Rio+20 souffre d’un manque de leadership à quelques semaines du Sommet

Par Thalif Deen

, par Other News

Ce texte a initialement été publié en anglais sur Other News, et il a été traduit par Justine Visconti, stagiaire pour rinoceros.

NATIONS UNIES, 27 mars 2012 (International Press Service) - Lors du coup d’envoi à la mi-juin au Brésil, de la conférence événement des Nations Unies sur le développement durable, plus de 120 dirigeants du monde sont attendus au très médiatique débat sur l’avenir de l’environnement global.

« Mais aucun d’eux ne s’est encore démarqué afin d’apporter une vision ainsi qu’une direction à toutes ces discussions qui en ont désespérément besoin », regrette Tim Gore, d’Oxfam International de Londres.

« Ce qu’il nous faut », a-t-il déclaré aux journalistes mardi, « c’est une vision pour l’avenir afin de réorienter l’économie globale vers les besoins des plus pauvres ainsi que d’y répondre en respectant les limites environnementales de la planète ».

« Il n’est pas trop tard pour emprunter cette voie, mais cette vision doit être formulée dès maintenant », affirme-t-il.

Ce sommet intitulé Rio+20, se déroulera du 20 au 22 juin et fait écho à l’historique Sommet de la Terre, également tenu à Rio de Janeiro, il y a 20 ans, en juin 1992.

En plus du manque de leadership politique, la conférence présente également des signes de division à propos d’un projet de document final, un plan d’actions pour l’avenir sur le développement durable et qui devra être adopté par les dirigeants du monde.

Une coalition internationale de plus de 400 ONG provenant de 67 pays se confronte à « un effort systématique et évident de certains gouvernements à supprimer presque toutes les références sur les droits établis à l’eau, à l’énergie, à l’alimentation ainsi qu’au développement ».

Il s’agit de certains des principes fondamentaux convenus lors du premier Sommet de la Terre de 1992, explique la coalition composée d’Oxfam International, de Greenpeace International, de la Confédération Syndicale Internationale (CSI), du Conseil des Canadiens, de Civicus (l’Alliance mondiale pour la participation citoyenne) et des Femmes d’Europe pour un Avenir Commun (WEFC).

À la question s’il existe une confrontation Nord-Sud (riches-pauvres) à propos des négociations sur ce document, Anil Naidoo du Conseil des Canadiens a déclaré à IPS : « Selon moi, les conflits entre les États membres des Nations Unies à propos des négociations portent surtout sur le concept vague d’économie verte ainsi que sur les attaques faites aux droits humains et à l’égalité ».

« Nous voyons que des gouvernements du Nord tels le Canada, les États-Unis, la Nouvelle-Zélande et la Grande-Bretagne tentent de retirer du document les termes faisant référence aux droits humains ainsi qu’à leur garantie. Les peuples les plus vulnérables seraient alors à la complète merci d’une économie verte marchandisée. », a-t-il ajouté.

Dans une lettre adressée au Secrétaire Général Ban Ki-moon ainsi qu’aux 193 membres des Nations Unies, la coalition affirme que de nombreux pays sont opposés au langage normatif et souhaitent que les gouvernements s’engagent à réaliser effectivement ce qu’ils affirment, afin d’être un soutien en principes et en actes en tant que porteurs des droits humains.

Ces engagements correspondent à la mise à disposition de la finance, de la technologie et d’autres moyens de mise en œuvre, afin de soutenir les efforts réalisés pour le développement durable dans les pays en développement.

D’un autre côté, d’après cette lettre qui est également adressée au Secrétaire Général de la conférence, le Sous-secrétaire Général chinois Sha Zukang, les investissements et initiatives du secteur privé sont fortement encouragés afin de combler le vide laissé par le secteur public.

« Le risque est de privatiser et de marchandiser des biens communs tels que l’eau, ce qui mettrait alors en danger leurs accès physique et économique, éléments fondamentaux pour de tels droits », indique-t-elle.

Bien que les outils économiques soient essentiels afin de mettre en application les décisions en faveur de la soutenabilité, de la justice sociale et de la paix, cette lettre met en garde sur le fait que la logique de l’économie privée ne devrait pas prévaloir sur la satisfaction des besoins humains ainsi que sur le respect des limites de la planète.

