L’Amérique Latine comme source de minerais stratégiques

Par Monica Bruckmann

, par ALAI

Cet article a initialement été publié en espagnol, et il fait partie d’un dossier intitulé Ressources naturelles et géopolitique de l’intégration sudaméricaine. Il a été traduit par Aurélie Gasc, traductrice bénévole pour rinoceros .

A partir du graphique 1 il est possible d’affirmer que l’Amérique Latine est une des principales régions d’où les Etats-Unis importent les minerais stratégiques dont ils ont besoin. Ainsi, nous observons que 7 des 21 minerais qui appartiennent au groupe que nous avons appelé de « vulnérabilité totale », sont principalement importés du Brésil et du Mexique. Dans le cas du second groupe, de « haute vulnérabilité », parmi les 17 minerais qui appartiennent à cette catégorie, 8 ont pour principales sources d’importation le Mexique, le Pérou, la Bolivie, le Brésil et le Chili. Concernant le dernier groupe, « vulnérabilité moyenne », on peut observer que 11 des 25 minerais ont le Venezuela, le Chili, le Mexique, le Pérou, le Brésil et Trinité et Tobago pour source principale d’importation.

Le graphique présenté ci-après, dont l’élaboration a suivi la même méthodologie que le graphique 1 [1], montre plus clairement l’importance stratégique de l’Amérique Latine comme source d’importation de minerais pour lesquels les Etats-Unis ont une production déficitaire. Ce graphique cherche à mesurer la participation de l’Amérique Latine dans le total des importations nettes des Etats-Unis. Certaines informations permettant de mesurer l’importance nette ou la consommation estimée des USA étant indisponibles, par conséquent, quelques minerais importants du point de vue de la dépendance d’importations des Etats-Unis et pour lesquels le rôle de l’Amérique Latine est important dans la production mondiale, n’ont pu être pris en compte. C’est le cas de l’étain, de l’or, du zinc, de la bauxite et alumine, du tantale, de l’antimoine, de l’argent, du tungstène, entre autres.

Graphique 2 : USA : importation nette de Minerais Stratégiques sélectionnés provenant d’Amérique Latine par rapport à la consommation de 2008 (sauf autre indication). Données exprimées en pourcentages. - Voir document Pdf.

Les données montrent que les minerais pour lesquels les Etats-Unis dépendent en plus grande proportion de l’Amérique Latine sont : le strontium (93%), le lithium (66%), le fluorite (61%), l’argent (59%), le rhénium (56%), l’étain (54%) et la platine (44%).

Cette information montre également qu’en plus d’avoir une grande capacité de formation internationale du prix de ces minerais, l’Amérique Latine possède une large capacité à négocier avec les Etats-Unis au sujet de ces derniers. Pas une seule des conditions favorables n’est utilisée par les pays de la région pour améliorer les conditions d’échange et de commercialisation de ces ressources. L’énorme potentiel que possède l’Amérique Latine pour avancer vers une politique d’industrialisation de ces dernières, axée sur l’ajout de valeur à ses exportations, est encore moins pris en compte.

Dans ce contexte, une politique latino-américaine pour la formation internationale des prix des commodities, non pas à partir de spéculations sur les marchés financiers, mais basée sur un calcul des réserves que la région a de ces ressources, sur les taxes d’épuisement de ces dernières ainsi que sur les tendances de la consommation mondiale marquées par les cycles technologiques, est nécessaire. En d’autres termes, une politique de formation de prix basée sur « l’économie réelle » et non sur la spéculation d’une « para-économie » [2] fictive, dominée, aussi, par les oligopoles de communication et les agences de « contrôle de risques » qui notent les économies des pays pour faciliter la décision des investisseurs. Tous deux instruments utiles à la création de bulles spéculatives et « humeurs » des marchés, qui acquièrent ainsi une vie et une « subjectivité » propre et indépendante de l’économie réelle.

Notes

[1Pour chaque minéral sélectionné, a été considérée l’importation nette (importation moins exportation) divisée par le total de consommation estimée, pour donner comme résultat le pourcentage du total de la consommation qui dépend des importations. Nous devons signaler que dans de nombreux cas, il a été impossible d’inclure certains minerais importants pour l’Amérique Latine (comme la bauxite et l’alumine, le tantale, l’antimoine, le zinc, l’argent, le tungstène, entra autres) parce que nous ne disposions pas d’information sur certaines variables considérées par le calcul, comme les importations depuis l’Amérique Latine (les sources consultées montrent à peine les données de la consommation totale, sans spécifier la pays ni la provenance) ou la consommation estimée des Etats-Unis. Cependant, pour le type d’analyse que nous sommes en train de réaliser, orientée à mettre en évidence des intérêts stratégiques ; nous pensons que le graphique est pertinent.

[2Le terme « para-économie » est notre invention.