Serait-ce un crime ?

Le projet américain de loi sur le changement climatique est mort alors que la vie sur notre Terre disparaît peu à peu

, par BANERJEE Subhankar

 

Ce texte, publié originellement en anglais par ClimateStoryTellers.org, a été traduit par Maël Le Loup, traducteur bénévole de rinoceros.

 

Dédicace : je dédie ce récit à ma femme Nora qui m’a fait découvrir, sur un Cylindropuntia, un nid de Moqueur à bec courbe – le premier que j’ai vu – et qui m’a accompagné sur les chemins qui ont rendu cette histoire possible.

Imaginez que vous viviez à New York et que vous vous réveilliez un beau matin pour découvrir que 90% des immeubles de plus de cinq étages ont été détruits. Vous auriez certainement du mal à trouver des mots à même de décrire le désastre, mais je suis sûr que vous vous promèneriez au milieu des décombres pour trouver un sens à cette catastrophe.

Une situation semblable s’est produite à proximité de Santa Fe, dans le Nouveau-Mexique, où je réside actuellement. Entre 2001 et 2005, une étude aérienne des 2,6 millions d’hectares que compte l’État a été réalisée. Quelque 330 000 hectares affectés ont été localisés et l’on a découvert que pendant cette période l’Ips Confusus, un minuscule scolyte de la famille des coléoptères, a exterminé 54,4 millions de pins à pignons (piñons), l’arbre mascotte de l’État du Nouveau-Mexique. Dans de nombreuses zones du nord de l’État – dont Santa Fe, Los Alamos, Española et Taos – 90 % des piñons adultes sont désormais morts.

Dans des conditions climatiques ordinaires, les scolytes vivent en harmonie avec leur environnement et pondent leurs œufs dans les arbres morts ou atteints de maladie. Cependant, quand des arbres en bonne santé souffrent d’une sécheresse grave et prolongée, ils deviennent à leur tour l’objet des attaques des scolytes. Ceux-ci percent l’écorce pour pondre leurs œufs dans des galeries, tuant ainsi progressivement leurs hôtes. Les températures hivernales adoucies permettent à présent à la majorité des scolytes de survivre à l’hiver, et les températures estivales plus chaudes ont réduit leur cycle de vie de deux ans à un an seulement. Cela explique pourquoi les populations de scolytes ont augmenté considérablement au cours des dernières années.

En mars 2006, ma future femme Nora et moi louions une maison dans une banlieue à 25 km de Santa Fe. Lors du trajet vers la ville proche, j’observais, jour après jour et des deux côtés de la route, de grandes taches gris-brun (des piñons morts) au milieu du vert des genévriers.

Pendant mon enfance en Inde, j’étais fasciné par les romans policiers de Feluda. La dévastation de la forêt dont j’étais ici un témoin au quotidien me fit endosser le rôle de détective visuel dans la zone délimitée par un rayon de 8 km autour de ma maison. Je me suis promené encore et encore dans trois chemins, d’une longueur d’environ quatre kilomètres chacun.

Au cours de ces promenades, je pris progressivement conscience de ce que le désert autour de notre maison abrite une biodiversité sans doute aussi riche que celle de l’Arctique où j’avais effectué des reportages photographiques au cours des dix dernières années. Dans ces deux régions, l’une proche, l’autre éloignée, je tente d’aborder deux sujets élémentaires : l’habitat et la nourriture que la terre offre aux êtres humains ainsi qu’aux nombreuses autres espèces avec lesquelles nous partageons cette planète.

Je souhaite développer ici quelques expériences et une petite partie des enseignements que j’ai tirés de ces promenades.

Je repère au loin un grand piñon mort dont le feuillage s’étend sur plus de six mètres. Je peux déduire de sa ramée que l’arbre était vieux d’environ six cents ans lorsqu’il est mort. Les piñons n’atteignent leur maturité qu’après trois cents ans, et ils peuvent vivre jusqu’à un millier d’années.

