Les pieds dans le ciment
Une action forte, théâtrale, qui avait déjà été menée une première fois devant le palais présidentiel en 2016, à l’époque exclusivement par des femmes. Connues comme les « ibu ibu » de Kendeng – un terme qui, en indonésien, signifie les « femmes » comme les « mères », celles-ci avaient suscité un vaste intérêt pour cette lutte non violente, en défense pour la nature, et dont les femmes sont les symboles. Comme elles disent souvent, si elles luttent contre l’usine de ciment, c’est avant tout pour la vie, pour le devenir de l’humanité. Avant de partir, Bu Patmi, avait dit à sa fille qu’elle allait à Jakarta pour défendre leur eau et leur terre, et à travers cela, l’avenir de ses enfants et petits-enfants. On l’appelle aussi la nouvelle « Kartini », en référence à Kartini, une figure pionnière du féminisme en Indonésie, qui s’était battue pour le droit de l’éducation des femmes sous l’époque coloniale. Lors de leur première manifestation « les pieds dans le ciment », les ibu ibu s’étaient également dénommées les « 9 Kartinis », inscrivant leur mouvement dans une longue histoire de résistance.
Située sur la côte nord, au centre de l’île de Java, la lutte dans la région de Kendeng, a commencé il y a déjà plus de dix ans, en 2006, lorsqu’une première usine de ciment de l’entreprise nationale « Semen Gresik » a voulu s’installer dans le district de Pati. Gorgée de rivières souterraines, de sources minérales et de calcaire, cette région constitue un emplacement rêvé pour la production de ciment. Mais les investisseurs avaient peut-être oublié que Pati est également l’un des chefs-lieux des Samin, connue à Java comme l’une des communautés historiques de résistance paysanne, née au 19ème en refusant de payer les taxes coloniales. Et qui s’est depuis, maintenue sur des principes d’autonomie et de désobéissance civile. C’est dans cette tradition que les Samin ont été à l’initiative de la lutte de Kendeng, qui n’a cessé de se renforcer en dix ans. Ils obtiennent une première victoire en 2009, lorsque les entrepreneurs décident de « repousser » le projet industriel. (...)