Omar el-Béchir, le président soudanais, est arrivé au pouvoir en 1989 à la faveur d’un coup d’État. Dès lors, il assure son pouvoir en faisant taire les dissidences : les mouvements étudiants, la presse, les partis politiques d’opposition… Autant de cibles pour les redoutés agents de la NISS (National Intelligence Security Service), les services secrets et de renseignements régulièrement coupables d’arrestations et de détentions arbitraires, de torture et de mauvais traitements. Pourtant, en janvier 2014, le Président a assuré vouloir débuter un processus de « Dialogue national », permettant à l’ensemble des composantes politiques du pays, y compris les représentants des groupes armés rebelles, de dialoguer afin de trouver des issues aux différents conflits. En avril de la même année, Omar el-Béchir a assuré vouloir libérer tous les prisonniers politiques du pays, dont il niait pourtant l’existence peu de temps auparavant… Ses promesses ont été de courte durée : en mai, les autorités font arrêter Sadik el-Mahdi, le leader d’un des principaux partis de l’opposition, quelques jours après des déclarations de ce dernier qui fustigeait les exactions des forces armées gouvernementales au Darfour. Cette arrestation met un terme à tout dialogue et les partis d’opposition annoncent leur refus de participer à tout processus électoral sans promesse de gouvernement d’unité nationale.
En avril 2015, sans réel adversaire, Omar el-Béchir est réélu à son poste de président, avec plus de 94 % des suffrages. Il est destitué en 2019.
Le règne d’Omar el-Béchir est marqué par des atrocités commises contre les groupes ethniques non arabes du Darfour. En plus des déplacements massifs, son gouvernement est accusé d’utiliser le viol comme arme de guerre, de bombarder aveuglément des civil·es, de détruire des villages et des approvisionnements en eau, ainsi que de recourir à des armes chimiques au Darfour.
Omar el-Béchir est visé par un mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI) en 2009 et 2010 sur la base de cinq chefs d’accusation de crimes contre l’humanité : meurtre, extermination, transfert forcé, torture et viol ; et deux chefs d’accusation de crimes de guerre [1].
L’indépendance du Soudan du Sud (2011) a mis à mal l’économie du Soudan. C’est en effet au Sud que se trouve la majorité de la production pétrolière. Les accords de paix qui ont précédé l’indépendance prévoyaient cependant qu’une rente soit reversée au Soudan, le Soudan du Sud utilisant les routes commerciales vers le Nord pour leurs exportations. Cela ne suffit cependant pas à l’économie soudanaise, toujours en proie à de grandes difficultés. Des manifestations de grande ampleur ont ainsi été régulièrement organisées pour protester contre le coût de la vie. En septembre 2013 à Khartoum, mais aussi dans des villes de province, des manifestations protestant contre l’arrêt des subventions pour l’achat de carburant mobilisent la population pendant plusieurs semaines : le gouvernement choisit la répression plutôt que le dialogue. Le bilan est dramatique : 185 mort·es, plusieurs centaines de blessé·es, et de nombreuses arrestations arbitraires. Depuis, les mouvements pacifiques sont systématiquement réprimés.
Les libertés de réunion, d’association et d’expression sont régulièrement bafouées et les violations des droits humains sont fréquentes : en mars 2014, interdiction de manifestations et de la tenue de réunions publiques, en août, arrestation de manifestant·es devant une prison pour femmes.
La marge de manœuvre des militant·es soudanais·es est faible quelle que soit leur cause : les militant·es politiques sont pris·es pour cible, y compris les militant·es pacifiques et défenseur·es des droits humains qui appellent à la fin des conflits au Soudan. Une lettre ouverte, « l’Appel du Soudan », appelant à la démocratie et à la fin des conflits, vaut à deux personnalités de la société civile et de l’opposition six mois d’emprisonnement en décembre 2014.
Les journaux font les frais de ces restrictions de la liberté d’expression. Depuis une loi entrée en vigueur en 2009, les services de renseignements peuvent empêcher toute publication qui porterait atteinte « à la sécurité nationale ». Grâce à une définition très large de ce concept, les autorités peuvent, en réalité, empêcher les publications d’articles gênants pour le pouvoir : cas de corruption, exactions des forces de sécurité, situation des droits humains en particulier dans les régions en conflits… Ainsi, en 2014, les agents de la NISS procèdent à cinquante-deux reprises à la confiscation de journaux dès leur impression. Pour le seul mois de février 2015, vingt-et-un journaux se voient confisquer au moins une édition. Selon l’ONG de défense de la liberté de la presse et des journalistes Reporters sans Frontières, ces saisies à répétition pèsent sur le budget des quotidiens et contribuent à une « stratégie d’asphyxie de la presse indépendante » [1].
De nombreux cas d’arrestations arbitraires et de harcèlement qui prennent la forme d’interrogatoires de journalistes sont également régulièrement relayés par des ONG. En 2015, de nombreux·ses militant·es politiques sont victimes de ces arrestations : pour le seul mois d’août 2015, 17 membres de partis d’opposition dont la majorité du Parti du Congrès soudanais (Sudanese Congress Party – SCP) sont arrêté·es. Selon Reporters sans Frontières, des dizaines de personnes sont arrêtées entre février et avril, soit pendant les périodes pré et post-électorales. Ces arrestations concernent toutes les régions soudanaises : deux étudiants d’El-Obeid au Kordofan ont été arrêtés après avoir participé à une réunion publique du Parti du Congrès (Congress Party). En juin et juillet, au moins 28 membres de ce même parti sont arrêté·es à la suite de l’arrestation de leur leader.