Le développement de la Chine et les cycles économiques des minerais stratégiques

Par Monica Bruckmann

, par ALAI

Cet article a initialement été publié en espagnol, et il fait partie d’un dossier intitulé Ressources naturelles et géopolitique de l’intégration sudaméricaine. Il a été traduit par Anne Le Meur, traductrice bénévole pour rinoceros .

a) Infrastructure : consommation intensive de ciment

L’augmentation de la production de ciment en Chine a débuté en 1989, mais, en réalité, c’est à partir de 1990 que cette augmentation se dynamise, atteignant en 2004 plus du tiers de la production mondiale. De fait, l’essor rapide de la production mondiale de ciment dès 1990 est dû principalement à la production chinoise. On considère qu’en 1990 débute l’essor de l’infrastructure dans le pays. En 2004, la consommation de ciment en Chine s’élevait à environ 810 millions de tonnes métriques par an et la production à 813,2 millions de tm., ce qui permettait au pays de répondre à sa propre demande. Dans le même temps, les États-Unis consommaient 115 millions de tm. et en produisaient à peine 95,9 millions, enregistrant ainsi un déficit de 19,1 millions de tm., soit 17 % de leur consommation.

Graphique 8 : Chine : production de béton hydraulique, 1950-2003 - Voir document Pdf.

Selon des données de 2006, sur la totalité des importations de ciment destinées à la consommation des États-Unis, 30 % venaient de Chine [1]f ; en 2007, ce chiffre tombait à 24 % [2] et en 2008 il continuait de diminuer, représentant à peine 17 % [3]. Sans doute, avec la croissance rapide de la consommation de ciment en Chine, la tendance attendue est que ce pays réduise ses exportations vers les États-Unis afin de répondre à sa demande intérieure, ce qui amènera donc les États-Unis à chercher des sources alternatives d’approvisionnement. L’Amérique Latine, notamment le Brésil et le Mexique, qui sont les principaux producteurs de ciment de la région, représentent ces sources alternatives. Le Brésil est le premier producteur de ciment d’Amérique Latine, avec une production annuelle de 53 millions de tonnes métriques selon les chiffres de 2009, suivi du Mexique qui produisait 45 millions de tm. à la même période [4].

b) Industrie légère : consommation de cuivre

À partir de 1998, la Chine commence à enregistrer un manque croissant de cuivre. Comme le montre le graphique 6, dès 1998, la consommation de cuivre augmente à des niveaux bien supérieurs à ceux de la production minière. En 2005, la production de cuivre avoisine les 2 millions de tonnes, alors que la consommation atteint plus de 3,5 millions de tonnes, générant un déficit de plus de 40 % par rapport à la consommation totale.

Graphique 9 : Chine : consommation et production de cuivre, 1990-2005 - Voir document Pdf.

Une tendance très nette se confirme ainsi : afin de garantir l’approvisionnement soutenu en cuivre qui alimente son industrie légère, la Chine a besoin de multiplier ses investissements miniers dans les principaux pays producteurs de cuivre du monde. Et où se dirigent les intérêts de la Chine par rapport à ce minerai ? Vers le Chili, le Pérou et le Mexique qui possèdent 48 % des réserves mondiales de cuivre.

En tenant compte du cadre analytique des cycles miniers, basé sur l’augmentation exponentielle de la consommation de cuivre, la Chine se trouve dans la première phase (entre 20 et 30 %) de développement de l’industrie légère. Ce qui indique qu’elle consommera encore ce minerai de manière intensive pendant vingt à trente ans.

c) Industrie lourde : aluminium, minerai de fer et acier

Aluminium :
Le graphique 10 montre que, de 1990 à 2005, la Chine a multiplié par six sa consommation et sa production d’aluminium. On observe que la production domestique suffit à la consommation ; toutefois, cette production repose sur de la bauxite et de l’alumine d’importation.

Graphique 10 : Chine : production et consommation d’aluminium, 1990-2005 - Voir document Pdf.

