En septembre 2020, des chercheur·ses de ISD ont identifié une nouvelle tendance à l’oeuvre dans les réseaux sociaux : l’émergence du terme “confinement climatique” (en anglais : « climate lockdown »). La flambée de l’usage de ce terme serait principalement liée aux climato-sceptiques, qui affirmaient que la pandémie de Covid-19 n’était que le premier épisode d’une future “tyrannie verte”, et que les gouvernements comme les élites mondiales allaient restreindre les libertés civiles sous prétexte de changement climatique. Au cours des huit mois suivants, des chercheur·ses ont mené une enquête détaillée sur l’émergence et la diffusion de plus en plus large de ce slogan via Twitter, Facebook et YouTube.
Quatre objectifs principaux à cela :
- Comprendre comment la notion de « confinement climatique » est construite dans le cadre de dynamiques socio-politiques plus larges ;
- En identifier les principaux promoteurs et caisses de résonance ;
- Établir quels sont les points de rencontre avec d’autres groupes et mouvements étudiés par ISD (par exemple, les anti-confinements ; anti-vaccins ; extrême-droite ; conspirationnistes)
- Évaluer les possibles influences de cette tendance sur le débat plus général autour du changement climatique.
Ce rapport détaille chronologiquement la prise d’ampleur et l’évolution du terme « confinement climatique » et s’organise en deux sections. La première souligne la façon dont ce discours émerge et est réinterprété par des acteurs malveillants à mesure qu’il s’est diffusé sur différentes plateformes de réseaux sociaux. La deuxième montre comment, début 2021, les faux-pas des médias « libéraux » ont ravivé ce discours et lui ont permis de se mélanger à d’autres théories conspirationnistes pré-existantes – pour devenir, en dernière instance, un discours plus général centré sur le rejet des élites.
Le rapport conclut sur de potentielles leçons à tirer pour la communication autour du changement climatique, a fortiori avec l’imminence d’événements mondiaux comme la COP26, ou de nombreuses élections nationales et régionales.
« Confinement climatique » : il ne s’agit pas d’une histoire de menaces extérieures à un discours populaire, mais un exemple du fait que n’importe quel message peut être instrumentalisé par ceux qui cherchent à causer des dommages – soit pour tirer profit de la désinformation et de la rage créée de toute pièce, pour alimenter la méfiance dans les institutions, ou pour confirmer l’existence de biais au sujet de certains groupes ou certaines causes. La lutte contre le changement climatique se voit contrainte de jouer à l’équilibriste sur une corde de plus en plus raide : mettre en évidence les enjeux à agir sans prendre des tonalités trop apocalyptiques ou impitoyables, et apporter des preuves qui soutiennent des programmes ambitieux sans attiser les craintes et les frustrations liées au Covid-19.
Les principaux résultats de cette recherche, présentés en détail dans le rapport, sont les suivants :
- Les négationnistes du climat les plus engagé·es ont essayé de médiatiser le terme « confinement climatique » depuis mars 2020, sans succès ou presque sur les réseaux sociaux
- Le discours n’a commencé à décoller en ligne qu’après une série de gros titres et de posts malencontreux de la part d’institutions dominantes, dont des médias comme The Guardian ou encore de think-tank internationaux comme le Forum Économique Mondial, en apportant de l’eau au moulin à l’écosystème des médias réactionnaires.
- De ce fait, le terme « confinement climatique » ne rentre pas dans le cadre du phénomène récent, de la théorie complotiste qui prend de l’ampleur par le biais de plateformes ou de groupes marginaux, avant de se normaliser progressivement. Au contraire, ce discours a été réapproprié par des médias et des commentateurs d’extrême-droite seulement après les citations trompeuses de ce qui est perçu comme ‘l’establishment libéral’.
- Une fois que le terme a capté l’attention du public, il a rapidement intégré le cadre pré-existant de la ‘guerre culturelle’ et de ses ramifications nationales. Ce phénomène est moins dû à des blogueurs marginaux qu’à des médias très visibles comme Fox News, qui a fait du « confinement climatique » un concept annonçant une tragédie autoritaire imminente. Ces derniers mois, de telles conceptions ont frayé leur chemin au milieu d’une série de mouvements conspirationnistes et d’extrême-droite, apparaissant récemment dans les forums du fameux culte QAnon.