Le monde fait face à une hausse des températures sans précédent, à une crise mondiale des inégalités et à une "crise du coût de la vie", conséquences de la recherche permanente du profit par le système économique actuel, qui se heurte aux limites écologiques inéluctables et au conflit géopolitique. La "nouvelle norme" post-COVID a détérioré la situation sociale, économique, écologique et géopolitique : aggravation de l’effondrement environnemental, insécurité alimentaire et pénurie d’eau, militarisation de la vie, crise mondiale de la prise en charge de santé. Les autoritarismes s’en voient renforcés, ainsi que l’accumulation des richesses et du pouvoir des élites. La technologie déferle sur la vie de tous les jours sans cadre réglementaire... Tout cela, conséquence du capitalisme, du patriarcat et du colonialisme...
Il nous faut construire rapidement une économie qui fonctionne pour les peuples et pour la planète, s’affranchir des systèmes d’extraction et d’exploitation sans limites, pour aller vers des systèmes de soin et de réparation.
Il n’y a pas de temps à perdre : les vies et les moyens de survie des millions de personnes du Sud global sont déjà en train d’être sacrifiés. Les écosystèmes s’approchent du point de non retour. Un changement profond et systémique devient urgent, avec de réelles politiques intégrales qui ouvrent la voie vers la reconnaissance de la nature profondément interconnectée de la crise que nous sommes en train de vivre. Ce processus de transition ne peut pas se réduire au Nord global ou être construit sur le dos d’une nouvelle vague d’extraction ou d’exploitation du Sud global. La communauté mondiale doit reconnaître le fait qu’afin d’éviter un écroulement catastrophique du climat, il est vital de se centrer sur les besoins des communautés qui sont en première ligne et de celles des systèmes naturels de la terre. Il est également crucial de reconnaître que c’est l’économie mondiale qui crée les inégalités qui réduisent une partie des communautés les plus pauvres de la planète à subir le pire des effets d’une crise qu’elles n’ont pas contribué à créer.
Cela ne pourra être possible que quand les pays riches reconnaîtront leur responsabilité historique dans ces crises, et qu’ils assumeront leur juste part, et que la communauté internationale travaillera dans la coopération et la solidarité, afin de s’assurer que chacun·e ait droit à une vie digne.
A travers ce dossier, nous explorerons les principales contradictions, les tensions et les ouvertures entre les exigences d’un New Deal Vert dans le Nord global, et les exigences de justice climatique dans le Sud global. Il évaluera également de manière critique les alignements que les activistes du Nord global devraient investir, en tant qu’allié·es.
Depuis l’Accord Éco-social du Sud jusqu’au New Deal agraire tunisien, de la Transition Juste jusqu’à la Déclaration de Managua, depuis la Plateforme Féministe pour un New Deal Vert jusqu’à l’Accord Rouge, de nombreuses propositions ont vu le jour pour articuler des politiques publiques à même de construire des alternatives post-extractives et des sociétés climatiquement justes. Le New Deal Vert Mondial (GGND) s’ancre dans le large éventail de travaux visionnaires que portent ces alternatives.
Quel est le fil conducteur de ces diverses propositions et visions ? Le New Deal Vert Mondial est, en définitive, une histoire de possibilités. Nous faisons face à une crise mondiale systémique, mais cette crise est également une opportunité pour faire s’entre-croiser des réflexions pour rendre notre monde plus juste et plus durable. C’est une opportunité pour re-façonner nos systèmes à travers des mesures internationales pour améliorer les vies des gens dans le contexte d’une crise climatique critique. Avec des investissements verts et égalitaires massifs, il est possible d’améliorer les soins de santé et l’éducation, de créer des emplois dignes, de protéger les vies précaires et d’apporter plus de bien-être à tou·tes.
Le New Deal Vert Mondial est un faisceau d’initiatives plurielles et expérimentales qui reconnaît la valeur intrinsèque de la diversité des perspectives et des voix des plus marginalisé·es. Le monde est vaste et complexe, et il faudra différentes approches pour chaque contexte géographique. En ce sens, un New Deal Vert Mondial parie sur la reconnaissance de la valeur d’une multiplicité de possibilités et d’initiatives créatives qui abordent les mêmes défis : une sorte de tricotage de différentes visions afin de créer une tapisserie cohérente.
