Après dix ans de luttes, réalités et défis des projets de réforme dans notre Amérique

Par José Seoane, Clara Algranati et Emilio Taddei

, par Herramienta

Ce texte a initialement été publié en espagnol sur la revue Herramienta, et il a en partie été traduit par Estelle Laurito, traductrice bénévole pour rinoceros.

La crise d’hégémonie du régime néolibéral en Argentine fin 2001, a eu un impact considérable tant au niveau régional qu’international. Après avoir été pris comme exemple de l’application réussie des mesures du « Consensus de Washington », la retentissante débâcle économique et politique du dit régime a projeté ensuite au monde entier l’image de son échec fracassant.

Cependant, l’expérience argentine – au-delà de ses particularités, de son importance relative dans le contexte international et de ses propres vanités – était loin d’être un cas isolé dans un ciel paisible. Depuis la fin des années 90, la conjonction d’un cycle de luttes et l’émergence de mouvements populaires à partir du milieu de cette décennie, avec l’impact d’un nouvel épisode de récession et de crise économique au niveau régional, a donné naissance à une période de crise légitime du modèle néolibéral dans notre Amérique.

Cette crise s’est exprimée, entre autres, par la capacité de destitution acquise par des classes et des groupes subalternes dont l’action a entraîné la chute de six gouvernements entre 2000 et 2005 [1] , ouvrant dans de nombreux cas, des processus de changement significatifs. Malgré les différences entre les diverses expériences nationales, cette période a profondément transformé le panorama régional consolidé au cours des années 90, et a marqué la rupture de l’hégémonie néolibérale et de la pensée unique, rendant difficile les initiatives de recolonisation continentale en cours, et mettant en avant les possibilités d’avancer vers un projet de transformation sociale avec des programmes et des horizons émancipateurs renouvelés et revitalisés. Des processus qui ont fait de notre Amérique Latine et des Caraïbes un des territoires les plus importants sur le terrain des résistances et des alternatives au capitalisme néolibéral au niveau mondial.

La valorisation de ces changements, des forces en pleine lutte et de la manière d’affronter les défis qui s’imposent a suscité et suscite encore un intense débat au cœur de la pensée critique. Les fins de décennie, qui, dans le cas de celle-ci coïncide presque avec la première du nouveau siècle, ouvrent souvent la possibilité d’un horizon de meilleur augure en ce qui concerne les tendances « majoritaires » et les processus déjà « matures ». Cependant, dans le but d’apporter des compléments à ce débat, nous devons éviter de considérer ces dix années comme une période homogène avec une évolution linéaire, des objectifs déjà anticipés, un esprit immanent qui avance ou recule selon le point de vu. Au contraire, il est plus approprié de considérer cette période comme une série de batailles gagnées ou perdues qui accélèrent, ralentissent ou réorientent l’espace-temps de la société et les processus socio-politiques, et qui, dans leur condensation, permettent la périodisation et la délimitation des forces et des projets en opposition. Dans ce sens, il est intéressant de souligner cinq points de manière brève – peut-être un peu schématique de par le peu d’espace disponible- qui sans aucune prétention à être exhaustifs, peuvent contribuer à la réflexion sur les défis qu’affronte aujourd’hui le projet émancipateur de la construction de Notre Amérique.

1.- Trois projets en opposition, trois moments de la confrontation

Si nous pouvons affirmer que les premières années de la décennie 2000 ont été marquées par l’éclatement et l’avancée d’une crise de légitimité du néolibéralisme – avec ses différents niveaux d’intensité et caractéristiques nationales – la période postérieure a quant à elle été marquée par des processus de cristallisation socio-politique de sortie de cette crise, dans le contexte d’un nouveau cycle de développement économique régional. L’échec de l’hégémonie néolibérale capitaliste a laissé place à un panorama latino-américain beaucoup plus hétérogène.

En ce qui concerne notre Amérique, il faut se souvenir que les forces conservatrices ont vaincu ou neutralisé les aspirations de changement, et qu’a été imposée la continuité de mesures semblables mais sous des caractéristiques renouvelées. Baptisé « néolibéralisme de guerre », ce projet a supposé l’approfondissement de la matrice extractive sous contrôle transnational et des processus de recolonisation politico-économiques – dont l’une des illustrations a été les accords de libre-échange [2] . Il a aussi cherché dans la recréation de l’« état de nature » hobbesien de nouvelles légitimités afin de promouvoir un processus de militarisation des relations sociales destiné à criminaliser et à discipliner la vie et l’action des classes et secteurs subalternes, en particulier l’action de ceux les plus touchés par l’intensification du modèle d’accumulation en cours. C’est le cas par exemple du gouvernement frauduleux de Felipe Calderón, au Mexique. Sa « guerre contre le trafic de stupéfiants » « à succès » a déclenché une vague de violence et une militarisation croissante, causant plus de 30 000 morts en presque quatre ans, et le soutien public américain d’un « Plan Colombie » pour ce pays, bien qu’il soit clair que son modèle le plus abouti au niveau international continue à être le régime colombien.

