Située dans les Antilles, la République d’Haïti est la partie Ouest de l’île de Saint-Domingue ; la partie Est étant la République dominicaine. En 1492, cette île fut "découverte" par Christophe Colomb qui la nomma Hispaniola. Elle avait alors un important couvert forestier. Elle était habitée par des Indien·nes "taïnos" qui furent tué·es ou réduit·es en esclavage. Haïti a un relief très accidenté : les mornes (montagnes) culminent à 2680 m et il n’y a que de rares plaines. Quelques îles (de la Gonave, de la Tortue) complètent le territoire principal.
En raison de la croissance démographique, les habitant·es ont déboisé massivement les mornes pour augmenter les surfaces cultivables. Actuellement, le couvert forestier d’Haïti n’est que de deux pour cent, soit l’un des taux les plus faibles au monde. C’est d’ailleurs ce qui explique les coulées de boue, les inondations et les glissements de terrain qui ont tué des milliers de personnes au cours des dernières années. Les mornes à nu étant improductifs, la densité de population dans les zones cultivables est forte.
Le mode de culture hérité de l’époque coloniale provoque un important exode rural vers les principales villes du pays (Cap-Haïtien, Gonaïves et Port-au-Prince la capitale, qui compte plus de deux millions et demi d’habitant·es). Port-au-Prince, qui n’a pas été épargné par le séisme de 2010, a vu sa population multipliée par trois depuis 1991. La plupart des nouvelles et nouveaux arrivant·es viennent grossir les rangs des bidonvilles environnants, dont le plus important, « Cité soleil », situé entre le port et l’aéroport et qui compterait à lui seul près de 300 000 habitant·es. Des chiffres qu’il semble difficile d’affirmer puisque, suite au séisme, les Nations unies rapportent que 1,3 million de personnes auraient quitté la capitale pour remonter au Nord du pays.
Haïti est l’un des pays les plus pauvres du monde : sur l’indice de développement humain (IDH) établi par l’ONU, il figure au 158ème rang sur 187 pays.
Ce petit pays, pauvre économiquement et affaibli par de nombreuses catastrophes naturelles qui concourent à une situation humanitaire périlleuse, reste riche de son histoire et de sa culture. Haïti se trouve aujourd’hui confrontée à plusieurs grands défis, dont un défi politique qui vise à créer un véritable État-nation, capable de composer avec la communauté internationale et qui permettrait de créer les conditions nécessaires à l’émergence d’une économie. Et un défi écologique, avec la nécessité d’inscrire la reconstruction suite au séisme, ainsi que le modèle agricole, dans une logique de développement durable.
De l’indépendance à la nécessaire création d’un État-nation
Après sa découverte, l’île, dépourvue de grandes ressources (ni or ni argent), est délaissée par les Espagnol·es. La présence française date du XVIème siècle avec une installation sur l’île de la Tortue, puis sur la partie Nord de l’île principale. Cette colonie faite d’aventurier·ères et de pirates reçoit le soutien du roi de France qui obtient de l’Espagne une souveraineté sur la partie occidentale de l’île.
Les Français·es introduisent des cultures coloniales : canne à sucre, café, cacao et coton. L’île s’enrichit et devient, à la fin du XVIIIème siècle la colonie la plus riche du monde. Elle fournit à elle seule 85 % de la production mondiale de sucre. Cette richesse repose sur le travail des esclaves importé·es d’Afrique, dans le cadre du commerce triangulaire, et sur le monopole de l’exportation vers La Rochelle et Nantes.
La Révolution française cause la chute de ce système colonial esclavagiste. En 1791, les esclaves noir·es se révoltent pour que leur soient appliqués les principes de la Révolution : « tous les hommes naissent libres et égaux en droit ». Toussaint Louverture, un régisseur noir (chargé de l’administration d’un domaine) affranchi, prend la tête de cette révolte. L’abolition de l’esclavage en 1794 le rallie temporairement à la France. Nommé général en chef, il s’empare de la partie espagnole de l’île et donne une unité politique à l’île de Saint-Domingue. Il légifère seul, proclame une constitution et gère le territoire de façon de plus en plus indépendante.
Napoléon Bonaparte le perçoit alors comme un rebelle et refuse cette marche vers l’indépendance en raison de la position stratégique de l’île et de sa richesse économique. En 1802, Bonaparte envoie 20 000 soldats pour reconquérir Saint-Domingue. Malgré l’arrestation de Toussaint Louverture, l’opération est un échec. Les ancien·nes esclaves parviennent à refouler les troupes françaises et, le 1er janvier 1804, le général Jean-Jacques Dessalines proclame l’indépendance de la République d’Haïti, première république noire au monde et deuxième État indépendant du continent américain.
