Aliments contaminés

Par Silvio Caccia Bava

, par Autres Brésils

Le Brésil est le plus grand marché de pesticides dans le monde, ce qui représente 16% des ventes mondiales. En 2009, 780 mille tonnes ont été vendues au Brésil, pour un montant total d’environ 8 milliards de dollars. Au cours des 10 dernières années, dans le sillage de la croissance de l’agro business, ce marché a augmenté de 176%, soit presque quatre fois plus que la moyenne mondiale, et les importations brésiliennes de ces produits ont augmenté de 236% entre 2000 et 2007. Les 10 plus grandes entreprises du secteur phytosanitaire dans le monde concentrent plus de 80% de leurs ventes au Brésil.

Ces entreprises ont vu leurs nouveaux objectifs financiers menacés par l’annonce de l’Agência Nacional de Vigilância Sanitária – Anvisa (Agence Nationale de Vigilance Sanitaire) qui se propose de reconsidérer l’utilisation de 13 pesticides, dont quelques-uns déjà interdits depuis de longues années aux USA, dans l’Union européenne et dans des pays tels que l’Argentine,le Nigeria, le Sénégal, la Mauritanie, ceci entre autres pour des produits comme l’acéphate Acéphate [1] et l’endosulfan [2].

Les raisons de cette interdiction sont évidentes, la contamination des aliments, des travailleurs ruraux et de l’environnement provoque, littéralement l’empoisonnement des consommateurs, la mort de travailleurs ruraux ainsi que la destruction de la vie animale et végétale.

En sollicitant le Ministère Public pour l’interdiction de l’un de ces pesticides : le Tamaron, les députes fédéraux de l’époque Fernando Dantas Ferro, Adão Preto et Miguel Rosseto dénoncent la mort chaque année de 5.000 travailleurs ruraux, intoxiqués par des poisons agricoles, sachant que bien plus de personnes sont gravement atteints par l’ingestion elle-même des composants chimiques de ces produits.

Devant la disposition de l’Anvisa de reconsidérer des produits comme le Gramoxone, Paraquat, Tamaron, Mancozeb, Monocrotfos, Folidol, Malation et Decis, – le Sindicato das Indústrias de Defensivos Agrícolas – Sindag (Syndicat des Industries des Intrants Agricoles) – a eu recour à la justice, demandant que ne soient pas publiés les résultats des réévaluations. Il y eut même des initiatives judiciaires prétendant interdire tout simplement les enquêtes de l’Anvisa qui s’assurait alors de la sécurité des substances de 99 pesticides.

Le fait est que le secteur agricole, avec le ministre de l’Agriculture, Reinhold Stephanes, en tête et les fabricants de pesticides sont partis en campagne contre l’initiative de l’Anvisa, et même contre l’Anvisa elle-même dans son rôle de contrôle. Selon un document obtenu par l’ABRANDH – Ação Brasileira pela Nutrição e Direitos Humanos (Action Brésilienne pour la Nutrition et les Droits de l’Homme), le Ministère de l’Agriculture désire être le responsable de l’évaluation et du registre des produits phytosanitaires. Pour Rosany Bochner, spécialiste en toxicologie à la Fiocruz Fiocruz [3], institution partenaire de l’Anvisa dans le travail de re-évaluation des pesticides, “le Brésil devient un véritable dépotoir de « saletés ». Les pesticides que les entreprises n’arrivent pas à vendre ailleurs, signalés à problèmes, sont déversés sur nous”.

En 2002, avec le début de la mise en œuvre du Programme d’Analyse de Résidus et de Pesticides dans les Aliments, coordonné par l’Anvisa, des informations alarmantes ont été révélées. Sur les 1.198 échantillons prélevés au niveau national, 17,28% présentaient des indices de contamination au-delà des quantités autorisées pour préserver la santé. La tomate, la fraise et la salade étant les plus contaminées. Si vous mangez entre autres comme aliments : des cacahuètes, des pommes de terre, des brocolis, des agrumes, des choux, choux-fleur, des haricots noirs, du melon, du piment, attention ! Ceux-ci contiennent de l’acéphate, un pesticide qui peut provoquer des dommages au cerveau et au système nerveux ainsi que provoquer le cancer à long terme.
L’acéphate étant interdit dans toute l’Union européenne.
Selon l’IDEC – Instituto de Defesa do Consumidor (Institut de Défense du Consommateur), “le consommateur brésilien est soumis à un risque sanitaire inacceptable, qui exige des mesures rigoureuses de la part des instances gouvernementales responsables, y compris la punition des contrevenants”.

Cette dénonciation découle du recensement et de l’analyse de l’Anvisa, réalisé de juin 2001 à juin 2002, dans lequel rien moins que 81,2% des échantillons analysés (1051 cas) montraient des résidus de pesticides et 22,17% présentaient des taux dépassant les limites maximales autorisées.

Actuellement les pesticides sont en réévaluation autant par l’Anvisa, que par les Ministères de la Santé et de l’Environnement et on espère que d’ici la fin de l’année soit divulguée une nouvelle liste de pesticides, déterminant ceux qui pourront continuer à être vendus et ceux qui seront bannis du territoire brésilien. À ce jour, il n’existe pas encore d’action concertée de la part de ces institutions publiques en charge de cette tache de contrôles, mais selon Agenor Álvares, directeur de l’Anvisa : "Améliorer cette concertation, parfaire cela est quelque chose d’indispensable, ne serait-ce que pour faire face à la proposition du secteur agricole, qui est inacceptable".

Traduction : Monica Sessin pour Autres Brésils

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Notes

[1Acéphate : insecticide organophosphoré (type DDT) utilisé dans les cultures de coton et de soja.

[2Endosulfan : pesticide organochloré utilisé dans les cultures de café.

[3Fundaçao Oswaldo Cruz, institution privée crée en 1902, rattachée à présent au Ministère de la
3 Santé et soumise depuis aux interférences des politiques.