C’est en partie en Amérique du Sud où se concentrent en effet les principales expériences qui semblent proposer des issues au néolibéralisme. L’étude de ces dernières, de leurs différences et ressemblances, et de l’horizon post-néolibéral qu’elles pointent est source de débat. Nous proposons de comprendre ces expériences, à partir de leur capacité de rassemblement et de leur opposition avec deux autres projets de société, en plus de celui déjà mentionné précédemment.

L’un de ces deux projets porte le nom de « néo-développementalisme », pour reprendre la rhétorique régionale du développement des décennies passées, et il s’est affirmé, en grande partie, comme orientation principale dans les expériences argentines et brésiliennes. Il se caractérise par son aspiration à reconstruire l’autorité étatique et son rôle dans le maintien de certaines activités industrielles, la recherche d’une meilleure insertion internationale dans le cadre de la mondialisation capitaliste, la restitution du monopole de la politique à l’État, ainsi que les médiations partisanes, assurant les bases de sa légitimité dans une certaine récupération de l’emploi et avec une série de politiques sociales compensatoires. Dans ce cas, les changements réalisés sur le terrain des politiques publiques ont supposé le démantèlement de certains instruments et orientations néolibérales prédominants dans les années 90, au temps où ils assuraient la continuité du caractère capitaliste de la formation sociale. Ainsi, la situation conflictuelle et la puissance des classes subalternes sont restées confinées à l’intérieur du bloc dominant et de son horizon de société, limitant les réformes à la modification des équilibres et pactes en son sein.

Un autre projet qui se démarque dans le contexte socio-politique régional, est celui connu sous les références au « socialisme du XXIe siècle » ou « socialisme communautaire ». Il nous renvoie à un projet populaire de changement social que nous avons préféré appeler « processus constituant » [3] , et qui peut s’apparenter aux expériences vénézuéliennes, boliviennes (et jusqu’à un certain point, équatoriennes [4].). Néanmoins, sa cristallisation est à la fois davantage et moins inclusive qu’un gouvernement, que des politiques publiques ou qu’un État, dans la mesure où sa force réside dans la praxis des secteurs subalternes et dans son horizon de transformation de la matrice sociétale. Dans son sens le plus transformateur, ce projet aspire à la transformation de la matrice libéro-coloniale de l’État dans le cadre d’une démocratisation radicale de la gestion des affaires communes, d’une redistribution des revenus et des richesses en fonction des ressources apportées par l’appropriation, la propriété et la gestion publique et/ou étatique des secteurs économiques les plus dynamiques et/ou stratégiques.

Les luttes socio-politiques et les rapports de force entre ces trois projets offrent une perspective pour analyser les divers processus en cours dans notre région, la dynamique qu’assume la situation de conflit de chaque cas national, ainsi que la construction et le rôle des coalitions socio-politiques. A différents niveaux de constitution (se constituant parfois même en un espace qui croise divers partis politiques et appareils d’État), elles incarnent ces trois projets ainsi que les tensions entre ces derniers.

Finalement, la fin de la décennie sera marquée par les prémices d’une nouvelle période dans la confrontation régionale. Au début, elle se caractérisait par une offensive restauratrice promue par les pouvoirs impériaux, par les fractions les plus conservatrices du bloc dominant et par les forces socio-politiques les plus rétrogrades au niveau national, et elle se projettera comme réponse et utilisation du nouvel épisode de la crise économique internationale ouvert en 2008. Dans ce sens, le coup d’état au Honduras au milieu de l’année 2009 a été un signe indéniable de relance de l’initiative nord-américaine sur le continent, ayant pour but de neutraliser et d’abattre les processus de réforme en cours et de reprendre le contrôle sur un territoire que le pays considère comme sa zone d’influence naturelle , aujourd’hui sous la nouvelle légitimité qu’affiche la présidence d’Obama.

2.- Classes et mouvements sociaux : les défis des individus pour la réforme sociale.