Mais cet État n’est pas accepté par les puissances européennes et les États-Unis voient d’un mauvais œil une république noire qui pourrait donner des idées aux esclaves américain·es. La République d’Haïti se retrouve donc, dans un premier temps, complètement isolée.
En 1825, Charles X reconnaît Haïti moyennant le remboursement des terres confisquées, soit la somme de 90 millions de francs-or, ce qui représente une année de budget de la France de l’époque. Cette dette, très préjudiciable au futur développement économique du pays, sera payée jusqu’en 1893. Haïti obtient une reconnaissance sur la scène internationale et se présente comme le symbole de la dignité noire. Le pays est très actif au XIXème siècle, aidant Bolivar dans son combat pour l’indépendance des pays d’Amérique centrale. En 1919, Haïti fait partie des membres fondateurs de la SDN (Société des Nations) par la signature du Traité de Versailles. En 1946, Haïti aide la France à faire du français une langue officielle et de travail aux Nations unies.
Mais la réalité intérieure du pays ne correspond pas à ce prestige international : depuis l’indépendance en 1804, le pays n’a jamais connu de stabilité politique. Peu après le règne de Dessalines, Haïti est coupée en deux systèmes politiques distincts : au Nord, une monarchie dirigée par le roi Christophe, au Sud, une république dirigée par Pétion. En 1844, la partie orientale de l’île fait sécession sous le nom de République dominicaine, à l’origine des frontières actuelles de la République d’Haïti. Le pays ne connaît pourtant pas de stabilité politique durable. Haïti est tantôt soumise au joug de dictateurs tels les Duvalier père et fils, tantôt sous occupation américaine ou sous tutelle des Nations unies. Depuis l’indépendance, sur la cinquantaine de chefs d’État qui se sont succédé, une trentaine a été tuée ou renversée par un coup d’État.
La fin du XXème siècle est très confuse. Le président Aristide qui constituait un espoir pour les Haïtien·nes et la communauté internationale, installe un régime de terreur par l’intermédiaire de milices appelées chimères. Des journalistes sont assassinés et l’opposition violemment réprimée. Coups d’État, opération des États-Unis, intervention des Nations unies. Après la fuite du Président Aristide en 2003, le pays connaît de nouveau une instabilité proche de la guerre civile. Les élections sont repoussées quatre fois avant de voir René Préval élu à la présidence de la République en 2006. Pour la première fois, Haïti a un président démocratiquement élu qui s’est vu remettre l’écharpe présidentielle par un président élu lui-même démocratiquement. Nouveau venu en politique, le chanteur populaire Michel Martelly, élu avec 67 % des voix, prend ses fonctions le 14 mai 2011.
2011 a également vu le retour au pays des anciens présidents Aristide et Duvalier, à l’encontre desquels les plaintes pour crimes contre l’humanité n’ont pas été retenues.
En 2015, Jovenel Moïse se présente dans la continuité du président sortant, Michel Martelly. Il arrive en tête lors du premier tour mais les résultats sont contestés, entraînant des violences dans les rues. Le deuxième tour est reporté à plusieurs reprises pour enfin avoir lieu le 20 novembre 2016. Jovenel Moïse obtient la majorité et devient président malgré les contestations de membres du Conseil électoral provisoire. Son mandat se révèle mouvementé. L’instabilité règne et plusieurs Premiers ministres continuent de se succéder. À la fin du mandat des parlementaires en janvier 2020, le président est amené à gouverner par décrets, ce qui lui attire des critiques. On lui reproche aussi de ne pas enrayer le blanchiment d’argent et la corruption, dans un pays déjà miné par l’inflation, la violence et la pauvreté. Le 7 juillet 2021, le président est assassiné par un commando aux motivations et à l’origine incertaines.
Un climat d’instabilité politique persiste malgré l’assermentation d’un nouveau Premier ministre, Ariel Henry, le 20 juillet. En 2022, l’inflation, les pénuries alimentaires entretiennent les tensions et la violence provenant de gangs organisés. Le report des élections et le fait que Ariel Henry persiste au pouvoir ajoutent aux troubles qui atteignent un nouveau stade en 2023 et 2024. Les gangs réclament son départ et attaquent le palais présidentiel, des commissariats, hôpitaux ainsi que des prisons, permettant l’évasion de milliers de détenus. Malgré la proclamation de l’état d’urgence et d’un couvre-feu en 2024, la situation est hors contrôle. Bloqué hors du pays, Ariel Henry quitte ses fonctions le 11 mars 2024. En avril, un conseil de transition est créé en attendant de futures élections. Il est formé de membres provenant de différents milieux. Un échéancier est proposé mais, dans l’immédiat, les gangs continuent leurs actions.