War on Want et son réseau de partenaires appellent à un New Deal Vert qui propose une justice sociale, économique, raciale et écologique, en réorientant nos économies vers la protection des personnes et de la planète. En synthétisant les nombreux défis et exigences des mouvements du Nord et du Sud globaux qui doivent conformer un New Deal Vert Mondial réellement exhaustif et internationaliste, nous avons identifié quatre questions clé auxquelles doivent répondre les mesures prises au nom de la lutte contre la crise climatique. Ces quatre questions proposent des critères clairs qui font émerger les réelles actions pour la justice climatique :
- Ces mesures permettent-elles de rester sous la barre des 1,5°, et tout le monde fait-il sa part juste dans les efforts à fournir ?
- Répondent-elles à la lutte contre les inégalités et contre la pauvreté ?
- Permettent-elles de s’épanouir dans le cadre des limites planétaires ?
- Extirpent-elles les injustices historiques et les systèmes d’oppression, et construisent-elles une société fondée sur le soin et la réparation ?
Dans le cadre de ces efforts pour répondre positivement à ces quatre principes clés, le principe central du New Deal Vert Mondial est qu’un rétablissement de la crise climatique doit garantir le droit de tous les êtres vivants à vivre dignement, et ce en s’attaquant aux causes systémiques de la pauvreté, des inégalités, et de l’effondrement écologique. Cela implique donc d’aborder la responsabilité historique du Nord global tout en développant des perspectives pour une récupération juste et équitable, qui respecte les limites de notre planète et les systèmes écologiques.
Le New Deal Vert Mondial doit faire partie d’un processus qui ouvre la voie vers un paradigme très différent et un mode de pensée et d’être au monde différent. C’est une théorie de la lutte et un projet de construction du monde. Cela commence par la compréhension de ce qu’est le pouvoir du mouvement, comment le construire et comment arracher le pouvoir à ceux qui le détiennent actuellement. Un New Deal Vert Mondial est une tentative politique de passer des revendications aux investissements pour s’attaquer aux crises systémiques les plus profondes et pour construire une économie durable et centrée sur le bien-être. Il est conçu comme une proposition politique concrète à même de galvaniser une coalition puissante et diverse capable de la porter.
S’il s’abreuve à différentes sources, le New Deal Vert Mondial répond fondamentalement à deux principes centraux : le courage et la connexion.
Courage : Ré-imaginer l’économie à une échelle planétaire. Le New Deal Vert Mondial est une métaphore de l’ambition de faire face à la crise écologique dans toute son ampleur, et d’avoir le courage de ré-imaginer l’économie à une échelle planétaire. Il vise l’audace, orientant les politiques publiques sociales et économiques vers le défi environnemental mondial. Il rejette les approches fragmentaires des crises systémiques ; il proclame une vision, non seulement de ce que l’on ne veut pas, mais surtout de ce que nous appuyons. C’est une tentative d’imaginer à quoi notre monde pourrait ressembler.
Connexion - Une Vie Digne pour Tous·tes : l’objectif du New Deal Vert Mondial est de garantir une vie digne et pleine pour tous·tes. De manière transversale aux piliers et propositions du New Deal Vert Mondial, on retrouve le désir d’améliorer la santé et le bien-être pour tout le monde. Tout ce qui ne va pas dans l’économie n’est pas la conséquence de choix individuels : c’est un système qui doit être transformé.
Dans ce présent dossier, vous retrouverez différentes perspectives, luttes, propositions, et approches du New Deal Vert Mondial, qui recoupent ses différents piliers : une transition énergétique juste en Colombie et au Chili, la justice fiscale comme outil pour la justice raciale, la souveraineté alimentaire au Maroc, une transition juste pour l’industrie de la mode, une exigence vibrante pour les réparations, des tentatives pour transformer l’économie mondiale, la remise en cause du Traité sur la Charte de l’énergie, et des propositions pour aller vers des futurs post-extractifs.