Monsieur le Président de la République,
Nous, organisations humanitaires, de développement, et de défense des droits de l’Homme, tenons à attirer votre attention sur des développements préoccupants en Israël et dans le Territoire palestinien occupé.
L’annexion de la Cisjordanie semble imminente si la communauté internationale et notamment la France n’agissent pas immédiatement. Un nombre croissant d’organisations reconnaît qu’Israël a déjà annexé de facto une grande partie de la Cisjordanie, notamment les zones des colonies et leurs environs, mais aussi d’autres zones, déclarées comme « zones militaires fermées », « réserves naturelles », ainsi que les terres palestiniennes situées à l’ouest du Mur. Contrairement à Jérusalem-Est et, plus récemment, les hauteurs du Golan, le gouvernement israélien n’a pas formellement annexé certaines parties de la Cisjordanie. Le gouvernement israélien utilise néanmoins de plus en plus d’outils juridiques afin d’étendre son contrôle, administratif et de facto, sur le Territoire palestinien occupé. Sous la vingtième Knesset, menée par Netanyahu, huit lois ont été approuvées et 52 autres projets de lois ont été examinés, qui se veulent des extensions juridiques de la souveraineté israélienne sur les territoires occupés ou qui normalisent la colonisation et la gestion civile du territoire, en totale violation du droit international. [1]
En cette période électorale en Israël, plusieurs candidats, notamment le Premier ministre Benyamin Netanyahou, ont affirmé leur opposition à la solution à deux États, et confirmé leurs intentions de consolider le contrôle israélien sur de vastes étendues de la Cisjordanie. Le 10 septembre 2019, M. Netanyahou annonçait qu’il s’engageait à annexer la Vallée du Jourdain s’il était élu. Le 1er septembre 2019, lors d’une visite dans la colonie d’Elkana, il déclarait qu’il « aspirait à étendre la souveraineté d’Israël sur toutes les colonies en Cisjordanie », et qu’aucune colonie ne serait « déracinée ». Benny Gantz, son principal rival, a également déclaré publiquement son opposition à un désengagement israélien de la Cisjordanie : « Nous devons garder la Vallée du Jourdain comme frontière de sécurité à l’Est, nous ne pouvons pas nous retirer sur les lignes de 1967 » a-t-il déclaré, ajoutant « nous maintiendrons les blocs de colonies, et Jérusalem sera pour toujours la capitale unie d’Israël ». La majorité des autres candidats, tels qu’Ayelet Shaked et Avigdor Lieberman, s’opposent également à la solution à deux États, et soutiennent ouvertement l’implantation de colonies en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.
Malgré le contrôle de facto de ces zones, une annexion unilatérale aurait des conséquences dévastatrices, notamment :
Un durcissement des violations israéliennes du droit international, défiant les nombreuses résolutions et condamnations de la communauté internationale. Une telle violation flagrante aurait des conséquences régionales et globales, en contribuant notamment à l’érosion du droit international. Cette annexion officielle et de jure constituerait en effet une confirmation implicite qu’Israël est au-dessus des normes internationales et peut continuer à commettre de graves violations sans avoir à se soucier des conséquences. Un parallèle peut être établi entre l’annexion des colonies, et celle de Jérusalem-Est, formalisée en 1980 ; bien que non-reconnue par la communauté internationale, elle a provoqué une détérioration des droits fondamentaux de la population palestinienne, y compris l’accès aux services, comme la santé et l’éducation. [2]
La négation de la solution à deux États : une telle annexion fragmenterait de façon irréversible la Cisjordanie, laissant seulement des îlots de territoire sous contrôle palestinien. La création d’un État palestinien indépendant, contigu et viable serait impossible dans ces conditions.
Le gouvernement français a maintes fois affirmé son opposition aux colonies israéliennes, les considérant non seulement illégales (un fait réaffirmé par le Conseil de Sécurité de l’ONU, notamment dans la Résolution 2334 du Conseil de Sécurité), mais aussi comme constituant un obstacle à un éventuel accord de paix et à la création d’un état palestinien. En l’absence de médiateurs impartiaux et crédibles, la France, et les pays membres de l’Union Européenne, se doivent de jouer un rôle proactif et décisif en prenant des mesures concrètes contre les politiques d’annexion, de facto et de jure, du gouvernement israélien. Ces mesures devraient être mises en place immédiatement, afin de prévenir d’éventuelles actions unilatérales israéliennes, et d’affirmer de façon claire et concrète l’opposition du gouvernement français à une annexion israélienne du Territoire palestinien occupé. Une inaction de la part de la communauté internationale suite à une annexion israélienne sonnerait le glas de la solution à deux États, et renforcerait le sentiment d’impunité enraciné dans ce conflit.
Monsieur le Président, nous espérons que cette lettre et ces recommandations retiendront toute votre attention. Nous sommes à votre disposition pour discuter plus en détails de ces recommandations.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre très haute considération.
Liste des organisations signataires
ActionAid Palestine
Association France Palestine Solidarité (AFPS)
Association de Jumelage entre les villes françaises et les camps de réfugiés palestiniens (AJPF)
Association « Pour Jérusalem »
CCFD-Terre Solidaire
Centre de Recherche et d’information pour le Développement (CRID)
Centres d’Entraînement aux Méthodes d’Éducation Active (CEMEA)
Comité de Vigilance pour une Paix Réelle au Proche-Orient (CVPR)
Groupe d’amitié islamo-chrétienne (GAIC)
La CIMADE
Ligue des droits de l’Homme (LDH)
Médecins du Monde France (MDM)
Mouvement Contre le Racisme et pour l’Amitié entre les peuples (MRAP)
Pax Christi
Plateforme des ONG françaises pour la Palestine
Première Urgence Internationale (PUI)
Réseau Euromed France