Les réserves de bauxite d’Amérique Latine atteignent 2,2 millions de tm., soit 8 % des réserves mondiales. Cela équivaut à dix fois les réserves des États-Unis et à plus de trois fois celles de la Chine. Le Brésil et le Venezuela concentrent les plus importantes réserves de bauxite d’Amérique Latine. Selon les chiffres de 2009, le Brésil comptait pour 86 % des réserves totales d’Amériques Latine et le Venezuela pour 14 %.

Minerai de fer :
Depuis 1990, la Chine augmente de manière exponentielle ses importations de minerai de fer. En douze ans, de 1990 à 2002, elle les a multipliées par plus de sept : de moins de 20 millions de tonnes métriques en 1990 à plus de 150 millions de tm. en 2002, devenant ainsi le premier importateur de minerai de fer de la planète. À partir de 2002, elle dépasse le Japon qui, durant les deux dernières décennies du XXe siècle, avait occupé de loin le premier rang mondial en termes d’importations de ce minerai (principalement pour approvisionner sa production automobile), comme nous pouvons le voir sur le graphique 11. Déjà en 2005, la Chine importait plus de la moitié du minerai de fer en haute concentration (Fe Content) et 36 % du fer brut dont elle avait besoin pour sa consommation [5].

Graphique 11 : Principaux importateurs de minerai de fer, 1980-2003 - Voir document Pdf.

Le graphique 11 montre l’augmentation très nette de la consommation de minerai fer en Chine à partir de 2000, laquelle atteint 409 millions de tm. en 2003, tandis que la production intérieure de ce minerai est à peine de 261 millions de tm. la même année. Il faut souligner que la production chinoise de minerai de fer est de faible concentration (en moyenne 33 % de teneur en fer), avec un fort degré d’impuretés ; de plus, elle provient de petites et moyennes mines. La Chine importe du minerai de fer de meilleure qualité (avec un taux de concentration supérieur à 60 %), principalement d’Australie et du Brésil.

Graphique 12 : Principaux producteurs mondiaux de minerai de fer, 1990-2003 - Voir document Pdf.

Le Brésil se situe parmi les trois premiers producteurs de minerai de fer en haute concentration, avec l’Australie et la Chine. Quant à la production de fer brut (gross weight), la Chine occupe la première place mondiale en 2003, suivi du Brésil, puis de l’Australie, comme nous pouvons le voir sur le graphique 12. Cependant, si on compare la production de fer de meilleure qualité (concentration plus forte), on note que le Brésil domine la production mondiale, avec une croissance soutenue depuis 1990.

Ces tendances montrent que, tant par sa capacité de production que par sa consommation, la Chine va dominer l’industrie mondiale du fer. Il faut souligner que cette industrie dépend de manière accrue des principaux pays producteurs de minerai de fer que sont le Brésil, l’Australie et le Pérou.

Acier :
Le graphique 13 montre qu’en 2003 la production chinoise d’acier était de 220 millions de tm, soit 23 % de la production mondiale et une augmentation de 15 % par rapport à l’année antérieure. Cet accroissement est lié à l’industrie automobile qui a nécessité en 2003, 37 % d’acier en plus que l’année précédente. L’industrie de l’électroménager a été responsable d’une augmentation de la production de 35 %, et l’industrie navale de 14 % au cours de la même période.

Graphique 13 : Chine : production et consommation d’acier, 1990-2005 - Voir document Pdf.

Ce graphique montre que la demande chinoise en acier a doublé entre 2001 et 2004, en raison de l’essor de la production automobile : elle a ainsi enregistré une augmentation beaucoup plus importante que dans les autres pays asiatiques. Durant la même période, la demande en acier du continent américain a connu un léger accroissement entre 2003 et 2004, alors que la demande européenne est restée stable, mais à un niveau bien supérieur à celui de l’Amérique.

Le principal producteur d’acier en Amérique Latine est le Brésil, et c’est dans ce pays que la Chine a investi pour l’extraction de ce minerai. Actuellement, l’entreprise chinoise Wuhan Iron and Steel Corp. négocie un contrat d’investissement de 3290 millions de dollars avec l’entreprise brésilienne LLX, en vue de la construction d’une usine d’acier à São João da Barra [6].

Graphique 14 : Tendance mondiale de la demande en acier (steel), 2001-2004 - Voir document Pdf.