Haïti et la banqueroute du pays
La banqueroute économique que connaît le pays prend naissance avec les indemnités d’indépendance imposées par l’État français. Cette charge a constitué une entrave au développement économique du pays et a continué à peser jusqu’en 1922 en raison d’emprunts extérieurs destinés à la rembourser. Haïti ne s’en est jamais vraiment relevée.
En 1914, Haïti se trouve économiquement à genoux et l’intervention américaine l’année suivante n’arrange rien. Jusqu’à cette date, Haïti n’était débitrice que d’un seul pays : la France. Durant l’occupation, les États-Unis obligent Haïti à contracter un emprunt de 30 millions de dollars : emprunt politique destiné à transférer la dette haïtienne des mains de la France aux mains des États-Unis.
Cette régulière et profonde ingérence économique étrangère n’a jamais permis l’essor d’une économie nationale et d’un État suffisamment fort. Après l’indépendance, le pays n’a jamais eu les moyens de se reconstruire. On a pu dire que « l’histoire d’Haïti est un répertoire de tout ce qu’il ne faut pas faire pour sortir du sous-développement ».
Le gouvernement d’Haïti se livre aux usuriers qui lui font des avances à des taux inédits en Europe et qui appauvrissent le pays en l’endettant tous les jours davantage. La situation économique actuelle est le résultat de l’utilisation d’Haïti comme terrain de jeu par des puissances occidentales qui s’exercent à l’impérialisme, aggravée par le peu de contrôle accordé aux Haïtien·nes dans la gestion des dons internationaux résultant du séisme de 2010.
L’économie haïtienne est essentiellement rurale et agricole. L’agriculture reste le principal secteur économique du pays (60 % de la population active et 26 % du PIB).
Malgré les catastrophes majeures qui ont marqué l’année 2010 (le séisme en janvier, l’ouragan Tomas en novembre et l’épidémie de choléra venue aggraver la situation sanitaire - 6 500 décès recensés et 450 000 personnes touchées - d’une population déjà sinistrée), c’est la sous-nutrition, dont on estime qu’elle affecterait plus de 50 % de la population, qui est le signe le plus évident de l’insécurité alimentaire dans le pays.
Le secteur industriel est faible et se limite au textile et aux usines d’assemblage. Les entreprises travaillant pour le secteur national survivent difficilement. Après les coups d’État militaires, les firmes étrangères qui représentaient le tiers de l’industrie du pays en 1987 ont quitté Haïti ou réduit leurs activités au strict minimum pour cause d’embargo imposé par la communauté internationale. Cet embargo a eu pour conséquence de multiplier par cinq le prix de l’essence et de nourrir l’inflation. Depuis 1990, 130 entreprises tournées vers l’international ont fermé leurs portes, augmentant ainsi le flux déjà très important des chômeur·ses.
Contrairement à la République dominicaine, Haïti ne peut pas compter autant sur la manne touristique. Néanmoins, parmi les initiatives du nouveau gouvernement figure la volonté d’un développement fondé sur la valorisation de la culture par la reprise des activités touristiques. Dernière spécificité, l’importance économique de la diaspora : un·e Haïtien·ne sur cinq vit actuellement à l’étranger, soit 2,5 millions de personnes (1 million en République dominicaine, 400 000 aux États-Unis, quelques milliers en France et au Canada). Chaque année, ce sont de 500 millions à 1 milliard de dollars qui sont envoyés au pays, ce qui représente jusqu’à 25 % du PIB, soit trois fois le budget de l’État.
De ce fait, le pays qui vit grâce à sa diaspora et à l’aide internationale, se retrouve dans une situation de profonde dépendance, d’autant plus accentuée suite au séisme de janvier 2010. Cette faiblesse monétaire ne permet pas au pays de rembourser ses dettes vis-à-vis des États-Unis ou de la France.
Enfin, Haïti reste sous la dépendance des Nations unies : à plusieurs reprises l’ONU a prolongé la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH).
Un pays constamment touché par des catastrophes naturelles
Le 12 janvier 2010 à 16h53, heure locale, un séisme dévastateur de magnitude 7 sur l’échelle de Richter frappe Haïti, causant la mort de plus de 200 000 personnes et laissant près d’un million et demi de personnes sans abri.
Malgré une forte mobilisation internationale (entre 6 et 10 milliards de dollars ont été promis à la Conférence des donateurs en mars 2010), la lenteur des réparations, l’opacité qui règne dans les circuits de distribution de l’aide et les pesanteurs pour rétablir les réseaux d’eau et d’électricité accablent encore le quotidien des Haïtien·nes.
