Sensibiliser, former, mobiliser les habitants pour faire valoir leurs droits

La Maison des femmes de Montreuil : Vers l’exercice de leurs droits

, par Juristes Solidarités

L’article a été écrit par Juristes-Solidarités, à partir d’un rencontre avec Isabelle Colet (Maison des femmes de Montreuil).

Bannière du site de la maison des femmes de Montreuil
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Dans les années 1970, les mouvements féministes donnent naissance en France aux Maisons des femmes. Au nombre de dix, chacun de ces espaces, constitués en associations, poursuivent un objectif commun : favoriser l’autonomie, l’épanouissement des femmes et l’exercice de leurs droits.

A Montreuil, La Maison des Femmes a été fondée en 2000 par Thérèse Clerc, militante du Mouvement de Libération de l’Avortement et de la Contraception (MLAC), dans la perspective de renouer avec la combativité des mouvements des femmes des années 70-80.

Composée de cinq salariés et d’une douzaine de bénévoles, la Maison des Femmes de Montreuil (MdFM), privilégie une approche pluridisciplinaire afin de favoriser l’accès au droit des femmes. Dans cet espace d’accueil convivial, les femmes peuvent bénéficier d’une permanence juridique. Des activités à vocation aussi bien culturelle que sociale leur sont proposées. La Maison des Femmes de Montreuil se définit également comme un lieu ressource, un espace de formation et de sensibilisation.

Des activités pour l’autonomie des femmes

Différentes activités sont mises en place à destination des femmes, accueillies quelque soit leur âge et leur origine. Des ateliers d’échanges de savoir, de pratique artistique et d’écriture visent à rompre leur isolement, en créant un espace de rencontre, de partage et d’expression. Une activité spécifique à l’insertion professionnelle est proposée, à travers un accompagnement individuel à l’accès à l’emploi couplé de travaux en groupe. Techniques de recherche d’emploi, découverte d’entreprise et de métiers…, autant d’aspects de l’insertion professionnelle abordés à cette occasion. Traité dans un objectif de revalorisation et de réappropriation de soi, ce module permet aux femmes de réfléchir à leurs choix de vie. Un atelier de savoir linguistique mis en place pour les femmes migrantes s’inscrit dans la même lignée : à travers l’apprentissage du français, l’enjeu est de développer leur capacité d’insertion et leur autonomie.

Les groupes de parole, passage de l’individuel au collectif

Dans le cadre des groupes de paroles, il s’agit de permettre aux femmes de s’exprimer librement, de verbaliser leurs difficultés afin d’identifier les problèmes auxquels elles sont confrontées et d’envisager des solutions adaptées à leur situation.
C’est également l’occasion d’aborder la question de la culpabilité, sentiment particulièrement fréquent chez les femmes victimes de violences, afin d’entamer un processus de déculpabilisation.

Co-animés avec le Mouvement français pour le planning familial, ces groupes rassemblent les femmes autour de problématiques communes : un groupe est ainsi réservé aux jeunes filles de onze à dix-sept ans, un autre réunit des femmes victimes de violences.
Dans le cadre de ces groupes de parole, il s’agit, à travers une grille de lecture féministe, de permettre aux femmes de dépasser la dimension individuelle de leur problème. Mouvement de bascule vers le collectif, cette mise en contexte élargie de la situation situe la femme sur un autre plan. En appréhendant une autre réalité - la réalité collective – de nouvelles perspectives d’action peuvent être envisagées. Le droit prend alors toute son importance.

Une permanence juridique pour accompagner les femmes dans leurs démarches

La permanence juridique de la Maison des Femmes vise à faire le lien entre droit et féminisme. Les femmes y trouvent des conseils gratuits sur des questions variées telles que l’emploi, la santé, le logement, ou encore les relations avec les administrations. En revanche, la Maison des Femmes n’a pas vocation à intervenir dans les cas de violences faites aux femmes. C’est à l’un des Point Accès au Droit de la Ville de Montreuil, dans le cadre de permanences tenues par le Centre d’Information du Droit des Femmes et de la Famille (CIDFF) et l’Association SOS victimes, auquel les femmes doivent s’adresser.

