Expulsion, pouvoir, mobilisation

, par Vacarme

Cet article de la revue Vacarme, présenté sous forme de discussion, interroge la place prise par le pouvoir d’expulser dans les politiques migratoires contemporaines à l’aune de l’histoire des pratiques d’exclusion d’étranger·ères et des débats récents autour de la citoyenneté. Il soulève la question du rôle du transport aérien dans l’internationalisation des dispositifs, des modes de légitimation de ces politiques et des régimes de visibilité et d’invisibilité qui les sous-tendent.

Les expulsions d’étranger·ères ont certainement joué un rôle clef dans la construction des États-nations, dont elles ont contribué à dessiner le dedans et le dehors. Elles ont en effet accompagné et contribué à l’élaboration des définitions, des catégories, des statuts produits par l’appareil étatique, en étant l’instrument ultime de la mise en œuvre de la séparation entre citoyens et non-citoyens. Dans les années 1970, Abdelmalek Sayad écrivait que l’expulsion était l’horizon de la vie de chaque immigré, et ce qui en faisait la fragilité, la précarité… même en dehors d’un contexte politique extrême, des gens sont ainsi sans cesse poussés ou maintenus dans l’irrégularité par de petits changements législatifs ou par des décisions politiques.

Mais les expulsions dessinent aussi le dehors des États, en créant un espace où les expulsé·es sont voué·es à une disparition aussi bien matérielle que symbolique et où leurs États d’origine sont placés dans une position de subordination politique. En ce sens, les expulsions matérialisent la réalité des rapports de force politiques entre les États au niveau mondial. Elles participent ainsi du renouvellement de formes d’hégémonie politique en lien avec le passé colonial, particulièrement tangible dans la pression politique exercée par l’Europe sur les pays africains et dans le processus d’externalisation des frontières européennes, mais mettent aussi à nu les rapports de force économiques sur la question de la circulation de la main d’œuvre, en tant qu’instrument matériel de subjugation des travailleur·euses (la Guinée Équatoriale et d’autres pays pétrolifères expulsent de manière brutale et régulière afin d’accroître le turn-over d’une main d’œuvre rendue corvéable à merci). (...)

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