En Turquie, des salarié·es font tomber le masque d’un grand groupe cosmétique

Une initiative sur le devoir de vigilance

, par Agenda de la Solidarité Internationale

Chaque mois, à travers une thématique, l’agenda de la solidarité internationale propose de revenir sur deux initiatives portées par des associations, citoyen·nes, ONG, etc. pour comprendre les grandes problématiques internationales, montrer le pouvoir des mobilisations et donner des envies d’engagement.
Nous vous offrons donc, tout au long de l’année, des extraits de notre agenda.
En mai, la lumière est mise sur le devoir de vigilance.

Mobilisation devant l’usine. © Eros Sana/Action Aid

Tout a commencé en mars 2018 à une soixantaine de kilomètres d’Istanbul. Alors que les prix ne cessent d’augmenter en Turquie, les ouvrier·es de l’usine Kosan Kozmetik, qui gagnent en moyenne 230 euros par mois, adhèrent au syndicat Petrol-İş pour négocier une augmentation.

Après tout, les vernis à ongles et autres produits cosmétiques qu’ils et elles produisent pour la marque Flormar se vendent bien, partout dans le monde ! Mais la direction de l’usine ne l’entend pas de cette oreille… En quelques jours, la plupart des personnes syndiquées sont licenciées ou poussées à la démission.
Les 132 personnes exclues ne se résignent pas à leur sort. Malgré les descentes régulières de la police, qui éteint la musique et confisque les banderoles, le mur et les barbelés installés pour les empêcher de communiquer avec leurs anciennes collègues, etc., les manifestations se poursuivent tous les jours devant l’usine. En août de la même année, elles décident d’interpeller le groupe français Rocher, à qui la marque Flormar appartient depuis 2012.

C’est alors que la solidarité internationale s’organise. La rencontre d’une délégation d’ouvrières avec une représentante du groupe n’aboutissant à aucun engagement, la fédération Global IndustriALL Union, le Comité de soutien aux grèves et résistances turques et kurdes, SumOfUs et ActionAid France décident, avec d’autres, d’interpeller la multinationale.

Plus de 180 000 personnes signent les pétitions. Les actions se multiplient devant le siège du groupe et ses magasins, des articles paraissent dans la presse… Le 7 mars 2019, à la veille de nouvelles actions de soutien en France, la multinationale annonce qu’un accord a enfin été négocié. Les ouvrier·es syndiqué·es recevront des indemnités substantielles, mais ne seront pas réintégré·es dans l’usine où toute négociation collective reste donc impossible !

C’est pourquoi la mobilisation se poursuit en Turquie et en France, sur un autre terrain. Le syndicat Petrol-İş et d’anciennes ouvrières de l’usine étudient la possibilité d’un recours en justice en 2021 – qui se poursuivra en 2022 – pour obtenir le respect effectif de la liberté syndicale dans les différentes entités du groupe.