En m’approchant de l’arbre mort, je remarque que l’écorce comporte de nombreuses protubérances qui ressemblent à des boules ou à des lignes jaunes et soyeuses. Ce sont là des signes que l’arbre n’est pas mort de manière naturelle, mais a mené une guerre contre les coléoptères en produisant de la sève pour les noyer dans la résine. Les coléoptères étant beaucoup trop nombreux, l’arbre a perdu cette bataille. Je n’ai jamais vu un scolyte – dont la taille ne dépasse pas celle d’un grain de riz – et je doute que vous en ayez vu vous-même, et pourtant, à observer de plus près l’écorce de ces piñons, il ne ferait aucun doute pour vous que les scolytes étaient bien présents et que l’arbre leur avait livré un combat féroce.

J’aperçois de temps à autre un Pic flamboyant frappant le tronc de l’arbre mort de son bec, soit pour y creuser son nid, soit pour y chercher de la nourriture : ces insectes qui sont venus décomposer le bois. Le Pic va ainsi creuser des trous parfaitement ronds dans lesquels pourront nicher de splendides Merlebleus azurés ou des Merlebleus de l’Ouest. Même après leur mort, les pins à pignons offrent un habitat et de la nourriture à de nombreuses espèces.

Au cours de mes promenades, je traverse également des zones qui ressemblent à de véritables cimetières, où tous les piñons en vue sont morts. Lorsque je prends le temps d’attendre un instant, j’ai parfois la chance d’apercevoir un Colibri à gorge noire (qui ne pèse que quinze grammes) perché sur le faîte d’un pin de six mètres de haut pour reprendre son souffle avant de repartir se nourrir du nectar d’un bosquet de Castilleja aux fleurs orange vif.

Les piñons produisent des noix riches en protéines tous les quatre à sept ans. Certains oiseaux comme le geai des pinèdes dépend des noix de piñons pour sa survie, mais ces noix jouent aussi un rôle essentiels pour la régénération des forêts des piñons. Un groupe d’oiseaux typique de 50 à 500 individus peut stocker plus de 4 millions de noix de piñons par an au Nouveau-Mexique, et les noix non consommées donnent de nouveaux arbres.

Pour les communautés amérindiennes des déserts du Sud-ouest, le piñon a eu une importance culturelle, spirituelle et économique considérable durant des millénaires. Ses pignons sont récoltés quelque soit leur taille. Ils furent pendant longtemps l’aliment de base, et sont encore aujourd’hui utilisés en cuisine.

Ce n’est pas la première fois que les forêts de piñons ont été détruites. On dit que les anciens peuples de Chaco Canyon ont surexploité les bois de pins et de genévriers autour de leurs communautés pour subvenir à leurs besoins croissants en bois de chauffage et en matériau de construction. Cette déforestation les a conduits à abandonner la magnifique cité qu’ils avaient construite. Une déforestation plus intensive encore se produisit à la fin du XIXe siècle et au cours du XXe siècle quand de vastes étendues de piñons furent coupées pour subvenir aux besoins de l’élevage – déforestation que les populations d’Amérindiens considèrent comme un acte majeur de vandalisme écoculturel.

Selon le passionnant livre Ancient Piñon-Juniper Woodlands : A Natural History of Mesa Verde Country, les biologistes ont récemment commencé à classer les forêts de pins et genévriers parmi les forêts primaires. Cet écosystème comporte une biodiversité incroyable, avec 250 espèces d’oiseaux (50% des espèces d’oiseaux présentes à l’Ouest du Mississippi et 25% des espèces d’oiseaux présentes aux États-Unis et au Canada), 74 espèces de mammifères, 17 espèces de chauves-souris, 10 espèces de batraciens et 27 espèces de reptiles. Malheureusement, les genévriers meurent eux aussi (bien qu’en moindre mesure) des chaleurs extrêmes et des sécheresses. Lors de mes premières promenades, je ne savais pas qu’il existait une forêt primaire dans le désert du Nouveau-Mexique.

Chaque fois que j’appelle ma mère en Inde, elle se plaint de la chaleur estivale. Cette année, la température moyenne mondiale des six premiers mois est la plus élevée qu’on ait enregistrée depuis les premières archives, qui datent de 1880. À Santa Fe, nous avons dépassé la température maximale enregistrée pour le mois de juin avec 38°C (moyenne max. 28°C), celle de juillet avec 38°C également (moyenne max. 30°C) et enfin avec 35°C, nous avons déjà dépassé celle d’août (moyenne max. 28°C).

