Rapport annuel des violations des droits syndicaux en Afrique

, par Confédération syndicale internationale (CSI)

Dans un contexte de détérioration croissante du pouvoir d’achat, doublée d’une crise alimentaire, les travailleurs et les syndicats africains ont souvent été confrontés à des employeurs très peu enclins à satisfaire leurs revendications. Tant dans le secteur public que privé, ceux-ci ont cherché par tous les moyens à briser les actions de protestation. Au nom d’une conception hypocrite de l’ordre public et du développement économique, les autorités n’ont pas hésité à employer la manière forte.

Ainsi, le 6 et le 7 avril, à Mahalla en Egypte, une ville ouvrière dans le delta du Nil au nord du Caire, des émeutes ont éclaté après que les forces de sécurité ont contraint les représentants des travailleurs de la Misr Spinning and Weaving Company, la plus importante usine textile du pays, à annuler une grève. Frustrée par ce qu’elle considérait être une provocation, la population est massivement descendue dans la rue. La répression a fait six morts, 200 travailleurs ont été arrêtés et trois militants syndicaux ont été emprisonnés durant 54 jours. En août, 32 travailleuses d’une usine de cigarettes ont été licenciées et brutalisées parce qu’elles soutenaient l’une de leur collègue de travail injustement renvoyée. Pour défendre leurs idéaux démocratiques dans un pays qui a reconduit pour deux ans l’état d’urgence, les militants syndicaux égyptiens savent qu’ils doivent s’attendre à une répression impitoyable. Le constat est le même en Tunisie où la police a fait preuve d’une violence excessive dans le bassin minier de Gafsa. L’injustice et le clientélisme y ont été à l’origine d’une vague de troubles sociaux. Une personne est morte, des dizaines de travailleurs et syndicalistes ont été condamnés à des peines de prison très lourdes. En Algérie, au Maroc également, des syndicats ont été harcelés en raison de leur volonté farouche de réformes et leur refus d’allégeance au pouvoir.

Au Zimbabwe, le pouvoir a entretenu un climat de terreur dirigé contre les opposants politiques ou tous ceux qu’il soupçonnait de vouloir le changement ou de pouvoir influencer le vote dans leur communauté, comme les syndicalistes et les enseignants. La violence antisyndicale a persisté tout au long de l’année ; un syndicaliste a été tué, plusieurs ont été torturés, des militantes ont été agressées sexuellement, des dizaines de syndicalistes - et parmi eux les principaux dirigeants - ont été arrêtés et (ou) battus, des bureaux syndicaux ont été saccagés. À l’instar du Zimbabwe, les régimes les plus autoritaires sont ceux où les violations des droits syndicaux ont été les plus systématiques. C’est le cas du Swaziland où les activités syndicales sont sévèrement réprimées, du Soudan et des pays de la Corne de l’Afrique où elles ne peuvent s’exercer dans la pratique. En Éthiopie, l’Ethiopian Teachers’ Association n’a plus d’existence légale, la justice ayant définitivement tranché en faveur d’un syndicat inféodé au gouvernement.