Depuis le 19è siècle, la république Centrafricaine, parce que son territoire est fertile et riche en ressources naturelles (pétrole, minerais, etc.), est l’objet de convoitises et de jeux d’influences, notamment de la part de puissances internationales. Cette ancienne colonie française est, pour ces raisons, le théâtre d’instabilité politique et de violences, au détriment des populations qui s’enfoncent dans la pauvreté. La tutelle économique ou politique perdure bien après la colonisation, et va aujourd’hui au-delà d’une ingérence française avec l’entrée en lice de puissances régionales.
La décolonisation et le règne de Bokassa
A la fin de la deuxième guerre mondiale, la situation géopolitique évolue et la décolonisation entre en marche. L’indépendance du pays est incarnée par Barthélémy Boganda, prêtre catholique, qui périt dans un accident dont les causes restent inexpliquées.
Jean Bédel Bokassa arrive au pouvoir en 1966 et met en place un régime qui s’inscrit dans la lignée des régimes dictatoriaux africains de l’époque instaurant un Etat prédateur et répressif. Bien que mal accepté par Paris à son arrivée au pouvoir, les autorités françaises le soutiennent jusqu’en 1979. A cette date, le régime de Bokassa devient de moins en moins recommandable. Paris orchestre alors sa chute.
Après divers rebondissements politiques, André Kolingba, chef d’État-major de l’armée centrafricaine, met en place une oligarchie où la contestation sociale et politique grandit entre 1986 et 1991.
Violences sous l’ère Patassé : rivalité pour le pouvoir et rivalité ethnique
Suivant le courant de démocratisation amorcée lors du sommet de la Baule en 1992, les premières élections multipartites ont lieu la même année : Ange-Félix Patassé du Mouvement de Libération du Peuple Centrafricain (MLPC) est élu président pour un mandat de six ans. En 1995, une nouvelle Constitution est adoptée par le Parlement qui prévoit la mise en place d’une politique de décentralisation.
Le pays est marqué par la rivalité entre Patassé et Kolingba. Le premier est originaire du Nord. Le deuxième représente les gens du fleuve.
En 1996-97, des mutineries de soldats éclatent à Bangui et dégénèrent en conflits interethniques désorganisant la vie économique, politique et sociale. Patassé maintient son pouvoir en finançant des forces spéciales, agents de sécurité privés et milices personnelles, qui se rendent coupables de graves exactions. Les forces françaises interviennent, suivies d’une force d’interposition africaine, puis de l’ONU. En septembre 1999, Patassé est réélu pour six ans au premier tour d’un scrutin contesté. La situation économique du pays est précaire, l’instabilité politique se poursuit.
Kolingba lance un coup d’Etat en mai 2001 provoquant par riposte la mort arbitraire de près de 300 personnes principalement les membres de son ethnie (les Yakoma). Bozizé, chef d’Etat-major des FACA (Forcées Armées Centrafricaines), accusé d’en être l’auteur caché, se réfugie avec ses partisans au Tchad. Cet « asile » tchadien provoque de vives tensions entre les deux pays. Depuis son exil, Bozizé déclenche un deuxième soulèvement à Bangui, réprimé dans le sang par Patassé, avec les appuis libyens et congolais. Patassé affaibli, lâché par la France et ses alliés dans la région, devra laisser la place à son rival.
Le régime Bozizé : un pouvoir sous influences dans un pays encore instable
En mars 2003, une coalition composée du Tchad, du Congo-Brazzaville, du Congo-Kinshasa, permet à Bozizé de s’emparer de Bangui. L’emprise du Tchad dans le domaine sécuritaire centrafricain est totale. Se proclamant président de la République, Bozizé annonce une transition consensuelle. Bozizé promet un processus de normalisation politique pour le retour à la démocratie avec des élections démocratiques et multipartites.