Dans beaucoup de cas, ces nouvelles offensives conservatrices se sont renforcées, dans le cadre d’une baisse de la capacité de lutte et de perte de centralité politique de l’action des classes et groupes subalternes, ainsi que de leurs projets de changement, ce qui, avec les particularités nationales de chaque cas, avait été considéré comme le rejet, le recul, voire l’échec relatif. Ceci a facilité l’application de ces dispositifs hégémoniques qui tendent en permanence à rendre invisible ces luttes, en déplaçant la compréhension des dynamiques socio-politiques vers d’autres acteurs, figures ou champs d’action tels que l’État, les gouvernements ou les leaderships politico-partisans. Cependant, un regard sur le passé récent offre un panorama bien différent où les résistances face au régime néolibéral trouvent leurs racines dans ce cycle de conflit social qui a débuté au milieu des années 90. Un cycle avec au premier plan certaines fractions et groupes subalternes – notamment ceux les plus touchés par la logique de dépossession qui caractérise le capitalisme contemporain – qui dans des conditions extrêmement sévères et dans le cadre d’une grande asymétrie de forces, ont construit des marques identitaires, des organisations et des dynamiques d’action collective qui, lorsqu’elles sont apparues à la lumière du jour, on reçu le nom de mouvements sociaux. L’usage généralisé de ce concept dans le champ de la pensée critique, au-delà des ambiguïtés et des différentes interprétations qui en découlent, a servi dans un premier temps à reconnaître et, dans une certaine mesure, à rendre compte, les nouveautés qui caractérisaient ces sujets de la confrontation anti-néolibérale. Bien que la juste compréhension de ces nouveautés soit encore dépendante de la récupération et du renouvellement de la perspective de « l’analyse de classe », liée aux expériences historiques récentes et à une vision non déterministe du changement social.

De la même manière, d’un point de vue plus politique, la forme paysanne, autochtone et/ou territoriale-urbaine de plusieurs de ces mouvements a fait remonter une discussion sur les individus et l’émancipation, qui trouve aujourd’hui dans la notion d’individu émancipateur pluriel et complexe, le point de départ nécessaire et indispensable pour rendre compte de la multi-dimensionnalité de la transformation proposée. C’est une question qui a déjà été soulignée dans le passé par d’autres mouvements comme celui des femmes, le féminisme, et celui de la reconnaissance de la diversité sexuelle, et dont les luttes et les apports au projet émancipateur ont aussi été historiquement rendus invisibles. Dans le même sens, la praxis de ces mouvements – particulièrement le mouvement autochtone avec sa remise en question du modèle colonial du pouvoir – a renouvelé et enrichi les programmes et les horizons émancipateurs, avec une profondeur stratégique qui se doit d’être toujours assumée dans toute sa dimension pour être cohérente avec le concept de Mariátegui, selon lequel le socialisme indo-américain ne peut émaner ni du calque ni de la copie.

Dans la pratique socio-historique, ces mouvements - apparus des fins fonds des forêts et montages latino-américaines, et des périphéries des grands « latifundios » en passant par les circuits commerciaux et les grandes villes - se sont développés à travers une capacité d’articulation et un poids national, dont le parcours a élargi son influence depuis ces périphéries jusqu’au centre économique et politique de l’espace national, et a été jalonné par des mobilisations et des soulèvements. Dépossédées ou menacées par l’expropriation de leurs terres, leur travail et leurs conditions de vie, beaucoup de ces organisations se sont construites sur l’identification politique de leur dépossession (les sans terre, sans travail, sans toit), les conditions socio-politiques sur lesquelles s’érigeait la dépossession (les peuples autochtones) ou la logique communautaire de vie menacée (les mouvements des habitants, les assemblées citoyennes). Dans le cycle de résistance au néolibéralisme, ces organisations se sont entrecroisés et ont parfois convergés avec d’autres individus du milieu urbain où de nouveaux processus d’organisation avaient aussi lieu, comme les travailleurs – notamment ceux du secteur public – les étudiants et les jeunes, ainsi que les secteurs de la classe moyenne les plus appauvris. L’étendue et la brutalité de l’appropriation et de la concentration des revenus et des richesses sous cette phase néolibérale, a constitué les bases matérielles de ces convergences. Lorsque cela s’est produit, avec une intensité suffisante, les secteurs subordonnés ont fait irruption dans l’enceinte de la gouvernance politique néolibérale en imposant, avec des insurrections et des soulèvements, non seulement la chute des gouvernements, mais aussi la légitimité de la rue comme soutien d’une souveraineté populaire retrouvée. Dans ces réformes, les alliances avec des secteurs urbains ont été décisives, ainsi que la projection de la situation conflictuelle vers les territoires des grandes villes, ce qui a été particulièrement alimenté par les effets de la crise économique de portée régionale qui s’est prolongée, avec des va et viens, entre 1998 et 2003.