Il n’est donc pas étonnant que nombre de nos piñons encore vivants sécrètent de nouveau leur résine jaune et soyeuse. Ces pins fleurissaient l’an dernier, et ils portent à présent ces magnifiques cônes qui produiront, en mûrissant, des pignons. Ces pins luttent en ce moment même pour leur survie, mais ils sont contaminés et condamnés à mourir.

La reforestation aussi prend une autre tournure au XXIe siècle. Les jeunes piñons ont peu de chances de survivre aux chaleurs extrêmes et à la sécheresse. Lorsque je roule sur Cerillos Road pour rejoindre l’autoroute 25, je peux observer une série de pins récemment plantés. Certains d’entre eux sont déjà morts, et je crains que les autres soient déjà contaminés.

Si, à cause du réchauffement climatique, nos derniers pins meurent au cours des prochaines décennies, qu’aurons-nous à dire sur cet arbre qui, durant des millénaires, a été primordial écoculturellement pour le Nouveau-Mexique et pour les Amérindiens ?

Les forêts meurent dans l’Ouest américain et partout dans le monde

En 2004, Michelle Nijhuis indiqua dans High Country News que de nombreuses espèces de coléoptères étaient en train de ravager les forêts de l’Ouest américain. L’Épinette noire, l’Épinette blanche, le Pin ponderosa, le Pin tordu, le Pin à écorce blanche, et le piñon ont tous été ravagés par de récentes épidémies de coléoptères. Les scientifiques redoutent qu’en décimant nos forêts, ces coléoptères soient également en train de modifier les climats régionaux et la qualité de l’air.

En début d’année, le Sénat américain avait prévu une audition sur les épidémies de coléoptères, qui fut annulée par les sénateurs républicains irrités par l’approbation de la réforme du système de santé. L’audition eut finalement lieu le 21 avril. Le sénateur Mark Udall (Démocrate, Colorado), co-initiateur du projet de loi « National Forest Insect and Disease Emergency » [Urgence nationale sur les insectes et les maladies des forêts] a déclaré sur son blog officiel que « l’infestation est un problème majeur de santé et de sécurité publique pour les populations du Colorado. On peut le considérer comme la plus grande catastrophe naturelle que notre région ait connue ». Le projet de loi cite douze États touchés par l’infestation : Arizona, Californie, Colorado, Idaho, Montana, Nevada, Nouveau-Mexique, Oregon, Dakota du Sud, Utah, Washington et Wyoming. Cette liste n’inclut cependant pas l’Alaska, où les scolytes ont pourtant ravagé des régions entières de forêts de pins, dont j’ai pu voir certaines lors de mes voyages.

L’audition était principalement centrée autour de la proposition d’une aide fédérale de dizaines de millions de dollars pour enlever les arbres morts des zones sinistrées afin d’éviter d’éventuels incendies. L’écologiste Dominik Kulakowski, un des intervenants de cette audition, est d’avis qu’il ne s’agit pas là d’une approche productive, et déclare que si le gouvernement se contente d’une « modification globale de la structure des forêts sur de vastes territoires », les conséquences en matière d‘écologie pourraient être dramatiques.

Cette audition n’était-elle qu’un cas supplémentaire du comportement consistant à« détruire puis nettoyer », si courant dans notre société consumériste mondiale ?

En mars, Jim Robbins déclara sur Yale Environment 360 que le réchauffement climatique entraîne la destruction des forêts de l’Ouest américain ainsi que celles d’autres parties du monde. Je demandai à mes collègues de faire des observations régionales.

