L’un des deux garçons fanfaronne, ricane, amusé de voir son ami passionné par le récit de sa dernière soirée. L’autre garçon le chahute et le relance en répétant haut et fort « allez vas-y, raconte ce qu’il s’est passé ». Quand une voix féminine s’élève : « La bibliothèque municipale n’est pas un lieu de divertissement. On y lit, on y travaille. Pour le chahut et les discussions, c’est dehors ». Pour autant, le silence ne revient pas. Les deux jeunes continuent leurs discussion comme si de rien (supprimer espace) n’était. Alors que faire, que dire ? La question est ouverte et lancée au public.
Car cette scène n’est pas tirée de la vie réelle mais d’une représentation de théâtre. Du « théâtre-forum », pour être plus précis. Un genre de représentation destinée non pas simplement à distraire le spectateur, mais à le faire réfléchir et agir.
Créé par le dramaturge brésilien Augusto Boal dans les années 1960, le théâtre-forum est un outil qui vise à forger l’esprit critique du public. Ce dernier n’est plus passif, installé confortablement dans son siège en attente que la chose se passe. Il est au contraire incité de rentrer dans la danse, de se mêler au débat, de suggérer des alternatives possibles aux difficultés rencontrées. Dans le cas présent, comment rétablir le calme sans pour autant s’énerver ni exclure les fauteurs de trouble ? Certains suggéreront un règlement intérieur de la bibliothèque plus stricte, d’autres la présence obligatoire d’animateurs pour encadrer les jeunes, d’autres encore des séances de sensibilisation à l’importance du respect de l’autre. Aucune réponse n’est mauvaise : chaque spectateur qui monte sur scène contribue ainsi à faire évoluer le débat en expérimentant ensemble des solutions possibles aux défis du vivre ensemble.
Le concept est un réel succès, non seulement au sein de la société mais surtout dans le cadre scolaire, où élèves, collégiens et lycéens sont amenés par le biais du divertissement et de l’interaction à développer leur capacité de réflexion sur des thèmes aussi divers que le racisme, les comportements à risques ou encore le harcèlement scolaire.