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Le 17 octobre, le monde a poussé un « ouf » de soulagement lorsqu’au dernier moment, les États-Unis n’ont finalement pas atteint le « plafond de la dette » qui aurait entrainé un défaut de paiement de la part de la première économie mondiale.
Le soulagement est teinté d’incrédulité et de frustration.
D’abord, parce que la trêve entre Barack Obama et la majorité républicaine de la Chambre des Représentants n’est que temporaire et retarde juste les délais pour un nouveau blocage du gouvernement et un autre plafond à respecter pour la dette aux mois de janvier et février de l’année prochaine.
Ensuite, ce fiasco s’est déjà produit et, à chaque fois, le Congrès n’a laissé que quelques mois de sursis au Président. Les républicains souhaitent réduire les dépenses et le déficit budgétaire et semblent déterminés à empêcher le gouvernement de fonctionner si ce but n’est pas atteint. Obama, qui par le passé négociait et faisait des concessions, est resté ferme cette fois-ci.
Les républicains sont allés trop loin en exigeant le non-financement de la réforme historique de la santé comme condition à l’augmentation du plafond de la dette. Obama a dit « stop » et le Parti républicain a vacillé en se retrouvant montré du doigt par l’opinion publique.
Les dirigeants républicains au Congrès ont du accepter l’humiliation en relevant le plafond de la dette et en se soumettant à la fermeté du gouvernement, cela sans affecter la réforme de la santé, rebaptisée « Obamacare ».
Mais le mal est fait. Son système de gouvernement ne fonctionne plus. La moitié de la classe politique a la volonté et la capacité de paralyser les fonctions du gouvernement dirigé par l’autre moitié, utilisant comme une arme le refus d’approuver les budgets et d’augmenter la capacité d’endettement.
Quelques jours seulement avant la date limite, les ministres des Finances du monde entier, réunis à Washington pour l’assemblée annuelle de la Banque Mondiale et du FMI, ont souligné les dangers extrêmes d’un défaut de paiement de la dette américaine.
Partout, les dirigeants et analystes ont regretté l’effondrement des certitudes concernant le dollar et le leadership financier des États-Unis au niveau mondial.
Dans l’article de l’agence de presse chinoise Xinchua intitulé « L’échec fiscal des États-Unis garantit un monde désaméricanisé » signé par Liu Chang et souvent cité, celui-ci affirme que la récente crise a montré que les États-Unis n’étaient pas capables de se gouverner eux-mêmes et encore moins de le faire pour le reste du monde.
Après avoir critiqué Washington pour son intervention sur les sujets politiques d’autres pays dans son effort pour construire un empire mondial, il condamne les États-Unis pour la façon dont ceux-ci exportent leurs risques financiers puisque la crise du plafond de la dette a, une nouvelle fois, mis en danger d’énormes actifs en dollars pour beaucoup de pays et angoissé la communauté internationale.
L’article de Xinchu soutient que « ces jours inquiétants durant lesquels le destin des autres se trouve dans les mains d’une nation hypocrite doivent prendre fin », donnant naissance à « un nouvel ordre mondial dans lequel on protège et respecte de la même manière les intérêts fondamentaux de toutes les nations, grandes ou petites, riches ou pauvres ».
Un aspect clef de ce nouvel ordre devrait être l’adoption d’une nouvelle monnaie de réserve internationale pour remplacer le dollar afin que le monde sorte sain et sauf d’une nouvelle tourmente politique interne des États-Unis. Il y a de grandes préoccupations mondiales en ce qui concerne la situation du dollar qui est, de loin, la monnaie de réserve la plus importante.
D’autre part, au moment de rembourser, les pays qui se sont endettés en dollar pourraient souffrir si le taux d’intérêt du dollar s’emballe en raison des inquiétudes sur le défaut de paiement de la dette américaine.
Les entreprises et gouvernements qui utilisent le dollar comme monnaie d’échange se verraient, eux aussi, affectés par le chaos qui toucherait les marchés commerciaux et financiers si une perte massive de confiance envers les États-Unis et le dollar devait avoir lieu.
L’incertitude constante née des affrontements politiques à Washington va accélérer l’érosion de la confiance envers les États-Unis comme leader économique mondial.
Dans sa colonne du Financial Times, l’analyste Martin Wolf affirme que le plafond de la dette américaine est l’équivalent législatif d’une bombe nucléaire et que cette loi devrait être abrogée car il ne peut pas y avoir de gouvernement fiable avec une menace aussi destructrice.
Mais, dans un commentaire éditorial, The Independant souligne que, s’il est facile d’argumenter contre le plafond de la dette, les mêmes extrémistes qui l’utilisent comme une arme de destruction massive n’y renonceront pas si facilement.
Ces derniers jours, les dirigeants démocrates et républicains en charge de la politique budgétaire au Congrès ont commencé à organiser des réunions afin d’éviter que le fiasco ne se répète d’ici à quelques mois alors que la date concernant les nouveaux taux plafonds pour les budgets et la dette approche.
Etant donnée la polarisation idéologique à Washington, le plus probable est que le monde soit de nouveau le témoin d’une série d’affrontements. Si cela arrive, ceux qui appellent à un nouvel ordre mondial se feront entendre avec plus de force.