En 2006, je passai un peu de temps à Old Crow, une communauté arctique autochtone Vuntut Gwitchin dans le nord du Yukon, au Canada. Je ne savais encore rien, à cette époque, de la destruction des forêts dans le Sud du Yukon. Roger Brown, le directeur pour l’Environnement et la Forêt des Premières nations Champagne et Aishihik m’écrivait, dans un email récent, que « la première irruption massive de scolytes date d’il y a 18 ans. Les coléoptères continuent de ravager nos forêts du Sud-ouest du Yukon. Environ 380 000 hectares d’Épinette blanche ont été touchés, avec un taux de mortalité atteignant les 100% dans certaines zones. Nos recherches dans l’histoire orale des peuples autochtones montrent qu’il y a pas de traces d’une déforestation aussi intensive dans le passé. »

Début juin, alors que les Nations unies empaquetaient soigneusement leurs pourparlers infructueux sur le climat à Bonn, Anne-Marie Melster, fondatrice et codirectrice de ARTPORT écrivait depuis Valence : « Ici en Espagne, sur la côte méditerranéenne, le Picudo Rojo (Charançon rouge des palmiers) attaque et détruit des dizaines de milliers de palmiers. »

À peu près à la même période, Ananda Banerjee, journaliste écologiste originaire de New Delhi, m’écrivait dans un email : « La forêt de sal dans le centre de l’Inde abrite des tigres, qui sont en voie d’extinction. Une destruction et une chute massives des arbres sal ont eu lieu au cours des dernières années, suite aux attaques d’un coléoptère nommé le scolyte du sal. Nous avons environ 1 100 000 de km2 de forêt de sal en Inde, mais ces zones vertes se réduisent peu à peu à cause de ce nuisible et des coupes illégales. »

Pour une explication scientifique sur la déforestation due au réchauffement climatique, lisez cet article publié en début d’année dans Forest Ecology and Management. Il est intéressant de noter la liste des pays concernés par la destruction des forêts depuis 1970 :

Algérie, Argentine, Australie, Autriche, Canada, Chine, France, Allemagne, Inde, Indonésie, Malaisie, Mexique, Maroc, Namibie, Nouvelle-Zélande, Norvège, Pologne, Russie, Arabie Saoudite, Sénégal, Espagne, Afrique du Sud, Corée du Sud, Sri Lanka, Suisse, Ouganda, États-Unis et Zimbabwe.

Les sceptiques du réchauffement climatique répondraient que les arbres ont déjà été affectés dans le passé par des épidémies d’insectes et par des sécheresses, que cela fait parti du cycle naturel du climat. Mais nous avons ici affaire à quelque chose d’autre : des forêts de type différent meurent simultanément à divers endroits du globe ; de plus, l’intensité et la vitesse de cette déforestation sont littéralement saisissantes.

En réfléchissant à cela, je me dis : a-t-on vraiment besoin d’une nouvelle histoire de dévastation causée par le réchauffement climatique ? Ne nous a-t-on pas suffisamment rebattu les oreilles au sujet de la fonte de glaciers, des icebergs, de la calotte glaciaire et de la disparition des ours polaires ? Puis je fus frappé d’une pensée : n’allons-nous pas pleurer la mort de tous ces arbres ? Nous pleurons ce que nous aimons et connaissons, mais nous ne connaissons pas ces arbres. J’espérais ici vous les présenter en tant qu’êtres vivants et partie intégrante de notre environnement, et non pas seulement comme des planches-matériau de construction.

Des centaines de millions d’arbres sont morts récemment, et d’autres centaines de millions vont mourir bientôt. Pensez à toutes les autres formes de vies (animaux et oiseaux) qui dépendent de ces arbres. Le nombre de ceux-ci doit s’élever à des dizaines de milliards. Qu’est-il advenu d’eux, et comment parler de ce que nous ne pouvons pas voir et ne saurons jamais ? Il faut considérer cette perte énorme comme une catastrophe majeure entraînée par le réchauffement climatique.

Nos puits de carbone deviennent des « sources de carbone »

Songeons un instant aux deux puits de carbone majeurs de notre planète. Les océans absorbent 25% du carbone rejeté par l’homme dans l’atmosphère, et les forêts en absorbent à peu près la même quantité. C’est ainsi que nos forêts et nos océans rendent possible la vie terrestre telle que nous la connaissons aujourd’hui. Tout cela est en train de changer rapidement, et pour le pire.

N’apprenons-nous pas à l’école que le CO2 dans l’atmosphère est bon pour les arbres parce qu’il sert de fertilisant et qu’il les aide à pousser ? Les arbres ont sans doute bénéficié du CO2 supplémentaire relâché par l’industrialisation au cours du siècle dernier. Mais cet effet bénéfique à court terme a déjà disparu, et s’est déjà transformé en catastrophe. Les trois plus vastes forêts de la planète perdent rapidement de leur capacité de stockage en CO2.

