Remunicipalisation : laisser l’eau entre les mains du secteur public

, par TNI

Au cours des 15 dernières années, le nombre de communautés ayant transféré des services d’eau et d’évacuation des eaux usées privatisés au secteur public a augmenté de façon significative : un phénomène appellé "remunicipalisation".

L’accès à l’eau est un droit universel et fondamental pour la Vie @Shenghung Lin (CC BY-NC-ND 2.0)

Qu’est ce que la remunicipalisation ?

La remunicipalisation est le processus par lequel les services d’approvisionnement en eau et d’évacuation des eaux usées sont restitués à des fournisseurs de service public. Plus précisemment, la remunicipalisation est le transfert des services d’eau, privatisés sous n’importe quelle forme —même, par exemple, la propriété privée des actifs, l’externalisation des services et les associations public-privé (APP)— vers la propriété, la gestion et au contrôle public et démocratique.

La plupart des cas de remunicipalisation à travers le monde ont eu recours à une rupture du contrat, avant qu’il ne parvienne à terme. Dans d’autres cas, les gouvernements locaux ont attendu la date de fin de validité du contrat pour mettre fin à la gestion privée de l’eau.

Entre mars 2000 et mars 2015, les chercheur.euses ont recensé les cas suivants :

  • 235 cas de remunicipalisation de l’eau dans 37 pays, qui ont impacté plus de 100 millions de personnes.
  • Ces cas se situent, entre autre, à Accra (Ghana), Almaty (Kazakhstan), Antalya (Turquie), Bamako (Mali), Bogotá (Colombia), Budapest (Hongie), Buenos Aires (Argentine), Conakri (Guinée), Dar es-Salam (Tanzanie), Jakarta (Indonésie), Johannesbourg (Afrique du sud), Kampala (Ouganda), Kuala Lumpur (Malasie), La Paz (Bolivie), Maputo (Mozambique) et Rabat (Maroc).
  • Le nombre de remunicipalisations dans les pays aux revenus plus élevés a été multiplié par deux entre 2010 et 2015 (104 cas), par rapport à la période 2005-2009 (55 cas).
  • Les entreprises publiques d’eau unissent leurs forces à l’intérieur des pays et entre les pays afin de faciliter le processus de remunicipalisation.

Pourquoi les villes choisissent-elles la remunicipalisation ?

La remunicipalisation, en général, est une réponse collective aux carences de la privatisation de l’eau et des APP, entre autre le manque d’investissements dans les infrastructures, l’augmentation des tarifs et les risques environnementaux. Ces carences ont fini par convaincre les communautés et les décideur.euses politiques que le secteur public jouit d’une meilleure position pour fournir des services abordables, accessibles et de bonne qualité pour les citoyen.nes. L’étude a montré que les facteurs qui mènent à la remunicipalisation sont les mêmes partout, dont entre autres :

  • Rendements faibles (Accra, Dar es-Salam, Jakarta)
  • Investissements insuffisants dans les infrastructures (Berlin ; Buenos Aires ; Latur, [Inde])
  • Eau de mauvaise qualité (Rennes ; Cameron [Canada])
  • Différends autour des coûts de fonctionnement et de l’augmentation des prix (Almaty, Maputo ; Santa Fe [Etats-Unis])
  • Prix de l’eau élevé (Buenos Aires, Jakarta, La Paz, Kuala Lumpur)
  • Risques environnementaux (Hamilton [Canadá])
  • Difficultés pour réaliser des contrôles techniques (Atlanta ; Berlin ; Paris ; Arenys de Munt [Espagne])
  • Manque de transparence financière (Grenoble et Paris ; Stuttgart)
  • Réduction de personnel et faibles niveaux de service (Antalya, Atlanta)

Quels ont été les résultats de la remunicipalisation ?

Si chaque cas est différent, les résultats indiquent clairement que la remunicipalisation génère des bénéfices immédiats, permet une efficacité opérationnelle, une augmentation des investissements dans les systèmes d’eau et une plus grande transparence. Dans bien des cas, la remunicipalisation a été l’occasion de mettre en place des services publics de distribution d’eau plus responsables et plus participatifs, et de construire des modèles durables au niveau environnemental.

Pour aller plus loin :

Remunicipalization : Putting Water Back into Public Hands. Vidéo d’animation de 5min (en anglais, français, espagnol, italien, portugais, allemand, turc et grec)

Our Public Water Future : The Global Experience with Remunicipalization (en anglais, français, catalan et italien), 4/2015

Liste mondiale des remunicipalisations en mars 2015

Here to Stay : Remunicipalisation as a Global Trend (anglais, français, japonais, portugais, turc, chinois et allemand), 11/2014 :

Par Satoko Kishimoto, chercheuse du Transnational Institute (TNI) qui coordonne le réseau Reclaiming Public Water (Récupérer l’Eau Publique).

Lire l’article original en espagnol sur le site de Red Tercer Mundo