Le nom d’« Ouganda » provient d’une déformation de « Buganda », royaume de la région des Grand Lacs, en Afrique de l’Est, au XIXème siècle. Entre 1890 et 1900, les Britanniques créent par étapes le protectorat de l’Ouganda que les Baganda (les habitants du Buganda) vont partager avec un grand nombre d’autres populations (royautés à l’ouest et au sud, sociétés sans État au nord et à l’est), suivant le tracé frontalier réalisé par les Britanniques.
Les rivalités ethniques provoquées par la colonisation et la polarisation religieuse entre catholiques et protestants rythment l’histoire ougandaise contemporaine (voir chronologie) : avant l’indépendance du pays, on distingue trois grands partis : le Parti Démocrate (DP) catholique, le Congrès du peuple ougandais (UPC) anti-Baganda protestant et prônant un certain progressisme et le Kabaka Yekka (KY) revendiquant la prédominance du Buganda sur le reste du pays.
A l’indépendance, Milton Obote, fondateur de l’UPC et désormais Premier ministre de l’Etat fédéral, ne parvient pas à maintenir la stabilité du pays. Il développe une politique de gauche qui dans un contexte de guerre froide inquiète les puissances occidentales. En janvier 1971, Idi Amin Dada arrive au pouvoir à la faveur d’un coup d’Etat appuyé par l’ancienne puissance coloniale et Israël. Idi Amin Dada installe sur l’Ouganda un régime autoritaire jouant sur les rivalités ethniques et pillant les ressources économiques du pays.
Les années 80 voient le retour au pouvoir de Milton Obote, le pays sombre dans une guerre civile dont il ne sortira qu’en 1986 avec la victoire de Yoweri Museveni qui prend le pouvoir. Il est à la tête d’une armée de guérilla importante et bien organisée, la NRA (Armée de Résistance Nationale), qu’il a créée 5 ans plus tôt. Sur le plan économique, la situation du pays s’est améliorée depuis le début des années 90 : inflation contenue, croissance interrompue, liberté des changes. Le gouvernement bénéficie de nombreuses aides internationales (États-Unis, Afrique du Sud) et fait figure de bon élève auprès du FMI. Cependant, la corruption de haut niveau reste une pratique courante et le pays demeure en développement, largement dépendant de l’aide extérieure et en proie à une forte augmentation des inégalités.
L’Ouganda contemporain sur la scène régionale
Ces vingt dernières années, dans la zone des Grands Lacs, l’Ouganda occupe un rôle stratégique. Dans la région, il fait figure de faire-valoir des États-Unis dans leur lutte contre le terrorisme (notamment face au régime islamique soudanais). Il a, de plus, acquis un statut de puissance régionale grâce au rôle clé qu’il a joué dans les relations entre la République démocratique du Congo (RDC), le Rwanda et le Burundi durant les conflits congolais dans les années 1990-2000. En 1994, Yoweri Museveni soutient le Front Patriotique Rwandais de Paul Kagame dans la conquête du pouvoir à Kigali.
En 1996-1997, le régime de Museveni et le Rwanda soutiennent la chute du régime zaïrois de Mobutu et appuient Laurent-Désiré Kabila. La situation s’inverse lors de la deuxième guerre du Congo en 1998 : l’alliance rwando-ougandaise s’effrite, Museveni combattant désormais le régime de Kabila, soucieux de se débarrasser de la tutelle de ses alliés d’hier.
En 1999, la rupture est consommée entre Kagame et Museveni qui se rallie à Kabila (accord de Luanda). Désormais, les troupes ougandaises et rwandaises s’affrontent sur le sol congolais dans les zones de l’Ituri et du Kivu, dont le sol riche en ressources minières est exploité illégalement par les deux belligérants. Sur le terrain, les combattants s’allient avec les différentes milices armées (le Rwanda avec le RCD-Goma, l’Upc (Union des patriotes congolais) ; l’Ouganda avec le RCD-K-ML (Rassemblement congolais pour la démocratie-Kisangani Mouvement de libération regroupant un certain nombre de Tutsis congolais et les Mayi-mayi).