Cependant, la Maison des Femmes est souvent sollicitée dans le cas de violences, tout particulièrement depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance de protection, mesure prévue dans la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfant. Cette ordonnance permet au juge de prendre des mesures d’urgence visant à protéger la victime de violences telles que l’éviction du conjoint violent et le relogement hors de portée du conjoint en cas de départ du domicile conjugal. Cette loi consacrant notamment le rôle des associations dans l’accompagnement de la personne protégée pendant la durée de l’ordonnance de protection, l’appui de la Maison des Femmes est particulièrement demandé. De plus, face au nombre croissant de demandes en matière de violences, faute de moyens alloués à la mise en œuvre de cette mesure, les services juridiques consacrés à l’accompagnement des victimes de violences sont surchargés. La Maison des Femmes intervient donc de plus en plus dans les cas de violences bien que ce ne soit pas sa vocation première.

ace à cette situation, la Maison des Femmes mène actuellement un travail de réflexion sur son projet associatif. Faut-il se recentrer vers le travail d’accompagnement juridique général tel que défini au départ ? Ou se spécialiser sur le soutien aux femmes victimes de violences ? Il s’agit aujourd’hui de s’interroger sur ses missions prioritaires.

Construire un dialogue avec les pouvoirs publics

Au regard de la carence des dispositifs institutionnels et du nombre réduit de lieux d’accueil et de moyens mis à disposition pour protéger les femmes victimes de violences, l’ordonnance de protection fait l’objet d’un diagnostic sur le travail et les compétences nécessaires à sa mise en œuvre auquel participe la Maison des Femmes.

Par ailleurs, l’association fait remonter aux pouvoirs publics et aux institutions concernées les dysfonctionnements qu’elle observe sur le terrain. Ainsi, un travail a été mené avec le sous-préfet de Seine-Saint-Denis au sujet de l’accueil dans les commissariats des femmes victimes de violences. Alors que la notion de faute reste prégnante dans un système où les fonctionnaires de police ne sont pas formés à appréhender ce type de situation, comment les femmes peuvent-elles oser s’exprimer librement lorsqu’elles portent plainte ?
Si l’expertise de la Maison des Femmes est sollicitée par les pouvoirs publics, elle se heurte toutefois à la lenteur de la mise en place de ce processus de transmission d’informations et d’échanges, auquel certaines institutions sont parfois réticences.

La sensibilisation, un enjeu de taille pour lutter contre le sexisme

Seulement 4 % des dénominations de rues de Paris et 9 % des rues en France font référence à des femmes. Voiler les noms de rues et les remplacer par des noms de femmes, voilà un exemple d’action militante entreprise à Paris pour sensibiliser les habitants à la question du manque de visibilité des femmes dans l’espace public. Des campagnes de sensibilisation sont également mises en place, notamment autour de la prise de conscience des femmes de leurs droits.

Par ailleurs, pendant plusieurs années, la Maison des Femmes de Montreuil a mené dans certains établissements des séances de sensibilisation en milieu scolaire, milieu dans lequel nombre d’études dont celle de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité (HALDE), montre que le sexisme perdure, notamment à travers les manuels scolaires. Aujourd’hui, l’association a cessé d’intervenir auprès des élèves pour mener, depuis 2010, une réflexion avec le groupe de travail du Centre Hubertine Auclert, centre francilien de ressources pour l’égalité femmes-hommes. L’objectif est de mettre en place, en sollicitant les structures qui interviennent en milieu scolaire, une stratégie de sensibilisation des élèves qui soit globale et pérenne et ne se limite pas à des temps de sensibilisation ponctuels. Comment y introduire la question féministe, alors que des modules ayant trait à l’égalité hommes-femmes sont en théorie intégrés aux programmes scolaires, mais qu’aucun moyen, à commencer par la sensibilisation des professeurs, n’est mis en œuvre pour qu’ils soient enseignés ?

Ainsi, la Maison des femmes de Montreuil tend à favoriser l’autonomie des femmes à travers une pluralité d’actions aussi bien juridiques que sociales. Parallèlement, le dialogue qu’elle mène avec les institutions ainsi que ses activités militantes permet à l’association de contribuer aux débats publics en y apportant une lecture féministe.