En 1993, les éditions ICARIA ont publié un livre intitulé La larga noche neoliberal - Políticas económicas de los 80 (la longue nuit néolibérale, politiques économiques des années 80), dans lequel est abordé l’impact du néolibéralisme en Espagne.
Durant les 20 dernières années, le sous-secteur de l’électricité a été soumis aux critères du marché libéralisé, c’est-à-dire au « marché de gros » [1]. Le capital privé devait être attiré afin qu’il réalise les investissements nécessaires. La performance ne résidait, soi-disant, que dans le secteur privé. Afin d’atteindre, à n’importe quel prix, cette privatisation très convoitée, toute une série de décisions, dont les objectifs en matière de performance différaient, a été prise.
Ainsi, déployant le discours pro-marché, les centrales électriques ont été divisées en unités de production, d’acheminement et de distribution. Leur fonctionnement habituel a été changé et leur capacité de financement diminuée. Simultanément, dans un acte de grande irresponsabilité dogmatique [2] et à des fins politiques, sans une attribution convenable des ressources publiques, les entreprises de distribution se sont vu imposer un tarif de vente de l’électricité inférieur à celui d’achat (respectivement à 8 et 14 centimes de dollar, soit environ 6 et 11 centimes d’euro). Tout signalait que les bénéfices étaient destinés aux entreprises de production d’énergie, en grande partie privées. Les entreprises publiques, en particulier celles de distribution, en ont été affectées et ont également souffert d’un important pourcentage de pertes techniques et non techniques, principalement dû au vol d’énergie [3] qui avoisinait les 25 % [4]. Dans ces circonstances, la décapitalisation et le chaos financier sont apparus avec force, tout comme la désinstitutionalisation du sous-secteur [5]. De plus, l’inertie économique, administrative, environnementale et sociale a été la règle de fonctionnement de se sous-secteur.
Dans la pratique, l’État a continué à subventionner les entreprises, dont certaines privées, qui étaient totalement improductives. Les centrales de production ont accumulé des dettes énormes (avoisinant les quatre milliards de dollars, soit environ trois milliards d’euros) et celles de distribution ont présenté des pertes d’énergie de l’ordre de 25 % en moyenne, en 2005 [6]. Des décrets d’urgence, servant à compenser ces incongruités grâce aux ressources fiscales, ont été mis en place au fur et à mesure des années.
Le problème structurel le plus grave, davantage que la vision dogmatique de la gestion du sous-secteur de l’électricité et en général du secteur de l’énergie, a été le manque d’investissements réalisés afin de pouvoir répondre à la demande croissante en électricité [7]. De plus, aucune place n’a jamais été laissé à une politique pour ajuster la demande à la disponibilité des ressources énergétiques du pays ou pour atteindre des niveaux appropriés de performance de production et de consommation d’énergie. Dans ces conditions, la note a été très salée pour le pays. Par exemple, afin de répondre à la demande croissante, la production d’énergie thermique a été augmentée tout comme les importations d’électricité depuis la Colombie, et occasionnellement depuis le Pérou, à des prix beaucoup plus élevés que ceux d’une production locale.
En outre, les retards accumulés dans la mise en place des actions programmées se sont révélés néfastes. Pour ne mentionner que certains cas, les centrales San Fransisco et Chepsi devaient être respectivement ouvertes en 1997 et 1999, tout comme la centrale Sopladora [8] en 2000 et Coca-Codo-Sinclair en 2003 [9]. Les retards des investissements ont conduit à une accumulation des besoins de fonds qui avoisinait les 3,2 milliards de dollars (environ 2,4 milliards d’euros) en 2007. Pendant ce laps de temps, dans la mesure où la construction de centrales hydroélectriques continuait à être ralentie, le pays a dû recourir à la production d’énergie thermique qui est coûteuse et polluante.
Durant ces années, plusieurs entreprises d’électricité privées qui possédaient des centrales de production d’énergie thermique, ont disposé d’importants revenus grâce au protectionnisme étatique. Le cas le plus célèbre est celui de l’entreprise Emelec de Guayaquil, qui a bénéficié à partir de 1965 d’une subvention de l’État, qui lui garantissait des revenus minimaux payables en dollars sur ses actifs fixes de 9,5 %. La situation est similaire pour Electropower ou Electroquil, qui, par d’autres méthodes, ont bénéficié d’une rentabilité élevée assurée par l’État.