Le redressement économique qui s’en est suivi, et qui a pris dans de nombreux cas la magnitude d’un nouveau cycle de forte croissance économique, ainsi que l’ouverture de l’étroit noyau de bénéficiaires économiques et politiques qui avait caractérisé le néolibéralisme des années 90, ont été deux facteurs en rien méprisables dans la rupture de ce « front unique » anti-néolibéral et dans l’isolement, la fragmentation, la neutralisation politique et le corporatisme qui, dans beaucoup de cas, s’étaient imposés dans la situation sociale conflictuelle et dans la logique d’action des groupes subalternes. Ainsi, que ce soit par le projet de « néolibéralisme armé » avec la demande « fascisante » de plus grande sécurité, ou le projet « néo-developpementalisme » et ses perspectives et améliorations dans le domaine économique et politique ; d’importantes fractions des classes et des groupes subalternes ont été interpellées avec succès par la construction hégémonique du bloc dominant, ou ont orienté leur force comme appui et allié dans les disputes au sein de celui-ci. Les profondes menaces et les limites qui caractérisent les deux projets, confèrent une importance particulière au défi de trouver les chemins – toujours complexes, il est clair – pour la construction d’un projet de transformation sociale propre – autonome – des secteurs subalternes. Aborder ce défi incombe notamment à ceux qui ont fait de « l’autonomie » leur anathème lors des débats passés : serait-il possible, comme on a l’habitude de le dire, que l’on n’est pas jeté le bébé avec l’eau du bain ?

3.- Etat et autonomie : le défi de sortir du système libéro-colonial

Une des caractéristiques des mouvements sociaux qui ont tenu le rôle principal du cycle des luttes sociales de la dernière décennie est celle d’une praxis qui réactualisait et enrichissait la proposition d’autonomie des secteurs subalternes qui définissait les projets de changement social dans le passé. Ici, une série de pratiques collectives liées à l’autogestion, à la satisfaction collective de certains besoins sociaux ou aux formes de gestion collective d’affaires publiques ont remis sur table cette problématique, dont l’une des illustrations les plus connues est la demande des autonomies territoriales autochtones. Il ne s’agissait pas, selon nous, comme cela a été interprété dans certains cas, d’un « autonomisme autiste », « individualiste » ou « micro-politique », mais d’un projet d’autonomie et de changement social qui se construisait sur la tension même de groupes sociaux qui ne pouvaient pas vivre avec l’Etat, ni sans lui, et de même, ne pouvaient pas non plus le faire dans le marché et hors de celui-ci. Ainsi, dans la perspective d’un projet populaire de changement social, l’autonomie impliquait une remise en question radicale du système libéro-colonial de l’Etat, qui avançait de manière indissolublement unie face à la demande de démocratisation radicale de la gestion des affaires publiques. Néanmoins, ce potentiel critique s’est souvent heurté à la limite que présente considérer l’autonomie uniquement en référence à la sphère politico-étatique, en mettant l’accent sur l’opposition entre la société politique et la société civile. Cela présente le risque d’imiter la perspective libérale, et a rendu difficile la compréhension du fait que la dimension fondatrice de l’autonomie se définit par la relation (d’affrontement) avec les classes et groupes dominants, base d’un projet qui va au-delà, mais aussi au plus près de l’Etat.

Ces difficultés se sont accentuées lorsque les diverses alternatives proposées à la crise de légitimité du néolibéralisme vécue durant la première partie de la décennie 2000 ont supposé, même si de manières distinctes, un retour de la problématique de l’Etat. Mais cela a eu lieu dans un sens bien différent de celui prévu par la majorité des personnes critiques envers « l’autonomisme naïf » qui se sont aussi abreuvées, en connaissance de cause ou non, de la matrice binaire Etat-société civile classique de la pensée libérale, en insistant dans ce cas, sur le terme étatique [5]. Déjà en 2004, Francis Fukuyama –un des publicistes les plus connus de la « mondialisation néolibérale » des années 90- alertait sur une compensation exagérée du « Consensus de Washington » et appelait à construire des Etats forts afin de garantir la gouvernance néolibérale. Dans ce sens, le projet du « néolibéralisme armé » a déchargé sur les mouvements les plus actifs et critiques le poids d’une répression féroce grandissante tendant à criminaliser l’action collective des classes et secteurs subalternes. Le nombre croissant d’activistes assassinés, poursuivis, menacés, détenus et condamnés sur notre continent n’en est qu’un échantillon tragique. De même, les campagnes nationales et régionales contre la criminalisation et pour la liberté des détenus se sont transformées chaque fois plus en une des actions centrales des mouvements et une des convergences continentales dans les dernières années. En contrepartie, la stratégie « néo-developpementaliste » supposait aussi le renforcement de l’Etat, qui prétendait désormais réclamer à nouveau avec succès, pour lui et pour les médiations partisanes légitimes, le monopole de la politique publique,. Il redonnait ainsi aux mouvements sociaux leur rôle libéral classique de défenseurs d’intérêts particuliers sur le terrain social ; un changement qui par ailleurs –à certains aspects- semblait offrir la possibilité d’obtenir quelques satisfactions corporatives. Ainsi, le démantèlement ou intégration du projet politique germant dans les pratiques des mouvements sociaux a été le revers de la restauration de la légitimité d’une élite politico-professionnelle à laquelle étaient aussi intégrés certains des cadres dirigeants de ces mouvements. Les deux stratégies se sont combinées dans la vieille formule du double caractère de la domination déjà citée par Gramsci et tant d’autres, jouant un rôle central dans la défaite et le rejet de la capacité d’action des classes subalternes.