La taïga sibérienne est la plus vaste étendue de terre boisée de la planète. Elle s’étend de l’Oural à l’Ouest jusqu’au Kamtchatka dans l’Extrême-Orient. Ernst–Detlef Schulze de l’Institut Biochimique Max-Planck étudie la taïga depuis trente ans. Il l’appelle le poumon vert de l’Europe, parce que ces arbres absorbent la majeure partie du CO2 produit par les usines et les voitures européennes plus loin vers l’Ouest. Des sécheresses extrêmes de longue durée ont provoqué des incendies de forêts sans précédent qui ont détruit de vastes étendues de taïga. Une déforestation massive se produit également en Russie pour alimenter les besoins énergétiques des économies (désormais) émergées de pays tels que la Chine. Le Monochamus, le Scolyte, l’Euxoa Siberica ont eux aussi dévasté de larges pans de taïga.

La Russie a connu cette année l’été le plus chaud jamais enregistré. Il en a résulté des incendies ravageurs dont les fumées, arrivées jusqu’à Moscou, ont fait les gros titres dans le monde entier. Les forêts boréales de l’Est de la Sibérie se sont elles aussi embrasées. Les chercheurs ont récemment détecté un anneau de fumées toxiques autour de la Terre généré par les nuages de fumées issus des violents feux de forêts en Russie, Sibérie et Canada.

En novembre 2007, je me suis rendu dans la République sibérienne de Sakha depuis l’Alaska arctique, en compagnie du chasseur Iñupiat et écologiste Robert Thompson. Nous avons campé avec les bergers de rennes Even dans les monts de Verkhoïansk, l’endroit le plus froid habité par l’homme. Nous y avons enduré des températures de -54°C (sans vent), et on nous a dit qu’en hiver la température peut descendre jusqu’à -68°C. Nous avons également visité la communauté Yukaghir à Nelemnoye sur les rives du fleuve Kolyma, région devenue tristement célèbre pour avoir abrité des camps du goulag stalinien. On nous a dit que même dans cet endroit si froid, le pergélisol (sous-sol gelé en permanence) sibérien fond rapidement pendant les mois d’été à cause du réchauffement climatique.

En Sibérie, avec la destruction de la taïga et la fonte du pergélisol, les fantômes du goulag sont sur le point de prendre une revanche sur nous avec une bombe meurtrière de carbone dont nous ne savons encore rien.

Les forêts boréales du nord de l’Amérique s’étendent à travers les États-Unis et le Canada jusqu’en Alaska à l’Ouest et à Terre-Neuve à l’Est. Elles forment le second plus vaste écosystème arboricole présent sur Terre. Il est désormais avéré qu’une forêt de Pins tordus de Colombie-Britannique au Canada a disparu comme suite à une prolifération de scolytes. Le puits de carbone qu’était auparavant cette forêt s’est ainsi transformé en une vaste source d’émission de carbone. Il en va probablement de même avec toutes les autres forêts qui succombent aux attaques de scolytes dans l’Ouest du continent américain.

La forêt amazonienne est la plus vaste forêt tropicale au monde et elle s’étend sur neuf pays – le Brésil, le Pérou, la Colombie, le Vénézuela, l’équateur, la Bolivie, la Guyane, le Suriname et la Guyane française. Je n’ai jamais été en Amazonie, mais j’ai appris que les feux de forêts, la sécheresse et la déforestation y ont déjà détruit de larges portions de forêt. L’Amazonie est en grave danger : les scientifiques prévoient qu’une hausse de 4°C détruirait 85% de cette forêt. Notre incapacité à agir pour sauvegarder le climat nous entraîne rapidement vers une telle réalité.