La coalition demande, en outre, la mise en place d’un un cadre institutionnel et d’une réglementation solides car « des marchés faiblement réglementés se sont déjà révélés être une menace non seulement pour les peuples et la nature, mais également pour les économies et les États-nations eux-mêmes ».

Selon la lettre, les marchés devraient travailler pour les peuples et non le contraire.

Naidoo a déclaré à IPS : « Comme nous l’avons remarqué dans notre combat pour les droits humains à l’eau et à l’assainissement, la plus grande résistance à leur respect provient de pays tels que le Canada, les États-Unis, la Nouvelle-Zélande et de certains pays européens tels que la Grande-Bretagne. »

Il signale que cette situation permet alors aux entreprises de ces pays de s’implanter dans des zones où les plus vulnérables n’accèdent alors à aucune protection.

« C’est totalement inacceptable », affirme-t-il.

Selon lui, le conflit autour de l’« économie verte » est clairement lié au désir de certains gouvernements du Nord et de quelques-uns du Sud de promouvoir un marché et un système financiarisé pour la nature elle-même.

« S’ils y parviennent et suppriment également les droits humains, les peuples les plus vulnérables ainsi que l’environnement risquent d’être sérieusement meurtris à travers Rio+20. Cette conférence ne serait alors qu’une mise en scène », déclare-t-il.

Lors de son intervention durant la Journée Mondiale de l’eau, Catarina de Albuquerque, une experte des Nations Unies sur l’eau et l’assainissement, s’est plainte que certains États, dont le Canada et la Grande-Bretagne, « envisagent apparemment la suppression d’une référence explicite au droit à l’eau et à l’assainissement de la première version du document ».

Elle a déclaré que chaque pays devrait reconnaître ce droit pour tous, et plus important, « qu’ils ne peuvent pas revenir sur leur décision ».

Les 193 membres de l’Assemblée générale des Nations Unies ont adopté une résolution qui reconnaît ce droit en juillet 2010.

Maude Barlow, Présidente nationale du Conseil des Canadiens, a déclaré à IPS que « oui, le Canada fait partie des pays qui s’organisent pour supprimer la référence au droit humain à l’eau et à l’assainissement du document en préparation de Rio+20 ».

« Les Canadiens en ont honte, mais leur pays refuse toujours de reconnaître ces droits même si l’Assemblée générale des Nations Unies ainsi que le Conseil des droits de l’Homme les ont clairement reconnus et, en tant qu’État membre des Nations Unies, le Canada y est lié », explique-t-elle.

Barlowe signale que le Canada a joué un rôle très négatif lors du Forum Mondial de l’eau, tenu à Marseille il y a deux semaines. Il a, en effet, contribué à affaiblir le langage faisant référence à ces droits dans la déclaration ministérielle qui a été prononcée à la fin de ce sommet.

Le Canada a récemment tenté de supprimer d’importants termes faisant référence aux droits humains d’un document clé de l’Organisation pour l’Alimentation et l’Agriculture destiné à garantir de nombreux droits humains en lien avec la terre, l’alimentation et le logement (Directives Volontaires pour une Gouvernance Responsable des Régimes Fonciers applicables aux Terres, aux Pêches et aux Forêts dans le Contexte de la Sécurité Alimentaire Nationale).

« Et n’oublions pas, bien sûr, son retrait du Protocole de Kyoto (sur le changement climatique) ainsi que la perte de toute notion selon laquelle les pays riches ont le devoir envers les pays pauvres de reconnaitre le besoin de justice climatique », affirme Barlowe, ancienne Conseillère principale sur l’eau du Président de l’Assemblée générale des Nations Unies.

Elle a signalé qu’avec l’actuel gouvernement de Stephen Harper, le Canada a désormais pris sa place de « force leader en régression » en ce qui concerne la recherche de justice pour l’alimentation, l’environnement, le climat et l’eau dans le monde.

« Chez lui et à l’international, le pays place alors les profits et les gains personnels avant les droits humains et environnementaux, faisant faire un retour en arrière au monde », a-t-elle ajouté.