Au Sénégal, un gigantesque projet de biocarburant dégénère en piège mortel

Par Mehdi Meddeb

, par Médiapart

Sur le papier, le projet avait tout pour plaire. Des tracteurs sénégalais roulant au bioéthanol, des milliers d’habitants de Fanaye et des alentours embauchés,
des écoles, des centres de santé, des pistes, une terre aride bientôt verte, plus d’un million d’euros pour lutter contre la pauvreté... C’était l’assurance d’une vie
meilleure pour ce gros village au nord du Sénégal, à quelques kilomètres de la frontière mauritanienne. Fanaye allait décrocher le gros lot. Tout était trop beau
pour être vrai. Jusqu’au 26 octobre.

Ce jour-là, le conseil rural de cette localité délibère sur l’attribution de 20.000 hectares à Senhuiles-Senéthanol, une filiale appartenant à une société italienne inconnue dans le secteur du biocarburant : Tampieri Financial Group. Devant le bâtiment public, des habitants en colère tentent de manifester. Armés, des partisans du projet italien tirent. Un homme s’écroule.

« Il a été tué à bout portant », s’emporte au téléphone Youssouf Barro, porte-parole du collectif de défense des intérêts et des terres de Fanaye. « Une quarantaine de personnes fidèles au président du conseil rural étaient armées de fusils traditionnels et de coupecoupe, raconte-t-il, ils ne nous ont laissé aucune chance de nous exprimer. » Au total, deux personnes décèdent, et plus de vingt sont blessées.

Depuis des mois déjà, le conflit menaçait à Fanaye. Les éleveurs entendaient parler d’un projet grandiose sans qu’on leur demande leur avis. Des étrangers qui investissent mais qui seraient peu respectueux. Des rumeurs circulent sur la profanation d’un cimetière pour la construction d’un canal d’irrigation. Le nom
même de Senhuiles-Senéthanol provoque la méfiance. « On pensait qu’ils voulaient faire de l’alcool ici en pays musulman », explique un habitant joint au téléphone.

Depuis avril, le projet a démarré : une pépinière sur 300 hectares, les semences de tournesol arrivent, etc. Un millier de journaliers auraient même commencé le travail. À terme, Senhuiles-Senéthanol promet la création de 2.500 emplois directs. Autrement dit pour quasi tout le monde. « Impossible, on n’est pas autant à Fanaye », fulmine Youssouf Barro.

Télécharger l’article complet en Pdf. ici