Lors de l’élection présidentielle de mai 2005 Bozizé est élu à 64.6 % et son parti Convergence Nationale remporte 42 des 105 sièges à l’Assemblée nationale. Il promet la formation d’un gouvernement d’union nationale pour « la République centrafricaine », pays sinistré dont l’espérance de vie est tombée en dessous de 40 ans en 2005 et où 95% de la population vit sous le seuil de pauvreté d’un dollar par jour (contre 67 % en 2000).
Le pouvoir reste concentré autour de Bozizé. En 2006-2007, deux foyers d’insurrection sont réactivés, au nord-ouest fief de l’ex-président Patassé et au nord-est sous l’influence du conflit du Darfour. Sur ce territoire, très éloigné du pouvoir de Bangui, sans voie de communication, les relations entre populations soudanaises et centrafricaines s’enveniment face à un Etat défaillant. Un mouvement rebelle centrafricain émerge : l’Union des Forces Démocratiques pour le Rassemblement (UFDR) [1]. L’origine de ce mouvement est floue : pour certains, il est proche de Khartoum pour d’autres, il est issu de rebellions endogènes, notamment d’anciens compagnons de Bozizé. Birao est prise en octobre 2006 : l’armée centrafricaine fera appel aux soldats français pour reprendre la ville. La pacification du territoire ne tient qu’aux soutiens libyen, tchadien et français qui redoutaient que Bangui ne tombe sous l’influence du Soudan.
Le pays connaît une période extrêmement agitée avec les assauts répétés des rebelles de l’UFDR (Union des forces démocratiques pour le rassemblement) dans le Nord-Est. Liée par un accord de défense à la Centrafrique, la France intervient militairement à deux reprises (en novembre 2006 et mars 2007) pour suppléer à des forces armées locales totalement dépassées.
La région du Nord-Ouest, victime d’une situation humanitaire difficile (200 000 personnes déplacées) subit, en outre, les conséquences de la crise du Darfour et notamment l’afflux de réfugiés fuyant les combats.
En 2007 un processus de pacification aboutit aux accords de Birao en avril puis, un an plus tard, à la signature d’un accord de paix avec l’APRD (Armée populaire pour la restauration de la démocratie, important mouvement du nord-ouest du pays) [2]. Le pays traverse une période de relative accalmie, tandis que les relations avec Paris semblent se compliquer sur fond d’intérêts pétroliers. En effet, le monopole du groupe Total dans la distribution du carburant semble menacé par un projet de nationalisation.
L’année 2008 est marquée par la réconciliation nationale : le 21 juin à Libreville, est signé un "accord de paix global" entre le gouvernement, l’UFDR et les rebelles de l’APRD. En décembre le Forum sur la paix de Bangui réunit quelques 200 délégués, acteurs politiques et représentants de mouvements rebelles et assiste à la réconciliation entre Ange-Félix Patassé et le général François Bozizé. A cette occasion est créée la Commission vérité et réconciliation et un premier processus de désarmement, de démobilisation et de réinsertion (DDR) des ex-rebelles est mis en place.
En janvier 2009, Bozizé nomme Faustin-Archange Touadéra premier ministre, son gouvernement intègre des membres de l’opposition non armée, mais aussi d’ex-rebelles.
En 2010, après le report des élections, c’est encore Bozizé qui se maintient au pouvoir en emportant 66,1 % des suffrages devant Ange-Félix Patassé (20,10 %) qui décède en avril, tandis que son parti conserve la prépondérance à l’Assemblée nationale. L’opposition se sent flouée reprochant à Bozizé de ne pas respecter les accords de paix visant une gouvernance d’unité nationale.
Le gouvernement de Bozizé est caractérisé par une hypercentralisation qui délaisse et met à l’écart des régions entières du pays, notamment à l’est.
L’absence du contrôle de l’Etat dans les régions enclavées, l’armée extrêmement faible et la porosité des frontières permettent l’intrusion de bandes armées venues des pays voisins (Tchad, RDC). Des exactions de miliciens ou des luttes entre ces groupes qui se disputent les ressources mènent à une escalade de la violence. Ces forces marginalisées vont se structurer en un groupe politique rebelle qui renverse le pouvoir par un coup d’Etat en 2013.