Zambie : un conte de fées à l’envers

, par SHARIFE Khadija

 

Ce texte, publié originellement en anglais par Pambazuka, a été traduit par Chimène Doffenies, traductrice bénévole pour rinoceros.

 

La Zambie était autrefois perçue comme un symbole de progrès en Afrique grâce à la richesse engendrée par ses mines de cuivre. Aujourd’hui, plus de 75% de la population zambienne vit sous le seuil de pauvreté. Khadija Sharife raconte comment le pays, à l’inverse de Cendrillon, a progressivement dû troquer ses riches habits de fête pour des haillons – une histoire répétée à l’envi dans les autres nations du continent, colonisées pour leurs ressources naturelles et qui, bien que « politiquement libérées », sont restées « économiquement dépendantes ».

C’est l’histoire de Cendrillon à l’envers : le conte de fée inversé d’un pays riche qui devient pauvre. Il était une fois, suite à la décolonisation, la Zambie, perçue en Afrique comme une icône du progrès. Classée , aussi tardivement que 1979, comme pays à revenus intermédiaires par la Banque mondiale, son PIB par habitant était équivalent à celui du Portugal, juste derrière celui de l’Espagne et de la Turquie, laissant dans la poussière de son sillage une puissance économique africaine majeure comme l’Égypte. Poussière qui était cuivrée. L’épine dorsale de la richesse zambienne était d’origine monolithique, principalement issue des mines de la région connue sous le nom de “ceinture du cuivre” (Copperbelt), abritant d’importantes villes minières comme Ndola, Kitwe, Chingola, Mufulira et Luanshya, et, plus au Nord, le dépôt de Katangan au Congo – jumeau génétique de la Zambie.

Toujours fertile, le Copperbelt produisait une moyenne de 700 000 tonnes de minerai par an, un chiffre qui a décliné à partir du début des années 70 suite à la crise pétrolière de 1973 et à l’effondrement du marché du cuivre en 1975. Les salaires ont chuté, tandis que le prix de la nourriture augmentait de 650 %, coïncidant avec le « choc Volcker » – lorsque la Réserve fédérale américaine augmenta son taux d’intérêt dans le but de déplacer la crise économique vers les régions en développement. En conséquence, dans une tentative pour maintenir les salaires, les subventions, les pensions et les services de l’État à un niveau adéquat, la Zambie a contracté des facilités de prêt auprès de bailleurs de fonds multilatéraux et bilatéraux, sur les conseils de la Banque mondiale et du FMI.

En l’espace de quelques années, la dette est montée en flèche, passant de 814 millions à 3,2 milliards de dollars US au cours des années 70, doublant jusqu’à 6,9 milliards de dollars US dans les années 80, effaçant ainsi 83% des revenus engendrés par les exportations. En mai 1987, face à une nation au bord du gouffre, Kenneth Kaunda, leader incontesté de la Zambie, déclara que seuls 10% des revenus des exportations devaient être utilisés pour le service de de la dette. Il initia le Nouveau Programme de Relance Economique (New Economic Recovery Programme, NERP) qui avait pour but de diversifier l’économie, de réduire la dépendance envers les importations payées en dollars US,et d’assurer une croissance par la redistribution. Le PIB progressa annuellement de 6,7%, avec une croissance de l’agriculture et de l’industrie de 21 et 15% respectivement. Mais le renforcement de l’économie zambienne semble avoir eu pour effet de stopper net le flux d’argent du Sud vers le Nord sous prétexte de développement, menaçant de catalyser une dangereuse tendance. En juillet 1989, le Club de Paris (pays donateurs) exigea le remboursement immédiat de la dette si les réformes de la Banque mondiale et le FMI n’étaient pas appliquées, et si le remboursement de la dette ne reprenait pas.