D’un autre côté, l’avancée du projet populaire de changement social, notamment dans l’expérience bolivienne et vénézuélienne, s’est exprimée par le programme d’une démocratie participative et d’un Etat plurinational ; des thématiques qui définissaient un projet de critique et de transformation du système libéro-colonial de l’Etat, lié à une capacité grandissante d’auto-activité, d’organisation et de gestion des classes et groupes subalternes. La richesse et la radicalité de ce programme – éléments que la pensée critique latino-américaine n’avait pas encore mesurés dans tout leur dimension- impliquaient de se diriger vers une transition qui demandait, en simultané, la résolution du problème de la gestion publique à partir de la transformation et le démantèlement de l’ancienne machinerie politico-bureaucratique de l’Etat. Comme lors d’occasions passées, la dispute quant à l’orientation de la transition se convertit en l’aspect décisif de ces processus. L’absence de cadres préparés pour la dite tâche, la croissante opposition de la lignée de professionnels et spécialistes, la bureaucratisation et la corruption, et enfin, la cooptation des compétences de l’Etat et de son « efficacité » se sont conjuguées (en parallèle avec les hauts et bas que traverse habituellement la dynamique de mise en marche des classes subalternes) pour influencer sur le recul du particularisme et du corporatisme. Sans aucun doute, l’histoire de ces expériences est loin d’être close. Leur analyse oblige à distinguer le gouvernement et le processus, qui fait référence à l’ensemble des rapports de force, d’organisations et d’actions des classes et groupes sociaux – en particulier les fractions subalternes- qui se battent à l’intérieur du projet de changement en cours. Comme cela a été dit lors de révolutions passées et rappelé durant les dernières années en référence aux expériences de notre continent, souvent, le processus de la révolution déploie ses forces et avance en réponse à l’attaque de la contre-révolution.

4.- Les projets et les disputes sur le plan international : forces et menaces dans la construction de Notre Amérique.

Les trois projets que nous proposons afin d’orienter notre analyse partagent un élément commun ; ils se basent en grande partie sur l’exploitation et l’exportation de biens communs de la nature. Bien entendu, il est réalisé au bénéfice presque exclusif du capital transnational et de ses associés, et d’autres appellent à une plus grande régulation publique et à l’appropriation étatique d’une partie du revenu extraordinaire, et une troisième voie promeut la propriété publique de ces biens et un processus de redistribution du revenu et de la richesse.

D’un autre côté, le profil similaire d’exportateur, se différentie aussi au niveau des diverses orientations qu’a assumé la politique internationale et de sa relation avec le marché mondial [6]. Les changements sur ce terrain se sont construits dans le cadre de la défaite relative du projet de l’ALCA lors du IIIe Sommet des Amériques (2005), de la frustration des tables de négociations à l’OMC à Seattle (1999) et Cancun (2003), ainsi que des remises en cause de la légitimité du FMI. La défaite de l’ALCA a tout particulièrement marqué le point culminant d’un processus de luttes et de remises en question croissantes de la « mondialisation » et de la politique impérialiste et guerrière nord-américaine accentuée sous le mandat de George Bush junior. Il a néanmoins pas été suffisant pour empêcher que dix pays d’Amérique Latine et des Caraïbes - en plus du Mexique que depuis 1994 a vécu les effets du TLCAN- souscrivent, entre 2003 et 2008, des traités de libre commerce avec les EU [7] , mettant en place au niveau régional l’influence gagnée par le projet de « néolibéralisme de guerre ».

En contrepartie, c’est sur les expériences de lutte anti-impérialiste et les processus de changement au niveau national que se sont définis et revitalisés les projets d’intégration latino-américains. En 2004, le Venezuela et Cuba ont fait les premiers pas de la désormais nommée Alliance Bolivarienne pour les Peuples de Notre Amérique (ALBA), et le MERCOSUR lui-même a cherché à se consolider et à s’élargir. En définitif, ça a été l’alliance entre les deux schémas d’intégration – qui s’exprimaient au niveau des relations internationales des projets du « néo-développementalisme » et du « changement social » - qui a donné vie à la l’Union des Nations Sudaméricaines en 2008.