Deux ans après le séisme de janvier 2010, Haïti semble toujours attendre le réel démarrage de sa reconstruction : les conditions de vie de l’ensemble de la population ne se sont pas améliorées et le pays doit composer avec des problèmes économiques, démographiques et sanitaires. En 2012, selon Michel Forst, rapporteur spécial des Nations unies sur Haïti, « il resterait encore 600 000 personnes en errance. Beaucoup de gens pensent que c’est très simple : l’argent arrive, il faut reconstruire. Sauf qu’on ne peut pas reconstruire n’importe où. Haïti est un pays souverain où le droit de propriété existe ».
Par ailleurs, ces problèmes de logement, exacerbés par le tremblement de terre, constituent un point de discorde entre les donateurs et les entreprises haïtiennes. Ces dernières se plaignent en effet que les projets de reconstruction ne bénéficient pas aux entreprises nationales qui pourraient employer de la main d’œuvre locale et générer des revenus pour la population.
Haïti est à nouveau frappée par des catastrophes naturelles les années suivantes alors qu’elle peinait déjà à se relever du séisme de 2010. En octobre 2016, c’est l’ouragan Matthew qui cause entre 500 et 1000 décès. On estime à plus d’un million le nombre d’habitant·es ayant besoin d’aide sous une forme ou une autre et à 2 milliards de dollars le montant des dégâts.
En septembre 2017, le passage de deux ouragans de catégorie 5, Irma et Maria, cause une centaine de mort·es et on estime à plusieurs dizaines de milliards de dollars les sommes à débourser pour rétablir la situation.
Le 14 août 2021, un tremblement de terre d’une magnitude de 7,2, suivi par plusieurs répliques de moindre intensité a lieu. Un bilan provisoire fait état de plus de 2 200 mort·es et plusieurs autres milliers de blessé·es. Des dizaines de milliers de maisons et bâtiments sont détruits ou endommagés, dont des écoles et des hôpitaux.
Chronologie
Avant 1492, l’île d’Haïti était peuplée par des Indiens « taïnos », peuple semi-sédentaire pacifique.
1492 : "Découverte" de l’île par les Espagnols et extermination des populations autochtones.
1697 : Partage de l’île entre la France et l’Espagne.
1794 : Abolition de l’esclavage.
1802 : Rétablissement de l’esclavage par Napoléon.
1804 : Indépendance.
1844 : Division de l’île en deux parties : Haïti et République dominicaine.
1915-1934 : Occupation par les États-Unis.
1957 : Élection de François Duvalier à la tête de l’État.
1971 : Jean-Claude Duvalier succède à son père.
1986 : Fuite de Jean-Claude Duvalier.
1986-1990 : Succession de coups d’État.
1990-1996 : Présidence de Jean-Bertrand Aristide (renversé par un coup d’État en 1991, il revient au pays le 15 octobre 1994 pour finir son mandat après trois ans d’exil).
1996-2001 : Présidence de René Préval.
2001-2004 : Deuxième mandat de Jean-Bertrand Aristide qui se termine par sa démission et son exil.
2004-2006 : Gouvernement intérimaire.
2006 : Élection de René Préval comme chef de l’État le 14 mai.
2007 : Nomination au poste de Premier ministre de Michèle Pierre-Louis, le 31 août.
2010 : 12 janvier : Un séisme d’une magnitude de 7,0 à 7,3 ravage la région de Port-au-Prince. Un second tremblement de terre d’une magnitude de 6,1 survient le 20 janvier.
novembre : Premier tour des élections présidentielles.
2011 : janvier : Retour à Haïti de Jean-Claude Duvalier.
mars : Retour à Haïti de Jean-Bertrand Aristide.
11 mars : Second tour des élections présidentielles. Élection de Michel Martelly à la tête de l’État avec 67 % des voix. Prise de fonction le 14 mai.
2012 : 24 février : la démission du Premier ministre, Garry Conille, laisse entrevoir de nouvelles tensions politiques. M. Conille était le troisième Premier ministre désigné par Michel Martelly depuis son entrée en fonction.
2015 : décembre : Report du second tour de la présidentielle.
2016 : 28 septembre : Haïti est frappée par l’ouragan Matthew.
20 novembre : Élection de Jovenel Moïse à la présidence d’Haïti.
2017 : septembre : Le passage de deux ouragans de catégorie 5, Irma et Maria, fait des dégâts considérables dans les pays des Caraïbes.
2021 : 7 juillet : Assassinat du président.
14 août : Haïti est frappée par un violent tremblement de terre d’une magnitude de 7,2, suivi par plusieurs répliques de moindre intensité.
2023 : Création par l’ONU d’une mission d’intervention pour assurer la sécurité face aux violences et à la situation chaotique.
2024 : 11 mars : Annonce de la démission du Premier ministre Ariel Henry. Un conseil de transition, formé en avril, tente d’assurer une certaine stabilité avant que d’autres élections ne soient mises sur pied.
L’ONU prolonge d’un an la mission d’intervention en Haïti.