Le même mois, la Zambie fit soumission, reprenant contact avec la Banque mondiale. Au même moment, le Movement for Multiparty Democracy (MMD), mené par le syndicaliste Frederick Chiluba, réussit à détrôner Kaunda, après 27 ans de règne. La production de cuivre avait chuté entre-temps à 250 000 tonnes, son niveau le plus bas de l’histoire.
Le programme politique de Chiluba en 1991 incluait la mise en œuvre des politiques d’« ajustement » de la Banque mondiale, en particulier les privatisations. De 1994 à 1997, 244 des 275 mines de cuivre furent vendues à des prix artificiellement dépréciés par l’Agence de zambienne de privatisation (ZPA) ; cinq banquiers de Wall Street, dont les salaires étaient payés par USAID, l’Agence des États-Unis pour le développement international, furent charger de gérer le processus dans tous ses détails. La Banque mondiale présenta ce processus de privatisation comme le plus réussi d’Afrique subsaharienne, créditant de ce succès la ZPA, une entité sous contrôle du secteur privé étranger, et la faible intervention du gouvernement.

Mais le « joyau de la Couronne », la Zambia Consolidated Copper Mines (ZCCM), fut privatisé sous la surveillance étroite de la Banque mondiale et du FMI, avec l’aide de la banque Rothschilds and Son et du cabinet d’avocats londonien Clifford Chance, après la qualification de la Zambie en 1996 à l’Initiative en faveur des « pays pauvres très endettés » (Heavily Indebted Poor Countries, HIPC). Initialement, le consortium « Kafue » – composé de la Commonwealth Development Corporation (anciennement la Colonial Corporation), de Noranda (Canada), de Phelps Dodge (États-Unis) et de l’AngloVaal Mining Ltd (Afrique du Sud), représentant des multinationales minières – offrit 131 millions de dollars US, en plus d’un programme d’investissement bienvenu de 1,1 milliard.

Chiluba refusa, déclarant que la ZCCM « ne pouvait pas être vendue pour des cacahuètes ». Il transféra la responsabilité de gérer la privatisation de la ZPA – initialement mandatée pour conduire la transaction – à Francis Kaunda, directeur exécutif de la ZCCM entre 1973 et1991. Sous la gestion de Kaunda, la multinationale minière sud-africaine Anglo American, qui opérait en Zambie depuis 1928, émergea comme le gagnant, exerçant ses droits de préemption par l’achat de 65% de Konkola Copper Mines (KCM) via Zambia Copper Investments (ZCI), contre un paiement comptant de 90 millions de dollars US, et des promesses d’investissements de 300 millions de dollars US seulement.

Selon Peter Sinkamba, de l’ONG Citizens for a Better Environment, l’Anglo a utilisé son fauteuil au Conseil d’administration de la ZCCM pour saboter les négociations avec le consortium Kafue. Un exemple en est la séparation de la fonderie de Mufulira du reste des actifs liés à la mine de Nkana alors offerts à la vente, qui rendait l’offre incomplète et peu attractive pour d’éventuels acheteurs. PriceWaterHouseCoopers a critiqué la position de l’Anglo et le traitement de faveur dont elle a bénéficié ; des entreprises minières comme Chambishi Metals dénoncèrent les exemptions fiscales dont bénéficiait l’Anglo, lesquelles s’étendaient aux domaines de la sécurité, du travail, de la santé et de la protection de l’environnement ; elles demandèrent un traitement similaire, correspondant aux 25% de taxes sur les entreprises dont bénéficiaire de fait l’Anglo.

Les acquisitions de l’Anglo comprennent un certain nombre de mines, telles que Nkana et Nchanga, qui produisent plus de 50 % du cuivre zambien ainsi que la gloire de la ZCCM : la mine Konkola. Précédemment, les bailleurs du Club de Paris avaient refusé le déblocage de 530 millions de dollars US jusqu’à ce que les mines Nkana et Nchanga soient vendues.

Deux ans après avoir fait l’acquisition de Konkola Copper Mines « pour des cacahuètes », Anglo vendit la mine. « L’arrivée de l’Anglo dans la gorge de Konkola était comme un homme en train de couler qui s’agripperait à un serpent…non que l’Anglo soit un serpent. », a déclaré Anderson Mazoka, ancien directeur de l’Anglo en Zambie.