Entre 2012 et 2013, le Rwanda et l’Ouganda ont été impliqués dans le soutien tant logistique que militaire au M23, un groupe armé de République Démocratique du Congo coupable de nombreuses exactions dans les régions du Nord et Sud-Kivu, finalement défait par les Forces Armées de RDC en novembre, appuyées par les troupes de la MONUSCO (Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation de la RDC). Plusieurs officiers auraient en effet participé à former des soldats du M23, aidé au transport et au stockage d’armes et de munitions, ainsi que participé à certains bombardements afin d’appuyer les avancées des troupes du M23. Si la participation du gouvernement ougandais à ces activités est bien moins intense que celle du gouvernement rwandais, il ne fait aucun doute que de hauts responsables ont fourni une aide au M23 en « facilitant les activités politiques et militaires de ses membres lors de leur installation à Kampala » et en « prêtant une assistance technique, des conseils d’ordre politique et un soutien militaire » [1].
La contestation politique réduite au silence par des atteintes récurrentes aux droits de l’homme
Depuis son installation au pouvoir, Museveni a imposé une union nationale pluriethnique au sein du gouvernement. Malgré les pressions de la communauté internationale, le régime reste néanmoins très hostile au multipartisme jusqu’en 2003. En juillet 2005, un référendum sur le multiparisme vient appuyer ce changement de façade : le oui obtient 92.6 % des voix et la participation est de 47 %. Les scrutins sont régulièrement entachés d’irrégularités comme ce fut le cas lors du scrutin de février 2011 qui a permis à Yoweri Museveni d’être élu pour un quatrième mandat, avec 68,38% des voix. Comme pour les élections précédentes, l’opposition, menée par Kizza Besigye, a dénoncé un scrutin terni par les fraudes.
Face à cette longévité du pouvoir, de plus en plus de voix s’élèvent pour contester la corruption de haut niveau et les conditions de vie de la majorité de la population. En 2009 et 2011, les mouvements de contestation se sont multipliés, fortement réprimés par les forces de sécurité, faisant des morts parmi les manifestants mais aussi parmi certains passants. Depuis avril 2011, le mouvement « Activist for Change » (A4C), appelle à la fin du régime de Museveni et à la démocratie. Ce groupe, accusé en 2012 d’être à l’origine du décès d’un policier lors d’un rassemblement, a été déclaré illégal car menaçant la paix et la sécurité en Ouganda.
Les critiques de plus en vives de la gestion du pays par le régime ont contraint les dirigeants à apporter la preuve de leur bonne volonté. Ainsi, plusieurs organismes gouvernementaux ont été crées afin de lutter contre la corruption. Malheureusement, ils ont fait état de très faibles résultats : si plusieurs personnes ont été arrêtées et déférées devant la justice, ce ne fut chaque fois que pour des cas impliquant de très petites sommes d’argent. La corruption au sommet demeure donc impunie, tandis que des militants anti-corruption de la société civile font face à des arrestations et à des intimidations. Cette problématique est pourtant loin de concerner la seule population ougandaise : en 2012, 30% du budget national provenait de bailleurs de fonds étrangers. Ceux-ci, n’ignorant pas les détournements réguliers, ont plusieurs fois interrompu leurs versements, mais les ont toujours repris.
Le début de l’année 2014 a été marqué par l’adoption d’une loi prévoyant une condamnation à la peine de mort en cas de rapports homosexuels. Malgré les nombreuses réactions internationales, le gouvernement n’a pas fléchi et a promulgué cette loi en février. S’en est suivi une multiplication des atteintes aux droits de l’homme, aux droits de rassemblement et d’expression. Des rassemblements s’opposant à cette loi ont ainsi été réprimés dans la violence par les forces de sécurité. Suite à la promulgation de cette loi, un quotidien n’a pas hésité à publier une liste de personnalités vraisemblablement homosexuelles, appelant à une véritable « chasse aux sorcières ». Face à ces atteintes aux droits de l’homme répétées, le gouvernement de Musevini ne semble nullement inquiété, grâce notamment à un régime népotique, qui assure au président une certaine sécurité.