Entre le minerai et l’enclume. L’interdiction d’exportations du minerai non transformé en Indonésie

, par TNI , HERTANTI Rachmi

A l’ère de la transition énergétique, la question du contrôle et du pouvoir de l’État est de retour sur la scène internationale. Toutes ces dynamiques passent actuellement au premier plan, avec en particulier les tentatives des États-Unis et de l’Union européenne, qui cherchent à affaiblir leur dépendance vis-à-vis des acteurs économiques chinois, et à mettre en place des politiques publiques pour reprendre la main sur l’accès et le contrôle de ce qui est communément appelé le « minerai de la transition ». Cette lecture un peu longue [dont ritimo ne traduit que l’introduction] passe en revue certaines des tensions auxquelles l’État indonésien doit faire face, dans le cadre de politiques publiques contradictoires, au milieu de ces différents défis à relever.

Mine de charbon en Indonésie.

A l’ère de la transition énergétique, la question du contrôle et du pouvoir de l’État est de retour sur la scène internationale. Dans le cadre de la montée des tensions géopolitiques et géo-économiques entre les États-Unis et la Chine, les États qui possèdent des ressources clés pour les technologies de décarbonisation (par exemple, le cuivre pour les éoliennes, le nickel et le lithium pour les batteries des véhicules électriques) se retrouvent aux prises avec la question de savoir si, et comment, tirer profit de leur position. L’année dernière, le Mexique a nationalisé son industrie du lithium, le Zimbabwe a interdit l’exportation du lithium non transformé et récemment, le président chilien à tendance de gauche Gabriel Boric a annoncé un rôle renforcé de l’État dans l’industrie nationale du lithium dans son pays. De la même manière, l’État indonésien évalue la situation en diminuant les exportations de minerai non transformé.

Ces États riches en ressources tentent une manœuvre d’équilibre prudente. De manière très générale, tous les États capitalistes doivent faire face au défi d’assurer d’une part l’expansion permanente de l’accumulation du capital au sein de leurs territoires, et d’autre part d’obtenir le maximum de légitimité sociale de la part de leurs populations. En ce qui concerne les activités minières en particulier, ces deux objectifs sont souvent contradictoires : l’expansion des industries minières implique généralement des coûts sociaux et environnementaux importants. Comme si cela n’était pas suffisant, ces États – en particulier les plus pauvres – sont aussi aux prises avec des questions d’industrialisation nationale et de comment équilibrer leurs relations entre le capital national et étranger. Les États qui osent émettre des critères pour les investissements aussi bien étrangers que nationaux dans des industries comme les mines, font immédiatement face à des menaces de fuite de capitaux – ce que le Financial Times décrivait dans la première phrase de son rapport sur le Chili : la décision du gouvernement aurait « créé de l’insécurité pour les investisseurs ». En ce qui concerne le Mexique, le même journal écrivait le 5 juin 2023 : « Les changements dans le code minier, qui rendent l’accès aux concessions minières plus compliqué pour les entreprises, menacent de provoquer une vague de procès de la part des mineurs canadiens qui ont investi dans le pays ». De plus, les conflits et les collaborations entre États ont également des conséquences sur la gestion de l’État de cet équilibre fragile.

Toutes ces dynamiques passent actuellement au premier plan, avec en particulier les tentatives des États-Unis et de l’Union européenne, qui cherchent à affaiblir leur dépendance vis-à-vis des acteurs économiques chinois, à mettre en place des politiques publiques pour reprendre la main sur l’accès et le contrôle de ce qui est communément appelé le « minerai de la transition ». Cet article passe en revue certaines des tensions auxquelles l’État indonésien doit faire face, dans le cadre de politiques publiques contradictoires, au milieu de ces différents défis à relever. Dans un premier temps, il couvre les marges de manœuvre potentielles pour des projets d’industrialisation nationale que la transition énergétique et les rivalités géopolitiques permettent. Ensuite, il examine comment ces marges de manœuvre sont remises en cause par le commerce international et les régimes d’investissement tels qu’ils existent actuellement ; et de plus, comment ces régimes de commerce et d’investissement sont actuellement renforcés par les relations économiques comme dans le cas Union Européenne-Indonésie. Ce texte conclue sur quelques questions pour les forces du mouvement social indonésien et au-delà.

Des minerais critiques à un moment critique

La politique publique indonésienne d’interdiction des exportations de minerai non transformé a récemment été sous le feu des projecteurs au niveau international. Cette politique publique a été rendue publique dans le cadre des tensions géopolitiques entre les États-Unis et la Chine, en particulier de leur compétition pour assurer la chaîne d’approvisionnement en minerai critique afin de satisfaire les besoins de la future tendance mondiale : l’industrie de la technologie et de l’énergie fondée sur des technologies vertes.

Les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine, la pandémie de Covid-19, ainsi que la guerre en Ukraine, ont mis à mal les chaînes d’approvisionnement mondiales, et fait émerger la question de l’accès et du contrôle des minerais de la transition. La perturbation vient de la forte dépendance internationale vis-à-vis de la production et l’approvisionnement en minerais de la transition, qui reste aux mains de quelques rares pays, en particulier la Chine. Par exemple, la République Démocratique du Congo (RDC) et la République Populaire de Chine (Chine) concentrent respectivement 70 % et 60 % de la production mondiale de cobalt et de certains terres rares en 2019 ; et en ce qui concerne les opérations de transformation, les compagnies chinoises concentrent 35 % du raffinage du nickel, entre 50 et 70 % du raffinage du lithium et du cobalt, et presque 90 % de celui des terres rares.

La stratégie de l’Indochine est de jouer un rôle important dans les activités de la chaîne d’approvisionnement pour la production mondiale de batteries électriques, en particulier pour les véhicules électriques. Le gouvernement indonésien en a fait sa priorité industrielle depuis 2019. Le 21 décembre 2022, le Président Joko Widodo a de nouveau annoncé une interdiction sur les exportations de bauxite, qui entrerait en vigueur en juin 2023 ; l’idée était au contraire que le minerai soit transformé et raffiné dans ce pays. Il ne s’agit là que de la dernière mesure en date, dans une série de politiques publiques qui remontent à 2014, lorsque l’Indonésie a émis une interdiction d’exportation de minerai non transformé et sur le minerai de nickel en janvier 2020. On peut s’attendre, dans les temps à venir, à des politiques publiques indonésiennes de plus en plus sévères en ce qui concerne l’exportation d’autres minerais comme le cuivre et le l’étain.

Lire l’article complet en anglais sur le site du Transnational Institute