L’UNASUR a cristallisé et marqué une importante modification du système interaméricain tel que celui-ci avait été configuré après la Seconde Guerre Mondiale sous l’hégémonie des EU à travers l’OEA et le TIAR. Elle a rempli un rôle central au niveau offensif face aux aspects les plus provocateurs de l’offensive nord-américaine. Cependant, les différences entre les divers gouvernements et projets, le poids d’une perspective qui cherchait à recréer un schéma multilatéral sur la scène internationale et les stratégies qui pariaient sur le leadership régional [8], ont compliqué le développement d’une politique effectivement anti-impérialiste et d’intégration des peuples. Des difficultés similaires se sont aussi exprimées, par exemple, dans les obstacles et contretemps qu’ont dû affronter et affrontent encore des initiatives clés comme Telesur (2005) et la Banque du Sud (2007). Dans ce contexte, la proposition d’une intégration basée sur la réciprocité, la complémentarité et la coopération, non restreinte au commerce de biens ni aux accords inter-étatiques, comme l’ALBA [9], a été construite, allant au-delà de ses limites, et en se basant sur l’expérience d’intégration la plus avancée d’un projet de transformation sociale et de construction de Notre Amérique.

Ce n’est pas un hasard si la nouvelle campagne régionale promue par les EU à partir de 2009 a donné son premier coup à travers le renversement du gouvernement du Honduras qui avait décidé d’intégrer l’ALBA une année auparavant. Comme cela a déjà été mentionné, cet événement a été un des premiers sons de cloche de l’offensive restauratrice sur le continent et il a marqué sur la scène internationale un signe tragique du nouveau moment de confrontation socio-politique qui débutait. Dans cette perspective et avec l’objectif de consolider le contrôle territorial et d’isoler Cuba et le Venezuela, un redéploiement militaire nord-américain accéléré a été mené à partir de 2009 en Amérique Centrale, dans les Caraïbes, et dans le nord de l’Amérique du Sud. Ainsi, des processus de déstabilisation ou de destitution ont été encouragés ou appuyés en Bolivie (2008) et en Equateur (2010), et aussi, bien que de manière moins explicite, au Paraguay (2009 et 2010) et au Guatemala (2009). Mais cet aspect militaire ne résume pas l’offensive nord-américaine dans la région. On ne doit pas perdre de vue que déjà fin 2007, une partie des républicains, et les démocrates « clintoniens », partageaient le diagnostique selon lequel pour récupérer l’initiative perdue sur le continent et neutraliser le rejet que réveillait le gouvernement de Bush fils, il était nécessaire de restituer la capacité d’un « pouvoir intelligent » (« smart power »). Celui-ci, en substitution de la « guerre contre le terrorisme », aurait aussi recours à la diplomatie, au commerce, à l’aide au développement, à la coopération et à un plus grand multilatéralisme afin de rétablir un certain leadership moral et non seulement militaire des Etats-Unis (Nye, 2008). Sans aucun doute, cette stratégie ne pouvait trouver meilleur visage que celui d’Obama [10].

Il y a un peu plus de dix ans, le cycle de luttes et de résistances contre la mondialisation néolibérale a fructifié en une dynamique de convergences sociales au niveau global qui a été caractérisée comme « nouvel internationalisme » et qui a constitué une force décisive au sein de la contestation face à la mondialisation néolibérale, au paradigme du libre commerce et les projets de recolonisation. Se sont ces expériences et forces qui ont donné vie au rêve de Notre Amérique et aux projets et efforts d’intégration depuis les peuples. Cependant, l’apparition de ces convergences n’a pas été étrangère à ce qui avait touché l’ordre national dans la région, ni aux coups durs vécus par les mouvements sociaux en Europe et aux EU suite à la « bataille de Genève » (2001), l’invasion et la guerre en Afghanistan (2001) et en Irak (2003), ainsi que la réélection de Bush fils (2004). C’est dans ce contexte, face au nouveau cycle de crise économique internationale, qu’il a été tenté de réinstaurer au niveau global les mêmes recettes et organismes internationaux (le FMI par exemple), à l’origine de la mondialisation néolibérale des années 90. Néanmoins, cela est bien loin de signifier que les résistances et convergences mondiales et continentales aient perdu de leur importance. Presque dix ans après la première édition du Forum Social Mondial, en janvier 2009, dans le cadre du IX FSM à Belem do Para au Brésil, les premiers pas ont été réalisés par la « Coordination continentale des mouvements sociaux vers l’ALBA » (soutenue par le MST et des organisations paysannes, de femmes, locales, et d’autres sur le continent). Cela représente une des initiatives en marche les plus importantes [11] dans le contexte de la nouvelle conjoncture régionale, avec pour objectif le renforcement des convergences de luttes et la construction de projets à long terme en réponse aux défis posés par l’offensive conservatrice.

