines, les contours d’une politique anti-droits humains se dessinent depuis l’élection de Rodrigo Duterte en 2016. Le président s’en prend ainsi explicitement, directement et sans se cacher à l’état de droit, aux médias indépendants et aux institutions nationales conçues pour défendre les droits humains. Ainsi, en 2017, la Commission nationale des droits humains, chargée d’enquêter sur les violations des droits humains (notamment le meurtre de DDH) commises en lien avec la tristement célèbre « guerre contre la drogue », s’est vu accorder un budget de seulement 20 $. Le Sénat a, il est vrai, renversé cette décision, mais elle n’en donne pas moins un aperçu des conditions hostiles auxquelles sont confronté·es les DDH. En outre, le président lui-même encourage vivement l’assassinat de membres de la Nouvelle armée populaire (NPA, un groupe paramilitaire illégal essentiellement présent dans les campagnes philippines), dont les têtes sont mises à prix. Dans les faits, les défenseur·ses des droits humains sont régulièrement pris·es pour cible, et leur élimination encouragée au plus haut niveau de l’État, sous le prétexte absolument fallacieux qu’ils et elles seraient des membres ou des sympathisant·es de la NPA.
Les agressions à l’encontre des DDH dans les démocraties et les régimes autoritaires
Il convient de souligner que les pays où la majeure partie de ces assassinats a lieu sont, en fait, des démocraties. Certes, ils sont souvent dirigés par des populistes à tendance autoritaire, mais la plupart d’entre elles et eux ont été élu·es démocratiquement.
À l’inverse, dans les pays totalitaires ou, du moins, fortement autoritaires, comme la Chine, la Russie ou l’Arabie Saoudite, les meurtres de militant·es sont bien moins fréquents. Bien entendu, cela s’explique principalement par le fait que les espaces d’expression publique pour les défenseur·ses des droits humains sont beaucoup plus restreints. Ainsi, en Chine, l’État exerce notamment un contrôle fort sur les libertés de rassemblement et d’expression, qui sont extrêmement limitées, tandis que les activistes peuvent être poursuivi·es en justice au prétexte de motifs vagues, par exemple pour avoir « cherché la bagarre » et « provoqué un désordre ». Autrement dit, à l’inverse des Amériques, il y a bien moins de possibilités de s’organiser et de protester. Par ailleurs, la Chine a été le théâtre, il y a quelques années, d’une répression massive visant les avocat·es, dont un grand nombre ont été arrêté·es, et d’autres radié·es du barreau, si bien qu’il ne reste plus, aujourd’hui, qu’une poignée d’avocat·es à même et disposé·es à défendre les militant·es des droits humains devant les tribunaux.
Dans les pays où la société civile dispose de plus d’espaces pour s’exprimer, les risques sont certes bien présents, mais les défenseur·ses des droits humains sont également plus nombreux·ses et soutenu·es par d’importants réseaux militant·es de partage et d’échange. De par leur nature même, les défenseur·ses des droits humains font preuve d’une résilience et d’une détermination exceptionnelles.
Que faire pour protéger les DDH ?
Front Line Defenders a pour objectif principal de protéger les militant·es, afin qu’ils et elles puissent continuer à se battre pour une société plus juste et plus équitable.
Cette démarche, nous la devons à notre fondatrice et actuelle rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des défenseur·ses des droits humains, Mary Lawlor. Elle a su comprendre que les militant·es de terrain sont les meilleurs vecteurs du changement social, car ils et elles connaissent la situation sur le terrain, sont souvent directement concerné·es par les inégalités, l’exploitation et les discriminations, et savent ce qui doit être fait pour y remédier. Notre mission est de les protéger et de les soutenir, afin qu’elles et ils puissent poursuivre leur travail.
De manière générale, Front Line Defenders cherche à proposer des réponses sur mesure, qui s’appuient sur un éventail d’outils et de programmes adaptés aux besoins des activistes. Nous proposons des consultations et des formations sur la sécurité, afin d’aider les militant·es à dresser la liste des points sensibles dans leur quotidien et dans leur travail. Nous leur proposons des aides financières pour se procurer le matériel de sécurité nécessaire (par exemple, un scanner ou un broyeur papier), afin qu’ils et elles puissent stocker leurs informations en toute sécurité (notamment les informations qui mettent la vie d’autrui en danger), ou encore du matériel pour sécuriser leurs bureaux ou leur domicile, comme des caméras de surveillance ou des systèmes d’alarme. Nous leur apportons une aide technique concernant la sécurité de leurs ordinateurs et téléphones portables, afin qu’ils et elles puissent protéger leurs appareils électroniques contre les logiciels malveillants et les hacker·ses mal intentionné·es, ou au cas où leurs appareils seraient confisqués par les autorités. Nous collaborons avec d’autres organisations de terrain, coordonnons des actions avec des partenaires nationaux et internationaux. En cas de menaces de mort, nous pouvons aider les activistes à déménager en urgence, au sein du pays ou à l’étranger, dans la région ou au-delà, en fonction du niveau de risque. Nous voulons que ces défenseur·ses des droits humains puissent poursuivre leur travail, ce qui implique qu’elles et ils soient sur le terrain, mais il arrive aussi qu’il leur faille échapper à une situation délicate. Enfin, nous avons créé une ligne d’appel d’urgence accessible 24 h/24, et disponible en 5 langues.
Néanmoins, c’est d’abord aux États qu’il incombe de protéger les défenseur·ses des droits humains. Il faut donc que les États reconnaissent, régulièrement et publiquement, la légitimité et l’importance de leur travail, et cessent de le diaboliser comme c’est trop souvent le cas. Ils doivent enquêter sur les crimes commis à l’encontre des activistes et mettre fin à l’impunité qui, comme nous l’avons vu, atteint des sommets tels que les criminel·les sont presque assuré·es d’échapper à la justice. Lorsque des mécanismes nationaux de protection sont en place, il est nécessaire de les financer en conséquence et de les renforcer, afin qu’ils donnent de meilleurs résultats. Quant aux pays qui n’en disposent pas, il est urgent qu’ils s’en dotent.
Quant aux autres intervenant·es locaux·ales, les ambassades étrangères sur le terrain doivent apporter leur aide aux militant·es, notamment dans les pays dont le gouvernement leur est hostile. Les ambassades européennes ont d’ores et déjà adopté un ensemble de principes directeurs ; il faut désormais qu’elles les mettent réellement en œuvre, et que les pays n’ayant pas adopté de telles directives le fassent.
En outre, il incombe également aux entreprises de respecter les défenseur·ses des droits humains, en vertu des Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme. Ainsi, lorsque des menaces ou des agressions liées à leurs activités ou à leurs chaînes d’approvisionnement leur sont signalées, les entreprises doivent prendre des mesures pour protéger les DDH, ce que trop d’entre elles rechignent toujours à faire. Ce qui est regrettable, car les gouvernements nationaux courtisent et, souvent, écoutent ces locomotives économiques à l’influence considérable.
De même, les institutions financières internationales qui financent ces entreprises, les consommateur·rices et les entreprises elles-mêmes ont le devoir d’exiger que soient véritablement respectés les droits humains dans les chaînes d’approvisionnement.
Enfin, il est primordial que les réseaux sociaux réglementent de façon plus stricte les propos injurieux. Ils doivent mettre en place un mécanisme de réponse rapide et concrète aux demandes de suppression des publications et messages hostiles qui mettent les défenseur·ses des droits humains en danger, et contribuer à atténuer les menaces qui pèsent sur elles et eux.
Il y a tant à faire pour changer les choses, et c’est à chacun·e de redoubler d’efforts.