Martin Potts, un analyste travaillant pour le courtier londonien Williams de Broe estime pour sa part : « Compte tenu des antécédents de l’Anglo en Zambie, on peut se demander s’il existait un réel intérêt économique, ou s’il ne s’agissait que de motivations historiques et d’égo. »

Cette décision de l’Anglo, comme Abel Mkandawire, alors président de la Chambre de commerce du pays, allait plus tard le déclarer, « revenait presque à fermer la Zambie elle-même ».

En octobre 2004, Vedanta Resources, une entreprise basée au Royaume-Uni, acquit 51% des parts de la « plus grande mine du monde » pour 48 millions de dollars US comptant. Dans les trois mois qui suivirent, la compagnie enregistra 26 millions de dollars de profit provenant de Konkola Copper Mines, le plus important employeur de Zambie après l’État. Une option d’achat négociée secrètement en 2004 autorisait également cette entreprise à acquérir en sus les 28,4% de la ZCI, assurant dans les faits à Vedanta un monopole de 79,4% des actions. L’opération de rachat du capital social pour 213 millions de dollars US a suscité le commentaire suivant de Bruce Barclay, directeur de la compagnie d’investissements sud-africaine Southern Charter Wealth Management : « Le contrôle du KCM est tombé entre les mains des investisseurs étrangers, ce qui ne manquera pas d’entraîner la perte de millions, voire de milliards de dollars pour la Zambie, ses citoyens et les actionnaires de ZCI Ltd. »

Le gouvernement zambien avait aidé au processus, en supprimant la Commission à la concurrence pour permettre à la Vedanta de devenir actionnaire majoritaire. Cette vente, déclara Southern Charter, revenait à « dérober à la Zambie le contrôle de ses plus précieuses réserves de cuivre pour les trente années à venir au moins. »

Mais les racines de la maladie politico-économique de la Zambie, endettée de 30% de son PIB, dépendant dans une proportion similaire des rentes stratégiques (aide étrangère), est ancrée dans l’échec du pays à diversifier son économie politique dans les années qui suivirent son « indépendance nominale ». Au lieu de cela, l’État poursuivit dans la voie du colonialisme économique, faisant du pays un État rentier orienté vers l’exportation, dépendant des multinationales pour des revenus d’origine externe, obtenus au prix de la liquidation de ressources finies.

La Zambie fut colonisée à la fin des années 1880 par la British South Africa Company (BSAC), une multinationale créée par Cecil Rhodes, le magnat économique qui procéda à la « conquête » d’une grande partie de l’Afrique australe par le biais de Chartes royales octroyées par la « Couronne » britannique. Dès les années 1920, les agents de Rhodes, comme Frank Lochner, qui donna son nom aux concessions Lochner, avaient réussi à prendre le contrôle de la majorité des concessions. Ces concessions Lochner assuraient à Rhodes tous les droits miniers du Nord-Ouest de la Rhodésie. Le désir de la BSAC de contrôler la Copperbelt (et la cobalt belt qui allait avec) était si ardent que la compagnie refusa de renoncer à ses droits miniers au moment de l’indépendance en 1964, ne cédant qu’après que la Zambie l’ait menacé d’expulsion pure et simple.

Vint ensuite la privatisation, et deux pièces essentielles de la législation – la Loi sur l’investissement de 1995, et la Loi sur les mines et les minéraux –furent introduites pour faire en sorte que les recettes liées au cuivre dont bénéficiait l’État, principalement des revenus fiscaux provenant des redevances (taxes minérales) et de l’impôt sur les sociétés, soient considérablement érodées. Plus de dix ans après la privatisation, les parlementaires zambiens, les ministères concernés et même les administrations fiscales et les syndicats n’ont toujours pas réussi à prendre connaissance des accords secrets de développement qui ont abouti à la scission de la ZCCM en sept unités.