5.- Passé et avenir : l’importance des luttes pour les biens communs de la nature.

Le cycle de croissance économique déployé dans la région à partir de 2003 a accentué dramatiquement les conséquences de l’accumulation par dépossession des biens communs de la nature. Et même durant la période postérieure à l’éclatement du nouvel épisode de crise économique internationale, l’augmentation du prix de certaines « commodities » s’est traduite par la croissance économique de ces secteurs et de leur poids politico-social. Parallèlement, dans plusieurs de nos pays, la situation de conflit social et les disputes socio-politiques autour des dits « biens communs » se sont intensifiées. Cela s’est exprimé à travers la remise en cause de la destruction environnementale et sociale ainsi que la privatisation et la marchandisation des biens communs, mais aussi à travers la dispute pour la redistribution des bénéfices tirés de leur exploitation, le projet politique de transformation de leur propriété et gestion, ou encore la remise en question de la théorie développementaliste et de recolonisation du continent. Les biens communs sont au centre de cette confrontation. Ces luttes, souvent portées par des individus différents, n’ont pas nécessairement su ou pu s’articuler. Néanmoins, comme nous l’avons signalé, dans le contexte défensif que doivent affronter les mouvements populaires dans beaucoup de nos pays et avec les complexités que ces scénarii posent, les chemins de la construction d’un projet populaire de changement social sont étroitement liés aux alternatives concernant la gestion et l’usage de ces biens communs de la nature. Une question similaire se pose au niveau international, au sein de la bataille contre les véritables responsables du changement climatique qui est en train de modifier, à coups de catastrophes et de tempêtes, la vie sur la planète en la menaçant d’extinction. Ainsi, la consigne adoptée récemment par de nombreux mouvements sociaux et organisations qui se mobilisent pour une réponse effective face à la crise climatique devient aussi la nôtre : « changeons le capitalisme, pas le climat ».

Sans aucun doute, les mouvements sociaux et les peuples de Notre Amérique et du monde font face à l’ampleur d’une crise qui, dans ses différents aspects (économique, environnemental, alimentaire, énergétique, de guerre et de militarisation, etc), a la profondeur d’une crise civilisationelle. Il ne s’agit pas seulement de l’horizon lointain des luttes mais aussi et surtout de la prise de conscience urgente de la situation. La décennie se termine avec des perspectives positives et d’autres moins, sur lesquelles nous avons tenté d’apporter des éléments pour un bilan qui puisse apporter à la réflexion de fond, à laquelle doit encore contribuer la pensée critique. Parmi tout ce qui a été évoqué, on retrouve les projets et horizons émancipateurs surgis, discutés, et explorés durant plus de dix années de lutte et d’organisation des classes et groupes subalternes. Ils font office de boussole stratégique face aux défis qui se présentent.

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 Nye, Joseph 2008 “EE UU : cómo recuperar ’el poder inteligente”, en El País, 02-01-2008 (consultado en http://www.iceta.org/jn020108.pdf)
 Quijano, Aníbal 2004 “El laberinto de América Latina ¿hay otras salidas ?”, en Revista OSAL N° 13 (Buenos Aires : CLACSO)
 Seoane, José 2008 “Los movimientos sociales y el debate sobre el Estado y la democracia en América Latina”, en Moreno, Oscar (coord.) Pensamiento contemporáneo. Principales debates políticos del siglo XX (Buenos Aires : Teseo)
 Seoane, José ; Taddei, Emilio y Algranati, Clara 2008 “El concepto ‘movimiento social’ a la luz de los debates y la experiencia latinoamericana recientes” ; en Proyecto “Conceptos y fenómenos fundamentales de nuestro tiempo”, González Casanova, Pablo (coord.) ; México, UNAM.
 Seoane, José ; Taddei, Emilio y Algranati, Clara 2010 Recolonización, bienes comunes de la naturaleza y alternativas desde los pueblos (Rio de Janeiro : IBASE)
 Svampa, Maristella 2008 Cambio de época (Buenos Aires : Siglo XXI)
 Zibechi, Raúl 2010 América Latina : Contrainsurgencia y pobreza (Bogotá : Desde abajo)

Notes

[1Nous parlons des gouvernements de Jamil Mahuad (2000) et Lucio Gutiérrez (2005) en Équateur ; des gouvernements de Gonzalo Sanchéz de Losada (2003) et de Carlos Mesa (2005) en Bolivie ; du gouvernement de Fernando de la Rua (2001) en Argentine ; et du gouvernement d’Alberto Fujimori au Pérou. Dans ce bref résumé, il est important de mentionner aussi la résistance populaire victorieuse face à la tentative de coup d’état au Venezuela (2002) et le cycle de polarisation ainsi que la confrontation qui en découla ; l’initiative de la caravane zapatiste « Marche pour la dignité autochtone » au Mexique (2001) et, sur le plan continental, l’échec par rapport au projet de la zone de libre-échange des Amériques au IIIe Sommet des Amériques (2005).

