Une vie politique marquée par une tension exacerbée entre le Parti démocratique d’Albanie (PDA) et le Parti socialiste d’Albanie (PSA)
L’Albanie a progressé dans son développement démocratique depuis qu’elle a organisé pour la première fois des élections multipartites en 1991, mais des lacunes persistent. La plupart des élections postcommunistes en Albanie ont été entachées d’allégations de fraude électorale. Depuis 1991 et l’ouverture au multipartisme, la vie politique albanaise est marquée par une forte bipolarisation qui oppose le Parti démocratique d’Albanie (PDA), à droite sur l’échiquier politique, et le Parti socialiste d’Albanie (PSA), héritier du régime communiste et de son Parti du Travail d’Enver Hoxha.
La longue impasse politique de 2009 à 2012 a laissé des traces : refusant les résultats qui le donnaient perdant aux élections législatives de 2009, le Parti socialiste (PSA) a boycotté les travaux parlementaires durant plusieurs mois, tandis que de nombreuses manifestations étaient régulièrement organisées par ses militants. En janvier 2011, cette crise atteint son apogée à l’annonce d’un scandale de corruption impliquant le Premier ministre Ilir Meta (PDA). L’opposition, menée par Edi Rama (PSA), maire de la capitale, appelle à manifester et une violente répression du mouvement fait quatre morts et des dizaines de blessés.
Depuis, chaque élection, locale ou nationale, est le théâtre de violences, de pressions, d’intimidations et de fraudes. En 2011, les résultats des élections locales pour la ville de Tirana (la capitale) sont révélés deux mois après le vote, deux mois durant lesquels chacun des deux camps, PDA ou PSA, accuse l’autre de fraude. En 2012, l’élection du président de la République, élu par l’Assemblée parlementaire, est de nouveau l’occasion pour ces deux formations de montrer leur incapacité à s’entendre, alors que la communauté internationale les presse de nommer un président de consensus. Enfin, les législatives de 2013 révèlent de nouveaux cas d’irrégularités, de la part des deux principaux partis : pressions exercées sur les fonctionnaires, système d’achat de voix, violences entre militants, inexistence de moyen de recours en cas de plaintes pour fraude, influence politique au sein des médias… Le soir des élections, chaque camp revendique la victoire, qui est finalement attribuée au PSA. Edi Rama, son dirigeant et ancien maire de la ville de Tirana, est ainsi nommé Premier ministre en septembre 2013.
En 2017, les élections législatives et présidentielles ont lieu dans un contexte de crise et de tensions avec des manifestations émaillées de violences réclamant le départ du Premier ministre Edi Rama. L’impasse politique provoquée par la démission des partis de droite ne permet pas aux électeurs de faire un véritable choix dans leur vote. Le Parti socialiste d’Edi Rama au pouvoir est réélu avec une majorité accrue.
Aux élections législatives d’avril 2021, le nouveau Parti socialiste d’Albanie (PSSH) remporte la majorité absolue des sièges avec 48,68 % des voix. La campagne est cependant marquée par le détournement massif de données personnelles d’électeur·rices qui auraient été utilisées, par le parti socialiste, pour influencer le scrutin [1].
Une population méfiante envers les institutions depuis la crise de 1997
Ce contexte particulièrement tendu n’aide pas la population albanaise à recouvrer la confiance envers les institutions politiques, perdue depuis de nombreuses années, et le point de rupture de 1997, lors du scandale des « pyramides financières » : en quelques semaines, cinq familles albanaises sur sept se retrouvent ruinées après la faillite de plusieurs sociétés d’épargne qui fonctionnaient sur le modèle de la pyramide de Ponzi, un système financier frauduleux [2]. Pris de court, le gouvernement est incapable de réagir et le pays plonge dans le chaos : les émeutes et pillages durent plusieurs semaines de sorte que les forces de l’ordre perdent rapidement tout contrôle dans de grandes zones du sud du pays et désertent en masse. De nombreuses réserves d’armes sont pillées, favorisant l’émergence de groupes criminels puissants, qui profitent de la situation d’embargo au Kosovo pour faire fructifier le trafic d’armes. Les ambassades organisent l’évacuation de leurs ressortissants, tandis que les Albanais fuient massivement vers les frontières. Selon les estimations, ces émeutes provoquent la mort de 2 000 personnes et l’exode de 33 000 autres, principalement vers la Grèce et l’Italie. Le président albanais Sali Bersiha, du PDA, organise alors des élections législatives anticipées sous la pression de la communauté internationale et quitte le pouvoir après la victoire du Parti socialiste. Ces semaines - voire ces mois - de chaos laissèrent des traces indélébiles dans l’esprit des Albanais qui, seuls, durent faire face à l’incompétence et l’inaction de leurs dirigeants.