Selon un fonctionnaire du Département des Mines, « Le secteur privé voulait des concessions… Donc, dans la Loi sur les mines, vous trouverez des dispositions en vue de ces concessions. »

La législation comprenait des vides délibérés visant à renvoyer le détail des dispositions à chaque accord de développement particulier – par exemple, la réduction des redevances à 0,6% au lieu des 3% établis. Les avantages accordés aux multinationales incluaient une période de stabilité pouvant aller jusqu’à 20 ans, qui les exemptait de fait de toute législation que pourraient adopter le Parlement pendant cette période, et de toute autre modification du cadre légal national ; le droit de reporter leurs pertes sur toute la période de stabilité ; déductions de 100% des rétrocessions, envois et provisionnements de devises étrangères pour les investissements en capitaux ; aucune taxation à la source ; et diverses exemptions fiscales et parafiscales allant du droit de douane jusqu’aux pénalités pour pollution environnementale ; fonds de retraite, et possibilité d’employer des travailleurs temporaires – pouvant aller jusqu’à 45 % de l’effectif.
L’ancienne ministre des finances Edith Nawakwi déclara : « Nous nous sommes entendus dire par nos conseillers, dont ceux du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, que… pour les 20 années à venir, le cuivre de Zambie n’amènerait aucun profit. [Inversement, si nous privatisions], nous serions en mesure d’accéder à un allègement de la dette, et il s’agissait d’une énorme carotte pour nous faire avancer – c’était comme agiter un remède devant le nez d’une mourante. Nous n’avions pas d’autre option [que d’obtempérer]. »

Les donateurs du Club de Paris ont refusé 530 millions de dollars de fonds jusqu’à ce que les grandes mines soient aux mains d’« investisseurs étrangers ». Cela était en phase avec le Plan stratégique pour les mines africaines de la Banque mondiale. « L’effort global de la Banque et des bailleurs devrait se focaliser sur la réduction du ‘risque’ à investir dans le pays. Les investisseurs ont besoin de conditions compétitives, et d’une certitude absolue que les règles du jeu ne changeront pas en cours de route… ».

Une décennie plus tard, la Zambie était exclue du boom économique des matières premières, qui a vu les multinationales engranger de substantiels bénéfices grâce au cuivre, lorsque les prix moyens cassèrent le plafond des produits de base, connaissant une inflation de 2800 dollars par tonne (2004) à 9000 dollars par tonne (2008). La part de revenu bénéficiant à la Zambie a en fait diminué de 50%, passant de 1,4% (2003) à 0,7% (2004), alors même que les exportations du pays doublaient (2005-2006), totalisant 2,78 milliards de dollars.

Pendant ce temps, les entreprises minières ne versaient que 1,5 million de dollars de redevances (2005), et la Société financière internationale –un organe de la Banque mondiale – admettait elle-même que du fait de la valeur cumulée des exemptions, les entreprises bénéficiaient de fait d’un taux d’imposition nul. Un résultat atteint grâce à la privatisation impulsée par la Banque mondiale et à la politique de « concurrence fiscale » menée par le FMI, consistant à pousser les pays en voie de développement à rivaliser entre eux en matière de baisse des taux d’imposition. La Zambie présenta bientôt le septième plus bas taux d’imposition au monde. Et ce en dépit du fait qu’en matière d’exploitation des ressources naturelles, les entreprises sont bien obligées d’opérer là où sont les ressources.

« Les mesures populaires visant à attirer les investisseurs comme les exemptions fiscales temporaires ne servent qu’à gonfler la valeur d’investissements qui seraient probablement effectués dans tous les cas. », a admis le cabinet global de consulting McKinsey en 2004.

Par exemple, la KCM, sous le contrôle de Vedanta, n’a payé au gouvernement que 6,1 millions de dollars de redevance, pour des recettes d’un montant d’1 milliard de dollars (2006-2007). Pourtant, selon des estimations émanant des propres registres de la KCM, 50% des contributions fiscales de la compagnie au bénéfice du gouvernement proviennent des contributions des employés via le programme PAYE, « pay as you earn », une forme d’impôt à la source.