Du côté des océans, les nouvelles ne sont pas meilleures. Ils ont actuellement du mal à endiguer les émissions croissantes de CO2 produites par l’activité humaine. Ce faisant, les océans deviennent effroyablement acides, et mettent en danger la vie aquatique. Plus inquiétant encore : le méthane (un gaz à effet de serre vingt fois plus puissant que le CO2) est relâché dans l’atmosphère en quantité énorme par certains océans, dont la Plaque glacière arctique est-sibérienne à cause de la fonte du pergélisol sous-marin, ou le Golfe du Mexique à cause de la marée noire impardonnable de BP. Deux expertises ont montré que la concentration de méthane était 100 000 fois supérieure à la normale dans certaines régions du Golfe et, dans quelques endroits, jusqu’à 1 000 000 de fois supérieure à la normale. Nous avons appris récemment que 40% du phytoplancton de la planète est mort au cours des soixante dernières années comme suite au réchauffement climatique. D’où la question : Nos océans sont-ils en train de mourir ?

Nos puits de carbone perdent peu à peu la bataille contre le réchauffement, la croissance des émissions de carbone et les forages extrêmes de pétrole et de gaz. Chaque citoyen de la planète devrait se poser la question : qui ou quoi absorbera le carbone que nous continuons de dégager ? Et chaque gouvernement devrait faire de ce problème sa priorité majeure s’il est question d’assurer un avenir à la vie terrestre.

Notre Nouveau Mouvement pour le Climat

Le mois dernier, le Sénat américain a fini par tuer le projet de loi sur le climat. Depuis lors, de nombreuses tribunes d’opinion ont été publiées par des sites et des magazines comme Yale Environment 360, Grist, TomDispatch, The Nation, ou The Hill. Certaines d’entre elles tentent d’expliquer pourquoi le mouvement américain pour le climat a subi cet échec, d’autres lancent un appel pour créer un nouveau mouvement.

Le réchauffement climatique est une catastrophe : pour toutes les terres, tous les océans, tous les fleuves, tous les êtres humains, tous les oiseaux, toutes les petites créatures que nous ne voyons pas... pour toute vie terrestre. Il nous faut des histoires et des actions dans chaque partie du globe. Jusqu’ici, la communication autour du changement climatique s’est principalement concentrée sur l’information scientifique. Je crois sincèrement que pour toucher le public, nous devons également recourir aux humanités et à leurs différentes disciplines. C’est la raison pour laquelle j’ai créé le site Climatestorytellers.

Et il ne manque pas d’actions : au niveau international, avec 350.org et le Climate Justice Movement ; au niveau des États-Unis avec des associations telles que le Center for Biological Diversity ; enfin au niveau des États avec des initiatives telles que la New Energy Economy au Nouveau-Mexique. Ces organisations nous laissent espérer qu’un mouvement solide (et pas faible inconsistant) pour le climat nous fera avancer avec une énergie renouvelée.

Notre tâche est de faire en sorte que les voix des citoyens du monde entier se fassent entendre de plus en plus fort jusqu’à ce que les gouvernements n’aient plus d’autres choix que d’écouter une telle cacophonie. Le réchauffement climatique ne pourra être endigué seulement par de meilleurs comportements et des modes de vie sains. Des actions gouvernementales seront nécessaires pour contrôler la pollution et les pollueurs, pour instaurer une société sans carbone.

Je terminerai sur ces deux simples questions :

Les besoins économiques et de confort de notre espèce seront-ils plus forts que les besoins de survie des autres espèces qui vivent sur cette planète ?

L’humanité, en ne prenant pas de mesures sérieuses contre le réchauffement climatique, est-elle en train de commettre un crime colossal contre toutes les autres espèces de la planète ?

Note sur les photographies : pour voir les photographies de Subhankar sur la mort des forêts du Nouveau-Mexique, cliquez ici. Cet album a été créé spécialement pour accompagner cet article.]

Subhankar Banerjee est photographe, écrivain, activiste et fondateur de ClimateStoryTellers. Subhankar rédige en ce moment une anthologie intitulée « Voix de l’Arctique ». Vous pouvez visiter son site en cliquant ici.

[Note au lecteur : je souhaite remercier ma fidèle collaboratrice et éditrice de ce texte Christine Clifton–Thornton ; Roger Brown, Anne-Marie Melster, et Ananda Banerjee pour leurs observations sur ce texte ; et comme toujours Tom Engelhardt pour son aide et son inspiration.]

Copyright 2010 Subhankar Banerjee