Les fiches d’expériences [1] montrent que cette question de la légitimité est extrêmement importantes pour les acteurs, quels qu’ils soient. Et quelle que soit la manière d’y arriver. On remarquera un remarquable accord, une remarquable complémentarité entre les commentaires des différentes fiches : de Belgique, du Congo et du Cameroun !
1.Ce qui fonde la légitimité
Une lecture transversale synthétique nous amène à identifier trois facteurs de légitimation des projets :
- Ce sont les actions qui fondent la légitimité d’un projet, mais par action, on peut entendre les méthodes ou les résultats
- Ce sont les acteurs qui fondent la légitimité d’un projet. Les acteurs les plus cités sont les citoyens et les pouvoirs publics.
- Ce sont les valeurs sous-jacentes d’un projet qui fondent sa légitimité.
2.La légitimité fondée sur les actions
La légitimité via des résultats
La question de la rencontre des besoins réels est d’une certaine manière remise en cause par les auteurs de fiches. Certains parlent de vécu plutôt que de besoins. Mais au-delà de cette première réflexion, certains disent qu’il est important de répondre aux besoins des gens, mais ce qui compte par dessus tout, c’est in fine le résultat, les réalisations qui légitimeront le travail. C’est quand on verra les réalisations “que l’on verra si citoyens et élus sauront porter leurs responsabilités”.
Le résultat se mesure de diverses manières : certains citent le degré de participation au projet, mais aussi le degré d’essaimage du projet. Ce sont des éléments qui légitiment l’action. En Belgique, le nombre de fermiers qui participent au projet NITRAWAL ou la quantité de citoyens qui trient leurs déchets est légitimant. Au Cameroun, on explique que des quartiers de Yaoundé, non concernés par un projet pilote, vont tenter de répliquer l’expérience, montrant en cela la légitimité de la démarche !
Enfin, parmi les résultats qui prouvent que l’action menée est légitime, on citera les changements de comportement de la population, preuve que celle-ci prend peu à peu conscience qu’il existe des solutions.
La légitimité via des méthodes
Étonnement peut-être, la légitimation peut provenir des méthodes employées, notamment les enquêtes sont les résultats doivent être validés par les personnes, validés par l’ensemble de la communauté pour pouvoir légitimer une action qui va suivre. Une des expériences signale que c’est la réalisation d’un guide méthodologique qui a légitimé leur action.
Parmi les méthodes, en plus de l’enquête, il y a aussi l’histoire d’un quartier, d’un pays, sur lequel on pose un regard critique qui peut légitimer une action. On peut citer l’exemple de ce projet à Bruxelles qui estime répondre à des émeutes urbaines. L’analyse qui est posée sert de méthode pour les projets mis en place : “on n’améliore pas une ville sans reconstruire du logement - mieux vaut cibler que saupoudrer – on ne construit pas la ville contre ses habitants, ce qui donne lieu au slogan aménager la ville et ménager les gens”.
Enfin, il semble que l’on puisse mesurer la légitimité d’un dispositif s’il est spontané et non obligatoire. “C’est au fil du temps qu’on jugera de la légitimité du projet aux yeux des locataires”.
3.La légitimité fondée sur les acteurs
Il semblerait que les acteurs se légitiment l’un l’autre : le politique légitime l’action citoyenne et le citoyen légitime l’action politique.
Les citoyens sont légitimés parce que leur projet est intégré dans le dossier global de réaménagement d’un quartier réalisé par les politiques. Ils le sont aussi parce qu’ils ont le droit d’exposer leur projet aux autorités publiques.
Les politiques sont quant à eux légitimés parce que les habitants ont estimé que, suite à l’action menée, le pouvoir semblait intègre et soucieux de leurs besoins. Signalons encore cette fiche qui nous dit que les pouvoirs publics tirent leur légitimité de pouvoir soutenir des dispositifs innovants. En l’absence de solutions, le politique se légitime par son soutien à l’innovation.
Mais pour d’autres expériences, la légitimité passe par la rencontre et la mise en conglomérat des divers acteurs d’un projet : le projet est légitime parce qu’il émane des citoyens et rencontre le souci des élus ; la légitimité provient de la rencontre de 3 catégories d’acteurs (les citoyens qui trient leurs déchets – les entreprises qui s’affilient – les pouvoirs publics qui soutiennent). La cohérence globale qui ressort de cette mise en commun est un critère de légitimité du projet. La diversité des personnes au sein d’un projet, voire d’un organe de consultation ou de décision est aussi jugé comme un critère de légitimité du projet.
Signalons que les médias ont parfois un rôle à jouer également. La présence des médias, nous dit-on, donne une médiatisation et dès lors une plus grande légitimité à nos actions.
4.La légitimité fondée sur les valeurs
Certaines fiches montrent les limites parfois entre valeurs et actions : si les valeurs sont souvent partagées par tous les acteurs, les méthodes d’actions ne le sont pas. Ne fonder la légitimité que sur les valeurs est donc insuffisante !
Une valeur cependant fondamentale, qui revient dans plusieurs fiches tant du Nord que du Sud est celle de l’autonomisation des personnes. On dit que la légitimité du projet existerait dans la mesure où il répond à un besoin des personne à trouver elles-mêmes les solutions à leurs problèmes de logement. Cette fiche du Nord fait écho à celle du Sud qui nous dit que ce projet est légitime dans la mesure où il répond à un besoin d’autonomisation des couches sociales défavorisée grâce au micro-crédit.
Cette question a donc soulevé un grand intérêt, mais pointe aussi du doigt des tensions qui peuvent exister entre besoin réel et résultat réel … entre spontané et obligatoire … entre valeurs et méthodes d’action..