[2L’indice le plus significatif de la réussite de ce dit processus de recolonisation sont la signature et la mise en vigueur des accords de libre-échange entre différents pays et régions d’Amérique Latine et des Etats-Unis entre 2003 et 2009, ainsi que l’intervention nord-américaine de plus en plus importante pour le contrôle militaire et policier des territoires nationaux. Ceci par le biais de dispositifs comme le déploiement croissant des forces militaires et de sécurité sur le continent.

[3En référence aux cas qui se sont produits avant les processus de réformes constitutionnelles.

[4Dans le cas de l’Equateur, la direction adoptée par le gouvernement dès la fin du processus d’approbation de la nouvelle Constitution (2009), peut s’interpréter par une influence croissante due au projet néo-développementaliste, par l’orientation prise par la politique publique vers une série de biens communs naturels (minerais, hydrocarbures, eaux) qui a précipité et approfondi la confrontation avec le mouvement autochtone et, particulièrement, avec la CONAIE (Confédération des Nationalités autochtones de l’Equateur) qui en a fait l’un des protagonistes du cycle de résistance et de confrontation avec le régime néolibéral dans le passé. La confrontation entre ces projets peut se voir aussi à l’intérieur du gouvernement, État et réforme au Venezuela et en Bolivie

[5Ici, nous voulons signaler que, selon nous, la majeure partie des arguments et positionnements versés dans le richissime débat que a eu lieu au sein du camp de la pensée critique durant ces années sur la question de l’Etat et de l’autonomie se sont situés, en retrait mais bien à l’intérieur de la matrice de la pensée libérale. La discussion a ainsi eu tendance à reproduire les oppositions classiques de cette pensée qui, systématiquement, peuvent se formuler de la façon suivante : « plus d’Etat vs moins d’Etat » ; « depuis l’Etat vs hors de l’Etat ».

[6Différences et changement qui ne se limitent pas à la réorientation des relations comerciales de l’ancien centre du capitalisme développé vers la Chine emergente, qui garde plus de continuités que de ruptures quanta au modèle de reprimarisation de la structure économique.

[7Il est important de prendre en compte que ces onze pays (le Mexique, le Chili, le Pérou, la Colombie, le Panama, le Guatemala, le Honduras, le Nicaragua, le Salvador, le Costa Rica et la République Dominicaine) représentent 44,5% du POB total des 32 pays latino-américains et caribéens initialement engagés dans les négociations (CEPAL, 2009).

[8Notamment de la part du Brésil, dans ce qui a été appelé une réédition du subimpérialisme ; phénomène déjà étudié, entre autres, par l’intellectuel et militant brésilien et latino-américain Ruy Mauro Marini, en référence au cycle développementaliste initié au milieu des années 60, et dont l’œuvre mérite aujourd’hui une attention renouvelée.

[9L’ALBA rassemble actuellement sept pays – sans prendre en compte le Honduras qui suite au coup militaire s’est retiré de cet accord. Il s’agit de : Antigua-et-Barbuda, la Bolivie, Cuba, l’Equateur, la République Dominicaine, le Nicaragua, le Venezuela, Saint Vincent et de Saint-Vincent-et-les-Grenadines.

[10L’offensive conservatrice nord-américaine sur le plan international dans la cadre de la gestion d’Obama ne se limite pas à l’Amérique Latine ou à la confirmation du maintien de l’intervention militaro-coloniale en Asie. Elle se manifesta aussi sur le terrain des accords environnementaux, où le retrait unilatéral des EU du Protocole de Kyoto sous le gouvernement de Bush fils s’est accentué durant les dernières années avec la promotion nord-américaine d’un nouvel accord sur le respect des engagements liés au changement climatique qui serait présenté et validé lors de la Conférence de Copenhague (2009) et Cancun (2010), ce qui signifie dans la faits la disparition des engagements déjà limités qu’imposaient les accords de Kyoto.

[11Par ailleurs, dans le cadre des campagnes internationales et continentales en place, nous devons considérer celle qui se mobilise contre le changement climatique et pour la défense de “l’Accord des peuples” établi lors de la conférence de Cochabamba (2010), et celle lancée entre 2009 et 2010 pour le retrait des bases étrangères dans la région et contre l’offensive nord-américaine.