Bien sûr, les Zambiens subventionnent les multinationales de multiples manières, comme en accédant à l’eau par le biais de compteurs prépayés, tandis que les sociétés ne reversent que quelques milliers par an seulement pour leurs licences d’extraction d’eau. Une moyenne de 13 à 28 mètres cubes d’eau par seconde est nécessaire au fonctionnement des mines de cuivre. Les concessions cédées au rabais incluent d’autres ressources telles que du bois, des terres fertiles ou des rivières. De plus, les multinationales ne sont pas tenues de respecter les régulations environnementales comme le taux recommandé d’émissions de dioxyde de soufre. En Zambie, les sociétés sont en grande partie autorégulées, produisant jusqu’à 25 fois le taux d’émission toléré. Les compagnies adhèrent à un « plan de gestion environnementale », lequel a précédence sur le droit national, sans pénalité en cas de violation sinon des lettres d’avertissement et des amendes sur le fait de £17 (2006). Le « Projet environnemental pour la Copperbelt » de la Banque mondiale décrit le Conseil environnemental de Zambie comme « très faible… les réglementations en vigueur sont rarement appliquées… ».

« Les mesures de régulation qui s’appliquent au secteur minier sont actuellement si faibles qu’elles ne dissuadent pas les pollueurs… L’identification et la surveillance des risques environnementaux résultant de l’activité minière sont souvent inadéquates. »

D’un point de vue écologique, si les terres fertiles cultivées ne représentent que 6% d’un total de 48% du territoire, elles contribuent tout de même à 20% du PIB, et emploient entre 60 et 80 % de la population zambienne dans les secteurs formel et informel. Mais le gouvernement n’a pas encore pris en compte l’évaluation économique des services écosystémiques. Même le trésor national de la Zambie, le Parc national de Kafue – le deuxième plus grand parc national au monde, l’une des plus riches de la planète en espèces sauvages menacées — est menacé par la pollution rejetée dans la rivière Kafue, qui traverse le Parc, lui-même adjacent à la Copperbelt. En 2006, KCM a relâché de grandes quantités d’acides et d’agents toxiques dans le fleuve, un rejet causé selon le Conseil environnemental de Zambie par une « négligence grossière ». Le Kafue est un des plus importants affluents du Zambèze et l’une des principales artères de Zambie.

C’est une négligence qui s’étend aux politiques socio-économiques des multinationales et de l’État zambien. Le Département de Sécurité minière est une institution purement réactive, qui, généralement, n’inspecte les mines après les accidents, alors que la Loi sur la régulation des explosifs et de la sécurité des mines n’a toujours pas été mise en application, un an après avoir été adoptée, en raison d’un manque de personnel qualifié. Avant la privatisation, la ZCCM soutenait non seulement la nation, à travers des exportations représentant 80% des revenus du pays, mais aussi la province de la Copperbelt elle-même, en subventionnant la nourriture, le logement, l’éducation, les retraites, les hôpitaux et les cliniques, dans le cadre de la politique sociale « du berceau jusqu’au tombeau » pratiquée en Zambie.

Ces jours-ci, les travailleurs temporaires restent à la merci des multinationales, dans l’incapacité d’accéder à un régime de retraite, tandis que tous les travailleurs – permanents aussi bien que temporaires – sont exposés à des conditions de travail dangereuses et parfois meurtrières. Pendant ce temps, le salaire minimum attend encore d’être revu à la hausse en fonction pour suivre l’inflation du prix des besoins de base, comme la nourriture, le logement, l’eau et l’assainissement.

Ces jours-ci, 75% de la population zambienne vit sous le seuil de pauvreté, avec une espérance de vie restée bloquée à 35 ans en moyenne – équivalant à l’espérance de vie d’un Britannique dans les années 1840. Le pays est classé 163e sur 179 par les Nations Unies au regard de l’Indice de développement humain. Mais bien que la Zambie offre l’illustration la plus brutale et la plus claire de la « malédiction des ressources » qui pèse sur l’Afrique – manifestée par une dépendance envers les rentes tirées des ressources, des enclaves industrielles fondées sur des principes démocratiques plus que sélectifs négociés entre multinationales et États et une profonde distorsion de la base fiscale –, le leitmotiv de la désindustrialisation et de la démodernisation ne concerne pas seulement la Zambie mais tout le continent africain. Cette « retour en arrière » ne représente rien d’autre que d’anciennes colonies libérées d’un point de vue politique, mais économiquement encore sous les chaînes.